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Achat d’armes sous Macky Sall : le scandale des 45 milliards FCFA prend forme, des têtes tombent, l’étau resserré sur Petit Boubé

Vendredi 22 Août 2025

Rebondissements dans l’affaire du contrat d’armement signé par l’Etat du Sénégal avec l’homme d’affaires nigérien Aboubacar Hima alias Petit Boubé. La police sénégalaise a arrêté trois individus au coeur des transactions. Une avancée notable qui démêle petit à petit les ramifications potentiellement criminelles autour des 45 milliards de francs CFA du marché révélé par OCCRP à travers une enquête journalistique à laquelle les médias sénégalais IMPACT.SN et nigérien L’EVÈNEMENT dirigé par Moussa Aksar ont contribué.


Abdou Karim Sall (g.) et Abdoulaye Daouda Diallo, les deux ministres de Macky Sall qui ont signé le contrat d'armement sous enquête judiciaire
Abdou Karim Sall (g.) et Abdoulaye Daouda Diallo, les deux ministres de Macky Sall qui ont signé le contrat d'armement sous enquête judiciaire

Par Momar DIENG

 

C’est une véritable avancée qu’a effectué la justice sénégalaise dans l’enquête relative au contrat d’achat d’armes de 45 milliards de francs CFA (77 millions de dollars US) signé au début de l’année 2022 entre l’Etat du Sénégal avec de sulfureux trafiquants étrangers dont le Nigérien Aboubacar Hima alias Petit Boubé. Selon le quotidien sénégalais Libération, la Division des investigations criminelles (DIC), bras armé de la police judiciaire, a arrêté trois individus après les avoirs interrogés dans ses locaux à Dakar. 

Le trafiquant d'armes nigérien "Petit Boubé" décroche un contrat majeur au Sénégal : 45 milliards FCFA - 2 ministres signataires du contrat (Enquête OCCRP)

 

Selon nos sources, le travail des policiers et des magistrats du parquet financier va se poursuivre avec des interrogatoires plus poussés des individus mis aux arrêts. Leur objectif sera d’identifier et de confondre le maximum de protagonistes ayant participé au trafic présumé d’armement à travers des prête-noms et/ou réseaux criminels dissimulés.

 

Ledit contrat, dévoilé par des journalistes du consortium OCCRP, met en scène une société locale dénommée Lavie Commercial Brokers qui a la particularité d’avoir été créée deux mois avant la transaction. Elle appartient à ‘’Petit Boubé’’. Mais c’est l’Israélien David Benzaquen, ancien employé du marchand d’armes israélien Gaby Peretz, qui a apposé sa signature pour le compte de l’entreprise de ‘’Petit Boubé’’, souligne l’enquête de OCCRP susmentionnée à laquelle ont contribué les journalistes d'investigations Moussa Aksar (Niger) et Momar Dieng (Sénégal).

 

D’après Libération, les sieurs concernés sont identifiés avec les initiales suivantes : A. Loum, M. Seck et M.W. Sy. Le trio est complété par une autre personne « formellement identifiée », tous étant parties-prenantes actives de l’affaire, selon la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF-Sénégal).


Petit Boubé : « Un certain nombre de chefs d'État me sont reconnaissants »

Aboubacar Hima alias Petit Boubé (photo Jeune Afrique) 
 

C’est en partie grâce aux perquisitions effectuées au siège de la société TSI (Technologie service international) au quartier Fann-Résidence à Dakar que l’enquête des autorités judiciaires sénégalaises a connu ces rebondissements. « Le concierge interrogé sommairement a révélé que Petit Boubé avait quitté les lieux au lendemain de la Présidentielle de mars 2024 », écrit Libération dans son édition de ce 22 août 2025. 

 

Tenue le 24 mars 2024, la présidentielle sénégalaise avait consacré la victoire écrasante de Bassirou Diomaye Faye sur le candidat du régime sortant, en l’occurrence Amadou Ba, poulain de Macky Sall.


Achat d’armes à un trafiquant - La position du gouvernement accrédite le soupçon de surfacturation sur le contrat offert à « Petit Boubé »
 

Citant la Centif, le journal rapporte que « Petit Boubé avait ouvert au Sénégal, dans une banque de la place, deux comptes au nom de ses sociétés Tsi et Eurocockpit. 

 

En amont, Lavie commercial brokers Suarl et Eurocockpit « avaient fait un virement de 3.090.000.000 de francs CFA à Tsi. Ces fonds avaient été ensuite transférés par virement, par retraits et par transferts en devises vers l’étranger. Le 27 février 2023, des mises à disposition de 85 et 150 millions de francs CFA avaient été effectués au profit des nommés D.A. A Jacques et Alassane Loum permettant à ces derniers de retirer les sommes en espèces. Le lendemain, Loum a encore bénéficié d’une mise à disposition de fonds d’un montant de 185 millions de francs CFA retiré en espèces. Toutes ces opérations n’ont pas été justifiées, selon la Centif. Une cascade de retraits et de virements tous azimuts assimilés à de potentiels pots de vin, commissions et/ou rétrocommissions au profit des parties prenantes au trafic présumé.
 

Ultra présent dans le deal, Petit Boubé « (…) avait retiré lui‐même des chèques pour un montant global de 565.500.000 de francs CFA », indique le journal. 

