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Coronavirus: une mafia à l'affût de «bonnes affaires»

Samedi 11 Avril 2020

 
Roberto Saviano partage l'inquiétude de responsables italiens: en ces temps de coronavirus, la mafia est à l'affût, prête à profiter de la détresse des plus démunis pour s'acheter leur fidélité et leurs bonnes grâces, à coups de vivres et de prêts gratuits, met en garde l'auteur de «Gomorra».
 
Les groupes mafieux cherchent aussi à profiter de l'effondrement de la troisième économie européenne pour s'emparer d'affaires en difficulté, ajoute l'auteur du livre Gomorra sur la Camorra, la mafia napolitaine.
 
«La mafia n'attend que ça, une crise» car les entreprises qui en seront victimes se retrouveront alors avec de nouveaux partenaires liés à ces organisations criminelles, a expliqué Roberto Saviano, lors d'un entretien en vidéoconférence cette semaine avec des représentants des médias internationaux en Italie. «Vous devenez un partenaire, vous entrez dans les affaires», a-t-il expliqué. «Ce n'est pas comme si quelqu'un venait avec un pistolet, ce sont leurs conseillers financiers qui à un certain moment» les conseillent.
 
Dans Gomorra, l'écrivain décrit comment, au-delà de son activité criminelle traditionnelle (drogue, trafics divers), la Camorra, la mafia napolitaine, a étendu son influence sur l'économie traditionnelle, mode, traitement des ordures.
 
Les différentes mafias italiennes exercent une forte influence sur de nombreux secteurs cruciaux pour l'économie, construction, gestion des déchets, agriculture, hôtels, énergie éolienne... «Si l'Europe n'intervient pas bientôt, la multiplication de l'argent mafieux qui se trouve déjà en Allemagne, en France, en Espagne, aux Pays-Bas, en Belgique sera incontrôlée», a ajouté Roberto Saviano.
 
Outre la fourniture de nourriture aux plus pauvres, à Naples, la grande ville du Sud de l'Italie, les prêteurs sur gages ont annulé les intérêts de leurs dettes sur ordre de la Camorra, a-t-il encore dit.
 
«Pluie d'argent»
 
«Dans quel but ? Pour (obtenir) des services» en échange, raconte le journaliste qui vit actuellement à New York et bénéficie d'une protection policière depuis la sortie en 2006 de son ouvrage Gomorra en raison des menaces qu'il avait alors reçues. Cela pourrait être des suffrages aux élections ou un accord pour servir de prête-noms dans des contrats, a-t-il expliqué.
 
Cette semaine, le quotidien allemand «Die Welt» a suscité la polémique en Italie, expliquant que la mafia y attendait «juste une nouvelle pluie d'argent de Bruxelles». Dans un contexte de tensions entre Berlin et Rome sur l'aide européenne aux pays du sud durement touchés par la pandémie, «Die Welt» mettait en garde contre l'octroi «sans limites» et «sans aucun contrôle» de fonds par l'Europe. «C'est le contraire», dit Saviano, pour qui «Die Welt» se trompe. Aux yeux de l'écrivain, c'est le manque d'argent qui fait le jeu de la mafia et pousse les plus pauvres dans ses bras.
 
Cet avis de l'écrivain fait écho à celui du maire de Naples, Luigi de Magistris: «Les criminels ont de l'argent, ne sont pas embarrassés par la bureaucratie et savent à quelle porte frapper, ils sont très rapides, efficaces et concrets», «c'est une course. S'ils arrivent en premier, nous risquons aussi une contagion criminelle. A Naples, mais aussi dans le reste de l'Italie», expliquait récemment l'élu.
 
La ministre italienne de l'Intérieur Luciana lamorgese a annoncé vendredi, dans un entretien au quotidien «Corriere della Sera» la prochaine publication d'un décret permettant aux préfets de surveiller «les situations à risque d'infiltration criminelle».
 
«De nombreux travailleurs précaires, les saisonniers, ceux travaillant au noir, souffrent de la crise (...) et pourraient représenter un réservoir de main-d'oeuvre pour la criminalité, plus particulièrement dans le sud» défavorisé du pays, a-t-elle mis en garde.
 
Les Etats membres de l'UE se sont mis d'accord jeudi soir sur un plan pour soutenir l'économie frappée de plein fouet par le coronavirus, avec une enveloppe de plus de 500 milliards d'euros pour les Etats, les entreprises et les chômeurs, mais aussi un futur «fonds de relance». (afp/nxp)
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