Connectez-vous

(Chronique sociale) «Lu xew ñuné ab doggal Yalla» (Tout est mis sur le compte du destin)

Lundi 16 Juillet 2018

(Chronique sociale) «Lu xew ñuné ab doggal Yalla» (Tout est mis sur le compte du destin)
Par Madi Waké Touré (ENTSS, Dakar)

Réfléchir sur des questions du genre - la compréhension que nous avons du destin dans notre pays -, c’est quelque part chercher à répondre à un des besoins fondamentaux de l’être humain : comprendre d’abord pour essayer d’opérer des changements qualitatifs aux réalités psychosociales qui plombent fortement notre rapport au progrès.
 
Une observation assez fine de la société sénégalaise dans son fonctionnement et ses représentations mentales nous donne à lire une société complètement désaxée. Ici, on attribue l’issue de toutes situations à la fatalité, à la chance ou à Dieu. Cette une façon à nous de voir les choses : Qu’est-ce qui la fonde ? Est-elle propre à la société sénégalaise ? Ou est-ce tout le genre humain qui fonctionne sur ce même registre ?
 
Avant de répondre à toutes ces questions, il serait utile de donner une définition du concept de "DESTIN". Pour le dictionnaire Larousse, le destin peut être assimilé à une «puissance supérieure qui semble régler d’une manière fatale les événements de la vie humaine». Cette vision des choses, beaucoup de peuples l’ont partagée à un moment précis de leur histoire. Pour s’en convaincre, faisons appel à l’expertise d’un homme de sciences, en l’occurrence François Jouan, directeur du Centre mythologique de l’Université Paris X : «Il n’y a pas d’âge, pas de civilisation qui n’ait eu foi en des divinités maîtresses du destin des mortels et qui n’ait imaginé des mythes pour expliquer tout ce qui est inexplicable dans notre existence».
 
Ce fonds commun propre à l’Humanité entière l’a plongé pendant de longues années dans les abysses de la pauvreté matérielle, morale et psychologique. Cette situation de départ a été exploitée différemment par des peuples appartenant à des aires culturelles et géographiques distinctes. Certains se sont détachés de ces «fausses» croyances pour s’arrimer aux vérités fondées sur la rationalité ; lesquelles leur ont permises de dominer et de maîtriser la science et la technique. Et fort de ce capital technologique, ils ont pu soumettre des nations entières à leur domination.
 
«La corruption, la concussion, les vols, les détournements de deniers publics et privés, les prévarications, l’irresponsabilité, le ponce-pilatisme, le laxisme, le népotisme, le clientélisme, les pillages, l’occultisme, le maraboutage, l’envoûtement ont été érigés en système protégé et entretenu par les élites politiciennes, bureaucratiques et affairistes, au plus haut niveau».
 
Quant à nous autres, Africains et Sénégalais en particulier, nous sommes restés scotchés à des pratiques et attitudes en total porte à faux avec les normes et principes qui ont garanti ailleurs le succès. À titre illustratif, essayons de nous focaliser un peu sur ce qui se passe dans certaines stations radios et chaînes de télévisions. À longueur de journées, on nous rabâche les oreilles avec des émissions qui portent sur la divination et autres schèmes du même genre. Renversant tout cela ! On déresponsabilise l’individu en le plaçant sous l’emprise de forces obscures qui pourraient orienter sa vie dans tel ou tel sens. Et avec la pauvreté ambiante qui affaiblit le sens du jugement, beaucoup se laissent influencer par ces diseurs de bonnes aventures. Et, à force de les écouter, on finit par s’abêtir !
 
Cet environnement là n’est pas porteur de progrès pour une société. Il porte les germes de sa décadence. On me dira que c’est le public qui demande de telles productions radiophoniques. Peut-être que c’est vrai, mais la question que je me pose est celle là : doit-on suivre le public dans certains de ses désirs qui pourraient le conduire vers une déchéance morale, spirituelle, intellectuelle certaine, et même matérielle ? La question reste posée !
 
