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Chronique d’Albert : Le marché « politique » de la corruption étatique

Mardi 16 Juillet 2019

Chronique d’Albert : Le marché « politique » de la corruption étatique
La lutte contre la corruption est depuis des décennies l’un des axes stratégiques de la bonne gouvernance politique et économique. L’échec de cette bataille se mesure par l’ampleur de la corruption devenant le mal du siècle. L’Etat, principal acteur de cette lutte mondiale est désormais suspect. Il est corrompu du sommet à la base.
 
Lutter contre la corruption. C’est l’ambition déclarée et affichée par les pouvoirs politiques qui se succèdent à la tête du Sénégal depuis les années de crise de l’Ajustement structurel.
 
Quarante ans après les premières politiques de redressement économique et financier de 1979, la corruption est et reste encore l’une des préoccupations majeures de l’Etat, des partenaires techniques et financiers et les acteurs internationaux de la société civile.
 
Les rapports des institutions de la finance internationale, de la société civile et des corps de contrôle des politiques publiques nationales et locales se suivent et s’accordent au moins sur l’ampleur grandissante des indices de perception de l’un des phénomènes contemporains les plus complexes par sa nature, son fonctionnement et ses acteurs.
 
La corruption touche en effet  à toutes les activités humaines. Elle se manifeste sous des formes multiformes. Aucun pays n’est épargné par le phénomène. Evidemment, ses formes, son ampleur, son impact et son organisation, varient d’un continent à l’autre.
 
D’un pays à l’autre, la corruption revêt des habits propres au pays. Dans les pays du Nord, ce sont les décideurs des grandes firmes internationales qui tirent les ficelles de la corruption avec la complicité des Etats. Ces sont des industriels, des managers, des responsables  de l’automobile, de la communication, du pétrole et de la finance internationale. Ils nourrissent la corruption globalisée.
 
La corruption au Sénégal n’est pas une nouveauté. Elle est probablement devenue  au cours de ces dernières années,  une donnée  politique majeure. Elle est massive par son envergure nationale, car affectant tous les rouages de l’Etat et de la société sénégalaise.
 
Paradoxalement, en dépit du fait que la lutte contre la corruption est l’une des préoccupations des régimes socialistes, libéraux et républicains, la corruption ne cesse  de se répandre.
 
Les indicateurs  de la massification de ce cancer ne trompent guère les observateurs des mutations de la société sénégalaise. Cette dernière est plus que jamais  plombée par l’impact de la corruption. La marchandisation notoire des rapports humains est la conséquence de cet envahissement ambiant.
 
La police, la gendarmerie, les agents de l’administration à divers échelons de la chaîne de commande de l’Etat central, représentent  des corps professionnels indexés dans des rapports d’audits  nationaux et internationaux des experts. Cet arbre des agents véreux cache mal  la forêt nationale couverte par le phénomène de la corruption globale.
 
Au-delà de ce constat systémique, la corruption devrait être mesurée  au basculement de l’Etat dans le cycle vicieux de la corruption légalisée et entretenue. L’Etat est devenu lui-même un acteur de la corruption. Il alimente sous des formes variées  la corruption au plus haut sommet de la haute administration. Bien des agents de l’administration centrale  ont été incriminés par  les corps de contrôle de l’Etat.
 
Les raisons de ces incriminations tiennent à la mauvaise gestion économique et financière, aux détournements d’objectifs sociaux, culturels et économiques, à  l’enrichissement illicite sans cause. L’autorité politique étatique n’a pas, pour autant mis en œuvre  les recommandations des corps de contrôle de l’Etat.
 
Bien au contraire. L’impunité est établie. C’est la loi de l’omerta de la mal gouvernance des biens publics, la promotion sans état d’âme de nombreux cadres politiques de la haute administration impliqués fortement dans des scandales financiers et économiques.
 
L’Etat partisan est ainsi devenu au fil de la lutte contre la corruption, le premier défenseur  et promoteur des agents soupçonnés de corruption et de mauvaise gouvernance des services publics.
 
Ce basculement de l’Etat partisan dans l’impunité explique évidemment, le malaise persistant dans  la lutte sélective contre la corruption au Sénégal. Elle est au cœur de l’Etat central pris dans les pièges politiciens de la préservation du pouvoir étatique. Les agents véreux de la puissance publique se transforment désormais en des militants, des responsables du parti présidentiel et de la coalition soutenant l’action du chef de l’Etat.
 
Tous les dignitaires de l’ancien régime libéral ont migré  sans coup férir vers la majorité présidentielle. Il faut se mettre à tout prix à l’abri de la lutte contre l’enrichissement illicite.
Le basculement de l’Etat dans l’impunité se conjugue également  à la corruption politique déguisée  des politiques publiques : bourse familiales, accès aux services de base, notamment, la santé, l’eau, l’électricité.
 
Bien des  projets sociaux  et économiques destinés aux  collectivités locales, sont devenus de nos jours, des moyens de pression politique, pour ne pas dire, des  vecteurs d’achat de conscience citoyenne. La majorité  politique du moment fait de ces projets  de l’Etat, un levier électoraliste  de son marché politique.
Mamadou Sy Albert
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