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Crise des sous-marins : la France en situation délicate sur la scène internationale

Mardi 21 Septembre 2021

En rappelant ses ambassadeurs aux États-Unis et en Australie suite à la rupture du «contrat du siècle» pour des sous-marins français, Paris ne décolère pas et opte pour une crise frontale avec ses alliés.
 
En optant pour une crise frontale avec les États-Unis après la perte d’un gros contrat de sous-marins, la France fait un pari risqué. Avec des alliés européens peu pressés de la soutenir, elle se retrouve avec guère d’options à sa disposition.
 
Pour marquer sa colère, Paris a rappelé son ambassadeur aux États-Unis, un acte sans précédent vis-à-vis de cet allié historique, de même que celui en Australie, pays à l’origine de la crise.
 
Loin de ses promesses de début de mandat, le président américain Joe Biden bouscule en effet ses partenaires européens, de l’annonce unilatérale du retrait d’Afghanistan à la fermeture prolongée des frontières américaines aux Européens pour cause de Covid-19, sur laquelle la Maison-Blanche est revenue lundi matin.
 
«Quand on entre dans une crise de ce type, il faut savoir par quelle porte on pourra en sortir», avertit Bertrand Badie, professeur de relations internationales à Sciences Po. «Il faudra bien qu’ils retournent à leur poste, surtout l’ambassadeur à Washington. Or, on ne voit pas aujourd’hui quel type d’événement pourrait permettre ce retour sans que la France donne l’impression de céder ou de perdre la face», explique-t-il à l’AFP.
 
Paris ne décolère pas
 
Paris ne décolère pas  contre les États-Unis et l’Australie qui, en annonçant mercredi une alliance stratégique avec Londres pour contrer l’influence de la Chine, ont en même temps torpillé un contrat de vente de sous-marins français à la marine australienne pour près de 56 milliards d’euros (environ 60 milliards de francs).
 
Si le président français Emmanuel Macron est resté depuis silencieux, son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui avait conclu le «contrat du siècle» sur les sous-marins lorsqu’il était ministre de la Défense, a tiré à boulets rouges sur les trois contrevenants en des termes très peu diplomatiques. «Mensonge», «duplicité», «mépris», «crise de confiance»: la rupture est consommée.
 
Face à cette escalade transatlantique, les dirigeants européens restent, pour l’heure, très absents. À Berlin, le gouvernement a «pris note» de la situation. À Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, «suit de très près la situation».
 
«Un coup dur»
 
La France, qui se retrouve seule sur le devant de la scène, espère inverser la tendance lors d’une réunion des ministres européens des affaires étrangères lundi soir à New York, à la veille de l’ouverture de l’assemblée générale de l’ONU. Avec les législatives allemandes du 26 septembre, elle sait aussi qu’elle ne pourra guère compter dans l’immédiat sur Berlin.
 
«C’est un coup dur pour la France. Il n’y a pas de sortie par le haut», considère Célia Belin, spécialiste des relations transatlantiques à la Brookings Institution. Dans cet imbroglio, «il faut exiger que les choses se terminent de manière légale et correcte avec les Australiens», précise-t-elle à l’AFP.
 
L’escalade avec les États-Unis risque d’avoir un impact sur plusieurs dossiers sauf à tenter de recoller rapidement les morceaux. «Cela peut être des gestes formels, symboliques, une rencontre, des propos très aimables, quelque chose qui vienne flatter la diplomatie française», juge Bertrand Badie.
 
Amour britannique «inébranlable»
 
Le premier ministre britannique Boris Johnson a déjà tenté l’apaisement en rappelant «l’amour» inébranlable de son pays pour la France. Moins scrupuleuse, l’Australie a estimé ne pas avoir à «prouver son attachement à la France» après le sacrifice de ses soldats à ses côtés lors des deux guerres mondiales.
 
Il n’aura toutefois pas l’occasion de le dire en tête-à-tête à Emmanuel Macron, qui a fait l’impasse sur l’assemblée de l’ONU, où il sera remplacé par son ministre des Affaires étrangères.
 
Le président américain Joe Biden doit s’expliquer en revanche avec lui par téléphone dans les «prochains jours», selon Paris. À ce stade, aucune rencontre bilatérale n’est par ailleurs prévue à New York entre le chef de la diplomatie française et ses homologues américain Antony Blinken et britannique Liz Truss.
 
Et une réunion des ministres français et britannique de la défense, prévue cette semaine, a été annulée à la demande de Paris.
 
La colère, mauvaise conseillère
 
«On a le droit d’être en colère […] Mais le risque pour la France, c’est que ce soit la colère qui la guide», relève François Heisbourg, de la fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris.
 
«Après un camouflet comme cela, il est très important que les Français se concentrent sur l’Europe et s’assurent une solidarité européenne», estime Célia Belin. «Mais l’Europe n’a jamais été autant divisée sur ses options de politique étrangère» et sur sa relation avec Washington, observe Bertrand Badie.
 
Pour les Européens de l’Est, le salut face à la Russie ne peut passer que par les États-Unis. L’Allemagne reste aussi soucieuse de ménager l’allié américain. Ces positions vont à l’encontre de l’autonomie stratégique de l’Europe réclamée par le président Macron dont le pays prendra la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022. (ATS/AFP)
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