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Le crépuscule d’un régime despotique (Par Demba Moussa Dembélé)

Vendredi 24 Juin 2022

L'économiste Demba Moussa Dembélé
L'économiste Demba Moussa Dembélé
Tout montre aujourd’hui que le Sénégal est dirigé par un régime despotique, qui cherche à utiliser tous les moyens, y compris la terreur, pour rester au pouvoir contre la volonté du peuple
 
L’Etat de droit foulé aux pieds
 
L’un des symboles les plus illustratifs du despotisme du régime actuel est l’effondrement de l’Etat de droit. On se souvient qu’en février 2021, plus d’une centaine d’éminents universitaires avaient donné l’alerte, dans un document largement relayé par les médias, sur la crise de l’Etat de droit au Sénégal. Mais le despote Macky Sall n’en a eu cure ! Les arrestations arbitraires de députés et de maires pour avoir exercé leur droit de manifester pacifiquement donnent une idée de la détérioration de l’Etat de droit et de l’ampleur du recul démocratique sous le régime de Macky Sall. Les libertés démocratiques, si chèrement acquises, comme la liberté de réunion, d’association et d’expression, sont de plus en plus menacées. Avec pour objectif le musellement des critiques et la promotion d’une pensée unique, celle du despote et de ses affidés.
 
Jamais l’administration sénégalaise n’a été autant politisée que sous la présidence de Macky Sall. Avec lui, il faut être membre de son parti ou de sa Coalition pour détenir un poste ministériel ou diriger une société publique ou un département ministériel. Au sein du commandement territorial, les préfets et sous-préfets se comportent comme des auxiliaires du parti présidentiel. Au Fouta, le prétendu « titre foncier » de Macky Sall, son griot Farba Ngom se comporte comme le parrain d’une mafia tropicale, terrorisant les populations et même les représentants de l’Etat à tous les niveaux.
 
Sous Macky Sall, la justice a été transformée en un instrument au service de ses objectifs politiques. Au point que les principaux organes qui la symbolisent, comme la Cour suprême et le Conseil constitutionnel, ont perdu leur crédibilité, aux yeux d’une grande partie de l’opinion. La justice n’est plus rendue au nom du peuple mais selon les desiderata de Macky Sall !
 
C’est dans ce contexte qu’il faut situer la décision honteuse et ridicule du Conseil constitutionnel, qui est en train de mettre le feu aux poudres dans le pays. Sans être juriste, il est évident que cette décision n’a rien à voir avec le droit. Elle est éminemment politique et dictée par le désir de Macky Sall de voir les leaders de la Coalition Yewwi éliminés de la course aux législatives. Et tout le monde savait, y compris Macky Sall, que Yewwi n’accepterait jamais une telle forfaiture. Si le régime de Wade avait procédé ainsi avec Macky et sa Coalition, ils ne l’auraient jamais accepté. Si le Conseil constitutionnel avait recalé la liste nationale de Benno, Macky ne l’aurait pas accepté et il aurait trouvé un prétexte pour renvoyer les élections à une date ultérieure pour permettre à sa Coalition de revenir dans le jeu.
 
Un président aux abois
 
L’instrumentalisation du Conseil constitutionnel et la tentative d’éliminer la liste nationale de Yewwi ainsi que le rejet de plusieurs listes du fait du parrainage, pourtant condamné par la Cour de justice de la CEDEAO, illustrent la peur au ventre qui hante Macky Sall à moins de deux ans de la fin de son second et dernier mandat. Cette peur a été décuplée par les résultats des locales qui ont démontré son impopularité croissante et la montée en puissance de l’opposition.
 
Il craint que les résultats des élections législatives n’amplifient ceux des locales. Ce qui enterrerait définitivement ses velléités de troisième mandat.
 
C’est donc la peur de perdre le pouvoir qui explique certains comportements de Macky Sall qui n’honorent pas la fonction présidentielle. On se rappelle que pendant les locales, il s’était affiché avec Djibril Ngom, qui avait trahi Yewwi dans le département de Matam. La photo prise au Palais lors de cette rencontre, avec une grosse enveloppe à terre et sans doute bourrée d’argent, avait soulevé une grande indignation dans l’opinion, y compris parmi des partisans du régime. Tout récemment, sa rencontre à Paris avec celui que tout le monde appelle « insulteur public », Kalifone, qui avait débité des insanités contre Macky Sall et sa famille, avait fait l’objet de très vives critiques, de la part même de milieux proches du régime.
 
L’armée mexicaine et ses mercenaires
 
Dans la panique qui gagne les rangs du pouvoir, certains membres de l’armée mexicaine, de plus en plus démoralisée, appellent ouvertement à l’assassinat d’opposants, notamment de Ousmane Sonko, sans être inquiétés le moins du monde par une justice aux ordres! Pendant ce temps, des députés et maires de l’opposition sont arrêtés sous les prétextes les plus fallacieux : « offense au chef de l’Etat », ou « trouble à l’ordre public ».
 
Face à l’incurie de son armée mexicaine, Macky Sall pense pouvoir compter sur la cohorte de mercenaires qu’il a recrutés au fil du temps. Certains dans cette foule sont des repris de justice, des trafiquants en tous genres et des ivrognes notoires, qui sont également gagnés par la peur de perdre leurs privilèges. Certains d’entre eux sont devenus de véritables pyromanes qui cherchent à brûler le pays pour essayer de retarder la chute inéluctable du régime.
 
Le sort des despotes
 
Redoutant cette chute et se sentant dos au mur, Macky Sall a fini d’instaurer un véritable état policier. En témoignent les interdictions de manifester, la multiplication des arrestations arbitraires, la violation des droits les plus élémentaires des citoyens et l’impunité dont jouissent les forces de l’ordre malgré toutes les accusations portées contre elles. Mais le recourt à une répression aveugle, voire à la terreur, contre le peuple, risque tout simplement d’être fatal à Macky Sall, comme le montrent les exemples d’autres despotes. Yaya Jammeh, après 22 ans de règne sanglant et sans partage, a fini par se réfugier en Guinée équatoriale. Il sera peut-être extradé un jour s’il est jugé et condamné dans son pays. Blaise Compaoré, l’assassin de Thomas Sankara, qui a régné pendant près de trois décennies, a fini par fuir, suite à une insurrection populaire, pour aller se réfugier en Côte d’Ivoire. Il a été condamné à perpétuité pour l’assassinat de Sankara et un mandat d’arrêt international a été lancé à son encontre. Il vit maintenant comme une bête traquée, avec la hantise d’être arrêté un jour et renvoyé au Burkina.
 
Tel est le sort de quelques despotes de l’Afrique de l’Ouest, qui devrait faire réfléchir Macky Sall et son entourage. Les peuples sont plus forts que les dictateurs. Et ils finissent toujours par avoir le dernier mot.
Demba Moussa Dembélé
Dakar
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