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« Confection de tenues pour les élèves : l’équité a vraiment bon dos »

Mardi 17 Août 2021

Mody Niang, Inspecteur de l'enseignement élémentaire à la retraite
Mody Niang, Inspecteur de l'enseignement élémentaire à la retraite
C’est hors de Dakar que j’ai entendu parler de cette décision du président-politicien de consacrer trente milliards (dix par an) de francs CFA à la confection de tenues pour les élèves. J’attendais d’être de retour à Dakar pour vérifier l’information. C’est mon collègue Cheikh Sow, Directeur exécutif de la « Coalition des Organisations en Synergie pour la Défense de l’Éducation publique (Cosydep) » qui me permettra d’en avoir le cœur net. Je suis tombé comme par hasard sur le quotidien Les Échos du lundi 9 août 2021 qui rendait compte de la conférence virtuelle qu’il a donnée la veille. En excellent professionnel, il a campé le débat avec une remarquable pertinence. D’autres enseignants lui ont emboîté le pas, tous pour exprimer leurs sérieuses réserves, voire leur désaccord total par rapport à ce choix du président-politicien d’investir trente milliards dans la confection de tenues pour les élèves.
 
Cette décision surprenante et inopportune par les temps qui courent, principalement par ceux que vit notre système éducatif, fait penser au proverbe wolof selon lequel « kusa ab serjotul, ngay boot ay gamb »[[1]]url:#_ftn1 . En d’autres termes, le président-politicien et son ministre de l’Éducation nationale ferment les yeux sur les priorités pressantes du secteur, pour se lancer dans cette confection de tenues pour les élèves. Ces priorités qui n’attendent pas, Cheikh Mbow et d’autres collègues les ont largement développées pour que je n’aie vraiment pas besoin de m’y appesantir. Le ministre Talla s’évertue à justifier cette décision inopportune dite de l’État, qui viserait, selon lui, à promouvoir l’équité sociale dans l’espace scolaire. Ainsi, en direction de Cheikh Mbow et d’autres collègues qui sont loin, très loin d’être convaincus, il lance : « C’est une analyse extrêmement courte quand on regarde déjà ce qui se passe déjà au niveau du Sénégal. La tenue, elle existe déjà, et au niveau pédagogique, il y a beaucoup de points positifs par rapport à la tenue. » Et notre ministre de poursuivre : « Les élèves se retrouvent entre eux, il y a cette dynamique d’équipe quand vous l’avez. » Et dans son empressement à mettre en œuvre la directive du président-politicien – et pour cause –, il ajoute : « S’il y en a qui ne sont pas d’accord, ils peuvent l’être, ça arrive. Mais cette directive du président de la République répond à un besoin d’équité sociale. » Pour lui, celui qui dit le contraire « n’est peut-être pas dans les écoles »[[2]]url:#_ftn2 .
 
L’équité a vraiment bon dos et c’est sûrement lui qui n’est pas dans les écoles. Que gagnent en points positifs, même habillés de tenues les plus sophistiquées, les dizaines de milliers d’élèves qui étudient dans des abris provisoires ne retenant ni la pluie, ni les rayons chauds du soleil et servant parfois de refuges à des serpents ? Que gagnent les dizaines, voire les centaines de milliers d’autres, qui étudient sous l’ombre des arbres ou se bousculent à quatre-cinq par table dans des classes qui manquent de tout ? Notre ministre a-t-il pris connaissance de l’excellent reportage de Papa Alé Niang effectué dans différentes localités de Sédhiou ? Que signifient vraiment les tenues même les plus attirantes pour les pauvres élèves qui étudient dans ces conditions-là ?
 
Ces tenues n’auront rien à voir avec l’équité, aucun impact positif sur la qualité de l’enseignement qui se détériore de plus en plus. Au contraire, l’équité et la qualité s’amélioreront sûrement si les trente milliards étaient investis, effectivement investis dans les priorités développées par mon collègue Cheikh Mbow et les autres. Et puis, les trente milliards ne sont prévus que pour trois ans ! Et après ? On n’améliore pas l’équité, la qualité de l’enseignement pour trois ans. Pour ce qu’on pourrait appeler la phase 4, l’État se retire et passe la patate chaude aux dits acteurs de l’école que sont : les partenaires au développement (toujours eux), les collectivités territoriales, les parents d’élèves, la société civile, les inspections d’académie, etc. Ces acteurs font déjà face à des priorités beaucoup plus pressantes que les fameuses tenues. Le président-politicien et son ministre savent parfaitement que lesdits acteurs de l’école ne mobiliseront pas dix milliards à consacrer chaque année à la confection de tenues pour les élèves. Ils ont vraiment d’autres chats à fouetter. Cela, le ministre le sait parfaitement et son empressement à mettre en œuvre la fameuse directive du président-politicien soulève de sérieuses questions.
 
