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14 morts en mars 2021 – Un an plus tard, zéro coupable, zéro responsable - « L’Etat a fait le choix de l’impunité »

Vendredi 4 Mars 2022

Sans nul doute, les événements meurtriers de mars 2021 resteront comme un des pires moments de violence dans les annales de la République. Au cours de manifestations survenues à Dakar et dans d’autres endroits du territoire dont Ziguinchor, 14 jeunes sénégalais sont tués dans des circonstances que l’Etat se refuse toujours à éclaircir.
 
Contexte : le 3 mars 2021, l’opposant Ousmane Sonko, accusé de viol par une employée d’un salon de massage, est convoqué au tribunal pour audition devant le juge d’instruction. En chemin, accompagné par une forte colonie de militants et de sympathisants de son parti, il est arrêté par des gendarmes qui l’acheminent à la Section de recherche de Colobane pour troubles à l’ordre public. Mais derrière lui, la situation dégénère en affrontements entre manifestants et forces de l’ordre avant de s’étendre comme une trainée de poudre dans la capitale durant deux à trois jours.
 
Des jours auparavant, le rapport fuité de la gendarmerie avait fuité et semblait disculper le leader politique incriminé. Le 8 mars, c’est sous une manifestation monstre ceinturant le palais de justice qu’Ousmane Sonko est libéré et placé sous contrôle judiciaire. Entre temps, 14 jeunes manifestants auront été fauchés. Sous la pression de l’opinion, le ministre des Forces armées organise un point de presse pour annoncer la mise en place d’une « commission d’enquête indépendante » supervisée par l’Etat. Un an après, le vide judiciaire est toujours de rigueur.
 
« Il est vrai que certains responsables de l’Etat dont le Ministre des Forces Armées, Sidiki KABA avaient pris des engagements qui suscitaient beaucoup d’espoirs de la part des familles des victimes.
 
Mais à l’arrivée, nous sommes habités par une grande déception car l’Etat a fait le choix de l’impunité, le choix d’ignorer les droits des victimes et c’est regrettable. Notre mission est de rappeler que dans de telles circonstances, l’Etat a l’obligation de diligenter une enquête et d’édifier les familles dans des délais raisonnables » (Senghane Senghor, chargé des questions juridiques à la Rencontre africaine des droits pour la défense des droits de l’homme, RADDHO).
 
Depuis mars 2021, les noms et visages des victimes de la répression hantent les réseaux sociaux comme pour réclamer une justice qui ne semble pas décidée à faire la lumière sur l’affaire. Ils s’appellent : Moussa Dramé, Pape Sidy Mbaye, Sadio Camara, Massiré Guèye, Alassane Barry, Mansour Thiam, Bounama Sagna, Famara Goudiaby, Cheikh Coly, Chérif Abdoulaye Mané, Cheikh Wade, Baye Cheikh Diop, Cheikhouna Ndiaye.
 
https://www.impact.sn/Evenements-meurtriers-de-mars-2021-Macky-Sall-enterre-la-commission-d-enquete-annoncee-par-Sidiki-Kaba_a29900.html
 
En décembre dernier, le Président Macky Sall affirme que « la commission d’enquête attendra dès lors que le dossier est pendant devant la justice » lors d’un entretien avec les médias de France Médias Monde (RFI et France24).
 
Le chef d’Etat sénégalais, « disparu » de la circulation pendant l’onde de choc de mars 2021, avait ressurgi dans un discours télévisé pour déclarer avoir compris ce qui s’était passé. Aujourd’hui, plusieurs observateurs se demandent encore s’il a véritablement tiré les leçons d’une histoire qui a failli faire basculer le Sénégal.
 
« Ces événements révèlent au monde une pâle image du Sénégal qui se vante d’être un Etat de droit. Nous avons de vrais raisons d’être inquiets car nul n’est à l’abri d’une telle situation. Le constat qui s’impose est que notre vie continue d’être rythmée par l’agenda des hommes politiques.
 
Ce dossier est une preuve éloquente que l’Etat a choisi le statu quo. Et le côté négatif de cette posture c’est que cela peut être analysé comme une prime à  l’impunité. Il y a déjà eu un grand retard dans le traitement de ce dossier et il est important de rappeler aux autorités que la mauvaise volonté politique risque d’avoir des conséquences fâcheuses sur l’avenir du Sénégal et la perception des citoyens sur la Justice. » (Senghane Senghor, Raddho)
 
Aujourd’hui, le gouvernement et l’Etat restent aphones sur les circonstances de la mort de ces 14 compatriotes, en dépit des démarches entreprises par plusieurs organisations de la société civile sénégalaise. Comme interlocuteurs, elles doivent faire face à un mur.
 
« Quelques jours après les évènements, nous sommes entrés, avec d’autres collègues de la Société civile, en contact avec certaines familles d’abord, pour leur présenter les condoléances mais aussi les assister au besoin. Mieux, certains de nos avocats avaient déjà proposé leurs services et montré toute leur disponibilité.
 
A l’opposé, l’Etat avait dépêché des émissaires auprès des familles des victimes et d’après nos informations des montants avaient même été remis à certaines d’entre elles. Mais dans leur communication, les autorités préféraient des expressions comme ‘’l’Etat sera à côté des familles’’. Le choix des familles a été dans un premier temps d’écouter les autorités avant de s’engager dans des procédures judiciaires mais il n’y a eu aucune suite.
 
Dans un Etat de droit, c’est au juge de trancher de tels dossiers et c’est pourquoi nous réitérons notre soutien aux familles tout en rappelant notre disponibilité à travailler avec elles pour mettre la lumière sur ces graves faits. » (Senghane Senghor).
 
Pour Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnistie Internationale Sénégal, « un an après la répression sanglante des manifestations de mars 2021, pendant laquelle 14 personnes ont perdu la vie, l'Etat du Sénégal n'a posé aucun acte pour rendre justice aux victimes. Le Sénégal n’oubliera jamais mars 2021. »
 
 
 
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