 

Ensuite, « plusieurs transferts ont été émis vers l’étranger soit disant pour l’exécution du contrat classé «Secret défense ». Pour justifier ces opérations, Hima avait déclaré que les fonds seraient destinés au dédouanement des conteneurs pour le compte du ministère de l’Environnement. Vérification faite par la Centif, ces déclarations étaient fausses. Et curieusement, les opérations avaient été réalisés après quePetit Boubé, qui prétendait «préfinancer» le marché d’armement, avait reçu une «avance» de 34 milliards de Fcfa. »


En séjour à Dakar, Petit Boubé justifie les surfacturations dans l’achat d’armes du ministère sénégalais de l’Environnement
 

En juin 2023, Aboubacar Hima, en séjour à Dakar, s’était défendu dans les colonnes de Jeune Afrique contre les accusations de corruption et de surfacturation portées contre lui. « Le contrat court sur cinq ans, sans avance de l’Etat (du Sénégal) au démarrage. Qui va accepter cela, attendre des années pour être payé, à part moi ? On parle de surfacturation, mais que fait-on des risques, des intérêts bancaires à payer, etc. », s’était-il interrogé. 

 

En conseil des ministres du 29 mai 2024, le premier ministre Ousmane Sonko avait souligné « l’urgence de procéder à l’audit des ressources financières importantes mises en place par l’Etat pour la montée en puissance de la Direction des Eaux et Forêts, Chasses et Conservation des Sols (DEFCCS), en particulier celles destinées à la fourniture d’équipements de sécurité, de véhicules d’intervention et de matériels techniques. » 


Le PM Ousmane Sonko annonce un audit du contrat d’armement de 45 milliards FCFA signé par Abdou Karim Sall et Abdoulaye Daouda Diallo sous l’ancien régime
 

Classé « secret défense », le contrat avait été signé par deux officiels du gouvernement sénégalais en 2022 : Abdou Karim Sall, ministre de l’Environnement et du Développement durable (MEDD) et Abdoulaye Daouda Diallo, ministre des Finances et du Budget (MFB), tous deux très proches de l’ancien président Macky Sall. 

 

Officiellement, le stock d’armement devait être constitué d’armes (fusils d’assaut, pistolets semi-automatiques, etc.) et de munitions diverses pour les agents servant dans le giron de l’environnement et confrontés à des groupes criminels divers… 

FinCEN FILES - Malversations au ministère nigérien de la Défense : 71,8 milliards FCFA captés par des seigneurs du faux (par Moussa AKSAR)
 

Au Niger, Aboubacar Hima est également cité dans une enquête retentissante réalisée en 2021 par le journaliste d'investigation Moussa Aksar. Dans les résultats de ses recherches, notre confrère fait état de nombreuses malversations dans un marché d’achat d’armes du ministère nigérien de la Défense et portant sur la bagatelle de plus 71 milliards de francs CFA. Après la publication de l’article, Aksar a reçu plusieurs messages de menaces de mort lus par IMPACT.SN. Aucune suite n’a été donnée aux plaintes qu’il a déposées au tribunal de Niamey contre Petit Boubé qu’il considère comme l’auteur de ces menaces.

 

 

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1.Posté par Me François JURAIN le 23/08/2025 10:11
Qui peut dire encore que la justice sénégalaise ne fait pas son travail? Il faut cesser de critiquer les magistrats, qui eux, travaillent en silence. Le temps de la justice n'est pas le temps de la politique, ils ne regardent pas l'heure à la même horloge. Un juge, avant de se prononcer, d'entendre de présumés coupables, doit avoir un dossier,des preuves intangibles et non discutables, qui permet de confondre le prévenu. Cela peut être long, très long parfois des années, surtout dans ce genre d'affaires où tous les stratagèmes, les passe-droits, ont semble-t-il été utilisés sans vergogne, au plus haut niveau de l'Etat, puisque de mémoire, cette affaire avait été traitée directement par Macky SALL, et le marchand d'armes "Petit Boubé". Moi, si j'étais Macky SALL, afin d'éteindre un incendie qui risquerait de s'embraser rapidement, je viendrai à DAKAR m'expliquer et donner toute la vérité. Que risque-t-il, puisqu'il ne peut qu'être innocent dans cette affaire, et n'avoir rien à se reprocher? A moins que...Non, c'est impensable de la part d'un homme de la droiture de Macky SALL, qu'il ait quelque chose à voir dans une affaire malhonnête, où alors, "à l'insu de son plein gré", peut-être: à moins que...Parfois, lorsque les fins de mois sont difficiles, on peut être amené à faire des choses... qui sait ? Lorsque j'étais encore une robe noire,j'avais pour habitude de plaider que "tout innocent est souvent un coupable qui s'ignore" ou bien"un malhonnête n'est jamais qu'un ancien type honnête"...Bon, je sais, ça ne veut pas dire grand chose, mais ça avait au moins le mérite de faire sourire les magistrats!

Finalement, c'est compliqué, pour un délinquant, de vivre dans un pays avec une magistrature d'excellence, et l'excellence, ça prend du temps: un dossier, c'est comme le tricot, il ne faut pas rater une maille, sinon, tout est à refaire, et le temps passe, assez long pour faire penser au délinquant "qu'il ne risque plus rien!". Et puis un jour, paf! ça vous tombe dessus, sans que l'on s'y attende! Finalement, pour faire un bon magistrat, il faut être un champion du tricot, et avoir une mémoire d'éléphant! il semblerait que les magistrats sénégalais, pour beaucoup en tout cas, soient dotés de ces deux qualités. A ne jamais oublier que là où la justice passe, le délinquant trépasse...

Me François JURAIN

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