Mon collègue Cheikh Sow pense que l’objectif de la confection de tenues scolaires vise seulement à développer un autre secteur, celui de l’artisanat. Il a raison : « Un programme de l’éducation doit d’abord prendre en compte les questions de l’éducation avant d’impacter un autre secteur. » Oui, Cheikh a raison, mais il n’a pas la même préoccupation que notre ministre. Celle qui l’habite ne serait point de développer un autre secteur. Je ne peux pas aller plus loin, même si son empressement me pose problème. Il y a un gros risque qu’au lendemain de 2023, l’essentiel des trente milliards se retrouve ailleurs que dans la confection des tenues pour les pauvres élèves. Si, en mars 2024, le président élu n’est pas sorti de la famille libérale, son attention devrait être rapidement attirée sur les milliers de milliards investis pendant les douze longues années de gouvernance meurtrie du président sortant y compris, naturellement, ceux investis d’une manière ou d’une autre dans l’assainissement  comme dans la confection des fameuses tenues[[3]]url:#_ftn3 pour nos pauvres élèves qui ont vraiment bon dos. En tout cas moi, je le ferai, si je suis encore en vie et en bonne santé. Yalla man na ko.
Dakar, le 17 août 2021
Mody Niang, inspecteur de l’enseignement élémentaire à la retraite
 
[[1]]url:#_ftnref1 Des décisions de ce genre nous ont créé beaucoup de problèmes, notamment dans le secteur de l’éducation. Sont de celles-là la décision du vieux président-politicien de faire orienter tous les bacheliers et de donner la bourse ou une aide à tous les prétendants. Cette décision est pour beaucoup aujourd’hui dans les grosses difficultés que connaît l’université sénégalaise. Celle-ci n’est pas faite pour accueillir tous les bacheliers. De même, la bourse ou l’aide ne peuvent pas être attribuées à tous les prétendants.
[[2]]url:#_ftnref2 Sud quotidien du 10 août 2021, page 3.
[[3]]url:#_ftnref3 Pour ne donner que ces exemples-là, parmi de très nombreux autres.
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1.Posté par Me François JURAIN le 25/08/2021 20:05
moi, et au risque d'étonner mon ami Mody Niang, à qui j'adresse mon amical salut, là où il est, je suis pour….MAIS: avant de parler d'uniforme, peut être faudrait il parler du système scolaire: un peu comme une bonne bouteille, le contenant est beau, mais que vaut le contenu???
L'uniforme a cela d'intéressant, pour moi, c'est qu'il met tout le monde au même niveau, un peu comme l'uniforme à l'armée: ceux qui ont eu la chance de faire leur service militaire savent de quoi je parle: quand on arrive, même coupe de cheveux (super tondeuse) même uniforme, riche ou pauvre, là une seule marque de vêtements, l'armée. Et c'est bien. Moi qui venait d'un milieu que l'on peut qualifier d'aisé, j'ai découvert d'autres mondes, me suis fait d'autres amitiés, compris d'autres difficultés que je ne pouvais imaginer. Il en est de même pour l'école, (à mon époque, d'ailleurs, la blouse était obligatoire et cela ne nous posait pas de problème au contraire). Mais à quoi sert un bel uniforme, si le contenu scolaire est en déliquescence absolue? Mody NIANG parle du système scolaire sénégalais, et si il y a un spécialiste de la question, c'est quand même bien lui. Mais ce même constat peut être fait en FRANCE: c'est une véritable catastrophe! Sans vouloir passer pour un vieux rabat joie, à mon époque, il y avait le premier examen important, celui d'entrée en sixième. On arrivait à cet examen, à l'âge de dix/onze ans, et bien sur en sachant lire et écrire couramment. Puis, deuxième examen important, ce qui s'appelait chez nous le BEPC (désolé, j'ai oublié la signification) qui se passait à l'issue de la classe de troisième, soit en gros 14/15 ans. Cet examen avait une certaine importance, car il permettait de déterminer ceux qui étaient capables de poursuivre des études scolaires, voire universitaires, et ceux qui étaient plutôt fait pour un métier manuel. En fonction vous étiez dirigés soit sur le lycée, pour aller jusqu'en terminale, puis après avoir passé le bac (deux ans) vous alliez à l'université, soit vous alliez à l'école pratique, apprendre un vrai métier manuel, maçon,menuisier, plombier ou que sais je encore.(le bac pro n'existait pas)
Mais, à l'école, quelqu'elle soit, il y avait avant tout le respect du Maitre. celui ci arrivait, en général costume cravate sous la blouse, il en imposait, et bien evidemment, nous étions tous debout, avant de recevoir l'ordre de s'assoir, on aurait pu entendre une mouche voler.
depuis 1968, tout cela a changé: il n'y a plus de Maître, mais des profs, qui arrivent dans les salles de classe les cheveux jusqu'au milieu du dos, débraillés comme les élèves, et qui se présente ainsi: Bon, salut, je m'appelle Robert X, mais appelez moi BOB! il n'est pas assis derrière son bureau comme avant, mais négligemment assis sur le coin du bureau d'un ou d'une élève, pour faciliter la proximité. En fait, le prof est devenu un copain de jeu, et le respect indispensable, la différence nécessaire entre le sachant et l'apprenant a complètement disparu.
Les notes, les classements, tout cela a disparu: cela traumatise ces pauvres petits! Maintenant, on résonne en statistiques, et il est impératif que chaque année, le score augmente: 80, 86, 90 pour cent de reçu au bac! Résultat, comme le niveau intellectuel baisse, soit à cause des programmes, soit à cause du mauvais enseignement prodigué, il faut adapter à la baisse le niveau des questions, car chaque lycée est considéré en fonction de son score: c'est un peu comme au football.
Le résultat de cette fulmineuse transformation, et bien c'est que vous avez maintenant des enfants, qui arrivent au bac, en sachant à peine lire et écrire! Mais les mêmes caciques vous dirons: quelle importance? inutile de savoir compter, puisqu'il y a les machines à calculer? Inutile de savoir écrire, puisque maintenant il y a l'écriture automatique? Et la geographie, l'hstoire, à quoi ca sert? La culture générale,?, c'est quoi ca…
Voila et sans exagérer, à quel niveau la France scolaire et universitaire est tombée!
Quand à mes copains d'avant soixante huit, que l'on avait envoyés à l'école pratique, pour apprendre un métier manuel: merci beaucoup, ca va très bien pour eux, ils sont beaucoup plus riches que moi et ont pu monter des entreprises florissantes, qui en menuiserie, qui en plomberie, ect…
Alors, j'ignore à quel niveau se situe les scolaires et universitaires sénégalais, mais, connaissant la propension qu'à le SENEGAL à copier les (tres) mauvaises idées de la FRANCE, je suis quand même inquiet, surtout quand je lis le constat de Mody NIiang, expert en la matière si il en est, et qui sait de quoi il parle.
alors? la solution?

