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Droit à l’avortement - La Cour suprême invalide l’arrêt Roe v. Wade

Vendredi 24 Juin 2022

Dans une volte-face historique, la très conservatrice Cour suprême des États-Unis a enterré vendredi le droit à l’avortement et une poignée d’États en ont profité pour bannir immédiatement les interruptions de grossesse sur leur sol.
 
Le président Joe Biden a dénoncé une « erreur tragique » qui « met la santé et la vie de femmes en danger » et appelé les Américains à défendre le droit à l’avortement lors des élections de mi-mandat en novembre.
 
Alors que les cliniques du Missouri, Dakota du Sud ou de Géorgie fermaient leurs portes les unes après les autres, des États démocrates, comme la Californie ou New York, se sont engagés à défendre l’accès aux IVG sur leur sol.
 
Cette révolution a été déclenchée par la décision de la Cour suprême de révoquer son arrêt emblématique « Roe v. Wade », qui depuis 1973 garantissait le droit des Américaines à avorter, la majorité de ses juges l’estimant aujourd’hui « totalement infondé ».  
 
« La Constitution ne fait aucune référence à l’avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit », écrit le juge Samuel Alito. « Il est temps de rendre la question de l’avortement aux représentants élus du peuple » dans les parlements locaux.
 
Cette formulation est proche d’un avant-projet d’arrêt qui avait fait l’objet d’une fuite inédite début mai. Même si elle était attendue, elle a poussé des centaines de personnes à manifester leur joie ou leur tristesse devant le temple du droit, à Washington.
 
« C’est dur de s’imaginer vivre dans un pays qui ne respecte pas le droit des femmes », confiait Jennifer Lockwood-Shabat, 49 ans, en étouffant un sanglot. « On entre dans une nouvelle culture de protection de la vie », se réjouissait à l’inverse Gwen Charles, 21 ans.  
 
Au bilan de Trump
 
L’arrêt publié vendredi « est l’un des plus importants de l’Histoire de la Cour suprême depuis sa création en 1790 », remarque le professeur de droit de la santé Lawrence Gostin. « Il est déjà arrivé qu’elle change sa jurisprudence mais pour instaurer ou restaurer un droit, jamais pour le supprimer », dit-il.
 
La décision va à contre-courant de la tendance internationale à libéraliser les IVG, avec des avancées dans des pays où l’influence de l’Église catholique reste forte comme l’Irlande, l’Argentine, le Mexique ou la Colombie.  
 
À l’international, plusieurs voix, dont celles des premiers ministres britannique Boris Johnson et canadien Justin Trudeau, ont d’ailleurs déploré le « retour en arrière » américain.
 
En France, le président Emmanuel Macron a regretté la « remise en cause » par la Cour suprême des États-Unis des libertés des femmes, soulignant que « l’avortement est un droit fondamental pour toutes les femmes ».  
 
Apprenant « avec consternation » la décision de la Cour suprême américaine, le ministère français des Affaires étrangères a pour sa part appelé « les autorités fédérales à faire tout leur possible pour protéger le droit à l’avortement ».
 
L’arrêt couronne 50 ans d’une lutte méthodique menée par la droite religieuse, pour qui il représente une énorme victoire mais pas la fin de la bataille : le mouvement devrait continuer à se mobiliser pour faire basculer un maximum d’États dans son camp ou pour essayer d’obtenir une interdiction au niveau fédéral.
 
Il s’inscrit aussi au bilan de l’ancien président Donald Trump qui, au cours de son mandat, a profondément remanié la Cour suprême en y faisant entrer trois magistrats conservateurs (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett) signataires aujourd’hui de cet arrêt.
 
Le milliardaire républicain s’est félicité d’un arrêt qui « ramène tout au niveau des États » et respecte la Constitution. « C’est la volonté de Dieu », a-t-il ajouté sur la chaîne Fox.
 
Concrètement, celui-ci porte sur une loi du Mississippi qui se contentait de réduire le délai légal pour avorter. Dès l’audience en décembre, plusieurs juges avaient laissé entendre qu’ils comptaient en profiter pour revoir plus fondamentalement la jurisprudence de la Cour.
 
Les trois magistrats progressistes se sont dissociés de la majorité qui, selon eux, « met en danger d’autres droits à la vie privée, comme la contraception et les mariages homosexuels », une inquiétude ravivée par les appels d’un des juges conservateurs, Clarence Thomas, à rouvrir ces dossiers.  
 
La majorité « s’est émancipée de son obligation d’appliquer la loi de manière honnête et impartiale », dénoncent-ils dans un texte au ton acéré.
 
Le chef de la Cour, le conservateur modéré John Roberts, a pris dans un argumentaire distinct une « position plus mesurée » : au nom de « la retenue judiciaire », il souhaitait donner raison au Mississippi et revoir les délais pour avorter sans faire tomber Roe v Wade.  
 
« Se battre »
 
Selon l’institut Guttmacher, un centre de recherche qui milite pour l’accès à la contraception et à l’avortement dans le monde, la moitié des États devraient interdire à plus ou moins court terme les avortements.
 
Dans une partie du pays, les femmes désirant avorter seront donc obligées de poursuivre leur grossesse, de se débrouiller clandestinement notamment en se procurant des pilules abortives sur l’internet, ou de voyager dans d’autres États, où les IVG resteront légales.  
 
Anticipant un afflux, ces États, le plus souvent démocrates, ont pris des mesures pour faciliter l’accès à l’avortement sur leur sol et les cliniques ont commencé à basculer leurs ressources en personnel et équipement.
 
La principale organisation de planification familiale a promis de continuer à « se battre » pour garantir l’accès à l’avortement.
 
Mais voyager est coûteux et la décision de la Cour suprême pénalisera davantage les femmes pauvres ou élevant seules des enfants, qui sont surreprésentées dans les minorités noires et hispaniques, soulignent les défenseurs du droit à l’avortement. (AFP)
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