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Alerte : Les épiciers percent le panier de la ménagère sénégalaise. Le silence de l’Etat inquiète. Impuissance ou complicité ?

Dimanche 8 Septembre 2019

Selon les quartiers et d’un commerce à un autre, le prix d’un article peut varier à des proportions hallucinantes et non justifiées. A croire que le commerce intérieur du pays baigne dans un informel caractérisé avec des commerçants qui fixent eux-mêmes et comme bon leur semble leurs marges.  Y’a t-il contrôle avéré du respect des prix et des marges fixés, en principe, par l’Etat (Direction du commerce intérieur)? Les organes de contrôles sont-ils suffisamment outillés pour vaquer convenablement à mission de contrôle? Ont-ils l’intégrité et le sens du devoir requis pour protéger le consommateur au même titre que les producteurs, grossistes et revendeurs ?  

Autant de questions que nous nous posons au regard de la baisse de notre « pouvoir d’achat » proportionnellement à la flambée anormale des prix des denrées. Et l’on a comme l’impression que c’est avec la complicité des autorités.  C’est en tout cas ce qu’en dit leur silence ou à la limite leur impuissance face au comportement immoral des commerçants qui ne semble leur déranger outre mesure.
 
Lorsque le consommateur que je suis laisse l’épicier de ma rue au profit d’une grande surface (que je me garde de citer), c’est parce qu’on m’a venté les prix bas de l’enseigne sur certains articles. Seulement une fois sur place, je constate que certains produits sont majorés de 5 à 10% par rapport à mon dernier passage. Pour un client assidu que je suis et très regardant sur les prix, je constate que sachet de Yaourt de 500 grammes que l’épicier que j’ai laissé dans ma rue vend à 500 francs comme partout ailleurs, l’enseigne le vend  à 525 francs. Idem pour le Kilo de pomme de terre et d’oignon respectivement majorés de 5à et 67 francs.

Cette fluctuation, je commence à m’y habituer, constatant même de manière judicieuse que l’enseigne baisse les prix de quelques articles dans le creux du mois pour ensuite majorer une bonne partie dans les dix premiers jours du mois. L’astuce : en début de mois, les ménages ont plus d’argent et sont moins regardant sur les prix. Ça, c’est l’enseigne qui a sa stratégie bien plus « cousue », et reposant sur plusieurs arguments liés à la zone géographique, à la période, à la conjoncture et une ventilation de la politique de prix interne, selon mes investigations. Là aussi, c’est un peu le flou sur le moyen de contrôle de l’Etat. Et un laxisme ambiant pourrait conduire à une situation commerciale vicieusement incontrôlable et toujours plus insupportable pour le consommateur final lequel, quoiqu’on dise, est un des acteurs les plus importants de l’écosystème.
 
L’oignon, le cas le plus édifiant.
 
Le cas de l’oignon est la parfaite illustration de la situation rocambolesque des ménages au Sénégal. L’Etat par expérience s’assure de la disponibilité des stocks sur le marché en veille de fête (période de pic de la consommation) sur fond d’une discrimination positive en faveur du producteur local. Les frontières commerciales en ce qui concerne cette denrée sont fermées. Mais il y a deux semaines (après la fête de l’Aid El kebir), la décision de l’Etat du Sénégal d’ouvrir le marché de l’oignon importé n’avait guère agréé les producteurs de la zone de Potou (une localité horticole sénégalaise). Cette « révolte » des producteurs de Potou en dit long sur l’égoïsme de certains acteurs. 
 
Surtout si l’on sait que la fluctuation abondance/rupture rythme l’année au gré des fêtes religieuses.  Si le marché a été approvisionné de  30 tonnes d’oignon à la veille de la Tabaski (Aid El Kébir), force est de constater deux à trois semaines après qu’il tend vers une carence qui contraint l’Etat à l’ouvrir. Les raisons sont simples : parer à la pénurie et aux spéculations avec des hausses regrettables pour le consommateur avec des prix passés de 350 à 400 francs et de 400 à 500 francs et même 600 francs dans certaines zones. Le stock sur le marché baisse en quantité et en qualité pour un prix qui tend à passer presque au double en une année (de 350 à 600 Francs/kg) là où les intermédiaires l’achètent à 100 ou 150 francs Cfa bord champ. L’enseigne que j’ai visité le vend à 550 francs le kilo et 565 franc le kilo de la pomme de terre.
 
