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Pourquoi Moody’s a abaissé la note du Sénégal ?

Mardi 14 Octobre 2025

Dr Seydou Bocoum
Dr Seydou Bocoum

Beaucoup ont interprété cette décision comme une sanction économique ou politique. En réalité, la baisse de la note du Sénégal découle d’un effet mécanique du système de notation Américaine et non d’un problème structurel du pays. Dans la logique américaine du credit scoring, chaque fois qu’un agent économique demande un nouveau crédit, son score baisse temporairement. Ce modèle, conçu pour les particuliers et les entreprises aux États-Unis, a été transposé sans adaptation aux États souverains du Sud.

 

Le Sénégal a récemment déposé une nouvelle demande de programme au FMI. Tant que ce programme n’est pas officiellement validé, certaines agences dont Moody’s appliquent un algorithme conçu pour anticiper le risque pendant cette phase d’attente. Autrement dit, l’algorithme considère qu’il existe une “zone d’incertitude” entre la demande et la validation, ce qui déclenche automatiquement une baisse temporaire de la note souveraine. C’est une approche purement statistique, et non une évaluation qualitative de la gouvernance économique du pays.

 

Cette logique algorithmique explique pourquoi la note du Sénégal a été abaissée alors même que ses fondamentaux économiques restent solides. Dès que le FMI aura validé le nouveau programme, l’algorithme suivant le même principe intégrera la stabilisation du risque, et la note remontera mécaniquement. Il s’agit d’un système automatique, sans jugement politique direct, mais dont la conception reflète les biais d’un modèle financier centré sur les économies du Nord.

 

Ce mécanisme révèle la dépendance du Sud à une architecture financière mondiale où cinq acteurs fonctionnent comme les cinq doigts d’une même main :
 

1️⃣ La FED, qui fixe le coût du dollar.

2️⃣ Le FMI et la Banque mondiale, qui valident ou conditionnent les programmes.

3️⃣ Les agences de notation, dont les algorithmes dictent la perception du risque.

4️⃣ Les banques d’investissement, qui traduisent ces notations en produits financiers.

5️⃣ Les fonds d’investissement, qui profitent de la hausse du risque perçu.

 

La leçon est claire : le Sénégal n’est pas sanctionné pour faiblesse, mais pour avoir été évalué par un système conçu pour d’autres réalités. Tant que nos pays resteront notés par des algorithmes calibrés sur le modèle américain, ils subiront ces distorsions automatiques. Il est temps de bâtir une notation africaine souveraine, fondée sur nos cycles économiques, nos trajectoires d’investissement et nos dynamiques internes de stabilité.

 

Dr Seydou Bocoum

 

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