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Pourquoi l’affaire Tariq Ramadan nous interpelle en tant qu’Africains et musulmans de l’espace francophone ?

Vendredi 14 Septembre 2018

Par Thierno Amadou (Sénégal)
 
Depuis octobre 2017, l’affaire Tariq Ramadan défraye la chronique. Les adversaires jubilent, certains amis sont dans le doute pendant que la famille continue de bénéficier de plus en plus de soutiens d’hommes et de femmes de divers horizons qui voient en Tariq Ramadan un prisonnier politique. En effet, le droit élémentaire de la présomption d’innocence est bafoué, les indices des victimes présumées s’écroulent comme un château de cartes, les preuves à décharge s’accumulent. Au même moment, de grandes figures politiques françaises accusées des mêmes faits graves ne sont pas inquiétées. Bref, on assiste à une justice d’exception.
 
Face à une si flagrante injustice dans un pays qui se considère comme chantre et patrie des droits humains, nous sommes interpellés d’abord en tant qu’Africains, puis en tant que musulmans de l’espace francophone. 
 
Interpellation en tant qu’Africains
 
A travers l’histoire, l’Afrique a subi les pires formes d’injustice avec la traite négrière et la colonisation basées sur la supériorité d’une race et d’une civilisation. Ces pratiques sont certes  révolues mais leur effet reste vivace à travers nos mémoires collectives et ont un  impact néfaste sur nos institutions actuelles et sur notre développement économique et social. Pour comprendre la complexité de ce phénomène, il convient de lire l’excellent papier de recherche de Daron Acemogluet Al de MIT publié dans American Economic Review : « The Colonial Origins of Comparative Development: An Empirical Investigation » et celui de Nathan Nunn de Harvard : « The Long-TermEffects Of Africa’s Slave Trades ».
 
Lorsque la justice est à géométrie variable selon l’origine de la personne, la couleur de la peau ou l’appartenance religieuse comme tout semble le prouver dans le cas de Tariq Ramadan, il y a lieu de s’interroger sur les séquelles des injustices héritées du passé dans la marche des institutions actuelles d’apparence démocratique.
 
Interpellation en tant qu’Africains et musulmans
 
En tant qu’Africains et musulmans, nous avons un héritage de défense des droits des minorités persécutées dans leur propre pays même si nous ne partageons pas la même foi. En effet, nous avons appris dans les livres d’histoire de référence que l’Ethiopie actuelle a été le premier espace d’accueil des minorités musulmanes persécutées en Arabie au tout début de l’Islam. Le roi abyssin de l’époque (vers 615 après Jésus Christ), connu pour son attachement à la justice, n’était pas resté insensible face à la persécution des musulmans dans leur propre pays. Il leur accorda asile et protection.
 
Hier comme aujourd’hui, nous devons comprendre les enjeux du système dominant qui cherche à étouffer toute pensée qui pose les questions de fond de libération. La tournure des évènements dans l’affaire Tariq Ramadan laisse croire que ses idées gênent au plus haut niveau, lui qui  enjoint  les musulmans européens à « refuser un statut de sous-citoyens produit par un pervers néocolonialisme intérieur » et à « reprendre confiance en soi, en ses valeurs, en son rôle».
           
Interpellation en tant qu’Africains de l’espace francophone
 
Après l’Europe, l’Afrique francophone est la seconde patrie de Tariq Ramadan. Il est engagé à côté d’autres intellectuels africains pour inviter l’Afrique à se libérer de toutes les formes de colonialisme politique, économique, culturel et historique. Pour lui, il faudrait un jour que l'Afrique « renoue avec ses mémoires, ses racines et se réapproprie ses richesses (matérielles et intellectuelles), sa liberté et son indépendance… une Afrique libre car enfin réconciliée avec son génie, son esprit, son cœur et sa diversité…pour son bien, et le bien de tous ».
 
Dans l’espace africain francophone, on raffole de ses livres et de ses conférences. Par sa parfaite maitrise de la langue française, il a permis à beaucoup de jeunes intellectuels d’avoir une compréhension approfondie de l’Islam qui réconcilie la Foi, la Raison et la Culture. Le Colloque International des Musulmans de l’Espace Francophone (CIMEF) qu’il a aidé à mettre en place et que le Sénégal a accueilli en 2013, participe de cet effort de réconciliation avec l’Unique, avec soi et avec les autres.
 
Pour toutes ces raisons, nous appelons les juges à agir en toute lucidité en évitant de tomber dans le piège de la campagne médiatique qui pollue cette affaire. Mieux, ils se  doivent de ne considérer que les faits, rien que les faits. Enfin, nous en appelons à la responsabilité de la Présidence de la Confédération suisse qui doit défendre tout citoyen suisse injustement incarcéré à l’étranger.    
 
 
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1.Posté par Samagassi le 15/09/2018 07:35
Qu'Allah nous vienne en aide!

2.Posté par Youness le 15/09/2018 07:55
Bonjour,

Pourquoi ce deux poids deux mesures ?

L'Etat français est-il si faible ?

Youness

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