a MON SENS, consacrer un budget maximum à l'éducation nationale: c'est de la première importance. Des salles de classes dignes de ce nom, que les enfants puissent étudier dans des conditions décentes, voire confortables.
Que les professeurs fassent abstraction de leur idéaux syndicaux: ce qui doit primer avant tout, c'est l'instruction des enfants, l'éducation étant le rôle des parents.
Arrêter cette stupidité de pourcentage au bac, examen qui ne veut plus rien dire, et en profiter pour relever le niveau.(lorsque j'entend les statistiques du bac, j'ai toujours entête la phrrase de STALINE: un mort, c'est un évènement dix mille morts, c'est une statistique" il savait de quoi il parlait!)
Remettre en place LE BEPC ou examen similaire, à l'issue de la troisième, de façon à orienter ceux qui sont fait pour ca, vers un enseignement pratique, de haut niveau et adapté aux conditions de vie actuelle.
Et après tout ca, oui, je suis favorable à l'uniforme, car il a l'avantage de gommer toutes les disparités sociales et c'est une bonne chose.
Mais vouloir dépenser trente milliards, même sur trois ans, pour faire fabriquer des uniformes par des couturiers pour sauver l'artisanat prouve bien qu'en haut lieu, on ne comprend strictement rien à ce qui se passe en dessous!
Les menuisiers, maçons, plombiers sénégalais, je regrette de le dire, ne savent pas travailler. Et ils ne savent pas travailler, parce qu'on ne leur a pas appris; Et on ne leur a pas appris, parce qu'il n'y a pas de véritables écoles pratiques, où on leur dispense un enseignement digne de ce nom, c'est à dire, maintenant de haut niveau. Les voitures d'aujourd'hui sont bourrées d'électronique: quel est le garagiste indépendant capable de vous la réparer? pratiquement aucun. Idem pour les menusiers, les maçons, les platriers, les plombiers ect...ils ne sont pas plus bêtes que le reste du monde, et ont en plus le désir d'apprendre: créons de vraies écoles pratiques publiques, (cessons ce commerce des écoles privées, souvent bidons, qui ne vendent qu'à prix d'or, du rêve et des illusions!), où, dès l'âge de 14/15 ans, ils pourront apprendre un vrai métier avec succès assuré, tant cekla fait cruellement défaut ce jour au SENEGAL; Il n'y a aucune gloire a tirer d'être médecin ou avocat, mais il n'y a certainement aucun complexe à avoir d'e^tre plombier ou menuisier, et il est difficile de reprocher à quelqu'un de ne pas savoir ce qu'on ne lui à pas appris.
Donc, d'un coup d'un seul, vous aurez résolu le problème de l'enseignement et de l'artisanat! Elle est pas belle la vie!
D'ici à ce que Macky SALL m'appelle pour un poste de ministre! mais ma réponse sera NON!
Me François JURAIN

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