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Serigne Bassirou Guèye: le proc’ qui refuse d’être un «monstre»

Vendredi 2 Février 2018

Calme dans le coin dédié aux chefs de parquet, en compagnie d’un assistant muet sans doute hyper-précieux face à la pile de documents à éplucher, le magistrat «le plus puissant» du Sénégal, celui qui défend «nos intérêts» et nos «deniers» contre les indélicatesses de toutes sortes, écoute, note, annote. Apparemment, rien ne lui échappe dans les dires et délires des parties en conflit.
 
Quand Me Seydou Diagne l’interpelle en s’adressant au tribunal en ces termes: «attention au Ministère public…C’est une violation inadmissible de la présomption d’innocence. Un procureur enquête à charge et à décharge. Vous êtes trop pressé», il retient. Son heure venue, il se lâche: «Monsieur le président, on m’a menacé. Je demande votre protection.» Il lui répond pour le rassurer: «Ce n’est pas une menace (…) On va vous protéger.» Gain de cause obtenu, il en remet une couche: «Qui me cherche me trouve.»
 
Grand «comploteur» au service du pouvoir exécutif pour ses contempteurs, redoutable pénaliste pour nombre de ses collègues de la magistrature, monstre froid obnubilé par l’atteinte de ses objectifs pour certains, Serigne Bassirou Guèye aimerait sans doute, le temps d’une éclaircie, qu’on lui reconnaisse un statut d’humain, de père de famille, de citoyen comme un autre.
 
Sa surprenante demande au président Lamotte – «je parle de moi» - alors que les échanges étaient vifs entre lui et Me Ousseynou Fall de la défense en dit long sur un état d’âme qu’il ne pouvait plus taire. Il semblait avoir un besoin pressant de sortir, un moment, le formatage intellectuel et professionnel qui lui fait parler sans arrêt de procédure, d’instruction, d’enquête préliminaire, de consignation, d’interpellation…
 
«Je suis un professionnel. Certains estiment que j’ai une position confortable (mais) je quitterai le poste (de doyen des juge d’instruction) dès que j’aurais atteint mes 56 ans (il en a 54 aujourd’hui). Il restera magistrat en activité à moins d’opter pour une retraite anticipée mais la perspective de s’ouvrir à d’autres expériences ne lui déplairait pas forcément.
 
«Je suis le seul et unique magistrat de toute ma lignée», lâche-t-il devant un public médusé. Le procureur de la République que l’on connait dur, intransigeant, polémiste qui se met à parler de lui, des siens, de ses perspectives de carrière en face de prévenus emprisonnés depuis presque un an à Rebeuss, ça interpelle.
 
«Ma propre situation m’importe peu, dit-il avec un air de sincérité qui semble bien réel. Dans tout ce que je fais, je veille à ce que les droits des prévenus soient observés.» Il ajoute: «Je sais combien il est douloureux de se retrouver en prison. C’est pourquoi vous ne me verrez jamais manquer de respect à l’égard de prévenus. On me paie pour ça.» Et comme tout croyant, le natif de Thilmakha (région de Thiès) veut lui aussi «aller au paradis».  
 
Ce qui ne l’empêche pas, néanmoins, d’être ferme dans ses convictions et résolutions. Quand Me Seydou Diagne lui reproche d’avoir violé la présomption d’innocence de Khalifa Sall [il a pris (de l’argent)], il lui rétorque: «j’ai fait plus que dire cela, je l’ai écrit…» Une franchise tirée de son panthéon où trône cette autre confidence: «Je ne m’énerve qu’à deux reprises dans la journée: au coucher et au réveil et chaque fois seulement pour une minute.» Pour le reste, le procureur est imperturbable…
 
 
 
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