Le marché dans la globalité propose un produit local de qualité baissante (de plus en plus petit) pour un prix de plus en plus élevé. Les producteurs locaux comme les commerçants ne proposent aucune alternative qualitative et sont conscients qu’on va tout doit vers une pénurie, mais veulent en bon égoïstes que l’Etat leur permet d’écouler leur stock d’oignons presque invendable au prix fort et se permettent même de monter au créneau pour demander le départ du directeur de l’Agence de régulation des marchés qui selon eux, ne travaillerait pas dans la transparence. Ils lui reprochent de vouloir imposer en plus, l’ouverture du marché à l’oignon importé, alors que plus de 10 000 tonnes de  la production locale est en souffrance dans les périmètres, et  8000 autres tonnes au marché de Dalifort. Des chiffres fournis par de l’Inter filière de l’oignon. Alors j’ai une seule question : doit-on attendre de consommer ces 18 000 tonnes en souffrance avant d’ouvrir le marché ? 
 
Le cas de l’oignon, je le rappelle, n’est qu’une illustration de cette situation anormale que vit le consommateur parmi tant d’autres. Et on n’a comme l’impression que le pays manque  de contrôleurs de prix. On n’en croise quasiment jamais. En existe-t-il suffisamment ? Le consommateur final ne mérite-il pas qu’on mette plus de moyens ? 
 
Absence de suivi des initiatives de l’Etat sur la baisse des prix
 
L’une des premières mesures du Président Macky Sall (le 20 avril 2012) a été la baisse des prix de ces denrées de première nécessité est d’application immédiate. La politique nationale sur cette question avait permis de ne ressentir les pénuries de produits agricoles (cultivés localement ou importés) ou surenchères de leurs prix. Même si cette baisse avait tardé à se faire sentir chez les consommateurs en raison du refus des commerçants, il faut reconnaître que le  Président Macky Sall a fait preuve de bonne volonté. Deux ans plus tard, suivait la réduction du prix du pain. La baguette qui coûtait 175 Fcfa s’échange désormais à 150 Fcfa. Mais, il faut plus de rigueur et de la continuité dans cette initiative. On ne peut pas protéger une production locale au détriment du consommateur local. On ne peut pas protéger une production locale d’un côté et observer d’un autre côté une flambée effrénée des prix, et de surcroît informel et délibéré selon le commerçant.
 
Ces pratiques vicieuses observées sur plusieurs références – et même au-delà de l’agro-business et de la grande distribution - conduisent à des surenchères perverses pouvant encourager l’introduction ou le déversement sur le marché d’articles impropres à la consommation.  Car au-delà du trou de plus en plus béant du panier de la ménagère sénégalaise causé par la surenchère anormale, informelle et incontrôlée des articles, le consommateur peut se rabattre sur des produits dangereux pour sa santé (date de péremption dépassée) parce que moins chers et par absence de choix. Donc d’une problématique de consommation, on peut passer à une de santé publique.
 
Cette situation amplifie ainsi les tensions sociales et complexifie les rapports entre producteurs, commerçants et consommateurs, mais aussi entre gouvernants et gouvernés. Ces derniers ayant l’impression d’être à juste titre mal défendus et, à la limite même, abandonnés à eux-mêmes. Liy raam ci niag bi la dieum ! Que l’Etat prenne ses responsabilités et les bonnes mesures pour mettre fin à ces pratiques perverses qui minent notre économie dans sa plus basse échelle et contribue à l’appauvrissement  des sénégalais au profit d’étrangers.

Puisqu’on le sait tous et sans stigmatiser ou nourrir une certaine xénophobie. On sait tous que 90% des commerces et épiceries ne sont pas détenus par des sénégalais. Ces communautés étrangères qui cristallisent chacun des millions de francs cfa dans leurs caisses ne fréquentent point – pour la plus part en tout cas - les banques d’où la chronique problématique de liquidité qu’a également notre pays.

Aujourd’hui, il est très difficile voir même parfois impossible de trouver de la monnaie pour 5000 ou 10000 francs. Malgré l’émergence du paiement mobile, l'argent liquide demeure une référence pour bon nombre de sénégalais. Un autre sujet qui gêne encore la fluidité de notre économie, sans que personne ne bronche.  Pour les autorités nationales, le consommateur sénégalais est à placer au centre de toutes les préoccupations.
 
Cheikh-Mbacké SENE
Expert Communication d’influence et en intelligence économique
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