Cette réalité décrite supra crée inéluctablement des imaginations superstitieuses, avec leurs lots de comportements irrationnels. Et ce n’est pas surprenant, dans un contexte pareil, que tout ce qui nous arrive, on le met sur le compte d’un destin implacable et sans pitié. Sans doute, ce qui a poussé l’auteur-compositeur, Cheikh Ndiggel Lô (CNL) à s’interroger à haute et intelligible voix dans une belle composition musicale sur le fameux «NDOGGAL» - i.e., le "décret divin", version sénégalaise. Il interpelle ici "sa" société face à ce qu’on peut appeler le comportement «hors raison des Sénégalais».
 
CNL, en musicien de son temps et attentif aux respirations sociétales, a cru bon mettre le doigt sur une plaie cancéreuse qui, si on n’y prend garde, risque d’engager la nation sénégalaise dans les abîmes de la déchéance.
 
Cet état de fait que tous les esprits, un tant soit peu lucides, déplorent n’est pas né pas ex-nihilo ; autrement dit, il n’est pas tombé du Ciel. Écoutons à ce propos l’excellent sociologue, Abdoulaye Sokhna Diop (ASD), dont je ne me lasserai jamais de convoquer les écrits, nous brosser un tableau qui campe ses réalités qui nous placent hors du temps.
 
Pour ASD, «les mutations consécutives à ces anachronismes ont entraîné des effets particulièrement sensibles dans le paysage social, politique et moral du pays… La corruption, la concussion, les vols, les détournements de deniers publics et privés, les prévarications, l’irresponsabilité, le ponce-pilatisme, le laxisme, le népotisme, le clientélisme, les pillages, l’occultisme, le maraboutage, l’envoûtement ont été érigés en système protégé et entretenu par les élites politiciennes, bureaucratiques et affairistes, au plus haut niveau. L’irrationalité et l’obscurantisme ont ainsi semblé avoir pris la relève de tout ce que le système colonial a pu laisser de positif dans le pays».
 
C’est cela la réalité malheureusement ! Poussez un peu la curiosité avec ces rapts, enlèvements d’enfants et autres profanations de cimetières. Qui en sont responsables ? Et ce qui fait peur dans tout cela, c’est de voir ce système qui nous mène tout droit à la décadence, être entretenu et soutenu par de puissants moyens de communication qui offrent une tribune à ces petits charlatans et escrocs à la petite semaine. Se pose alors cette interrogation qui vaut son pesant d’or : où allons-nous avec tous ces périls qui nous menacent ?
 
Tout compte fait, les expressions populaires "c’est le destin", "son heure a sonné", "ce qui doit arriver, arrive toujours", qui ont pris place dans les plis et recoins profonds de notre subconscient, et qui ont fini par se cristalliser dans nos réflexes de tous les jours, ces choses là dis-je, ne peuvent que nous confiner ad aeternam dans la médiocrité. De là, j’entends des objections du genre : "tous les peuples du monde ont leurs peurs et leurs superstitions". Vrai ! Mais ailleurs cela ne réglemente pas leur vie dans ses moindres détails. Ils se battent nuit et jour pour changer leur destin.

C’est cela qu’a compris le docteur Joseph Murphy pour marteler dans son livre, Le Miracle de l’Esprit, ces vérités qui surplombent le temps. Écoutons-le : «La loi de la vie est la loi de la croyance. Tout ce que vous acceptez mentalement et que vous sentez vrai va se manifester… Croyez à la réussite et vous l’aurez… Par son attitude mentale, l’homme sage forme, compose, construit son avenir. Il sait qu’il est né pour réussir, qu’il a tout ce qu’il faut pour être gagnant…».
 
Hélas ! Hélas ! Hélas ! C’est ce mental fort de gagneur à tous les coups qui nous manque,
nous autres Africains et Sénégalais !
À Suivre...

Madi Waké Touré
tmadiwaketoure@gmail.com
 
Nombre de lectures : 84 fois

Nouveau commentaire :












Inscription à la newsletter