« Aujourd’hui, l’étranger qui gêne, c’est le musulman » : après le meurtre d’un Tunisien dans le sud-est de la France, des voix s’élèvent pour dénoncer un climat délétère de stigmatisation dans le pays.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau l’a assuré mardi : le meurtre commis samedi était « clairement un crime raciste », « sans doute aussi antimusulman » et « peut-être aussi un crime terroriste ». Le suspect, interpellé le même jour, avait diffusé deux vidéos au contenu raciste.
Le ressortissant tunisien, Hichem Miraoui, un coiffeur de 46 ans, a été retrouvé samedi à Puget-sur-Argens, dans le département du Var ; un Turc a aussi été blessé. Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a repris l’enquête, se saisissant pour la première fois d’investigations sur un homicide raciste lié à l’ultradroite.
Depuis ce meurtre, plusieurs responsables religieux, politiques ou associatifs tirent la sonnette d’alarme.
« Il est temps de s’interroger sur les promoteurs de cette haine qui, dans les sphères politiques et médiatiques, sévissent en toute impunité et conduisent à des faits d’une extrême gravité », a affirmé mardi dans un communiqué le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz.
« Haine »
S’adressant par ailleurs à des journalistes, M. Hafiz a déploré qu’« aujourd’hui, l’étranger qui gêne, c’est le musulman ».
« On a fait de notre communauté un enjeu politique et politicien », a-t-il ajouté, en appelant à une prise de parole du président Emmanuel Macron pour qu’« il rappelle une réalité : nous sommes des citoyens de ce pays ».
D’autres violences ont inquiété la communauté musulmane récemment : fin avril, un jeune Malien, Aboubakar Cissé, était assassiné dans une mosquée du Gard (Sud-Est). Ce week-end, un Coran a été volé et brûlé dans une mosquée de Villeurbanne, près de Lyon (Centre-Est).
En France, les actes antimusulmans ont augmenté de 72 % au premier trimestre 2025, avec 79 cas recensés, selon le décompte du ministère de l’Intérieur.
En 2024, 173 faits antimusulmans avaient été officiellement comptabilisés en France, dont 52 % relatifs à des atteintes aux biens et 48 % portant sur des atteintes aux personnes, selon les données du ministère de l’Intérieur.
Des chiffres « sans doute en deçà de la réalité », avait reconnu Bruno Retailleau, alors que l’islam, deuxième religion de France, compte entre cinq et six millions de musulmans pratiquants et non pratiquants, selon plusieurs études.
Pour le président de SOS Racisme Dominique Sopo, le crime de Puget-sur-Argens « doit rappeler l’ensemble des responsables politiques à la responsabilité de leur parole ».
Car « un débat public dégradé, ça veut dire à un moment qu’il y a des crimes de sang à la clé », a-t-il assuré sur la radio privée RTL.
Le Conseil français du culte musulman (CFCM, ex-instance représentative de l’islam de France) a lui aussi affirmé sur X que « celles et ceux qui propagent la haine de l’autre ont du sang sur les mains ».
« Incendiaire »
Dans ce concert d’inquiétudes visant tant les médias que les hommes politiques marqués à droite, Bruno Retailleau, fraîchement élu à la tête du parti de droite Les Républicains, s’est vu pointé du doigt.
Le patron du Parti socialiste Olivier Faure l’a accusé mardi de banaliser « un racisme d’atmosphère » en entretenant « un climat de suspicion vis-à-vis des étrangers ou des Français vécus comme étrangers ».
Bruno Retailleau, que certains accusent de courtiser l’extrême droite à l’approche de l’élection présidentielle de 2027, « est un incendiaire qui fait mine de s’insurger du racisme et de ses conséquences, alors qu’il l’alimente chaque jour à la tête du ministère de l’Intérieur », a affirmé lors d’un point presse Thomas Portes, député du parti de gauche radicale LFI.
M. Retailleau avait déjà été critiqué fin mai après la diffusion dans la presse d’un rapport sur l’entrisme islamiste. Il avait accusé les Frères musulmans de vouloir « faire basculer toute la société française dans la charia ».
« Quand je combats l’islamisme je ne combats pas les musulmans, ceux qui font l’amalgame se trompent », a-t-il martelé mardi devant les députés.
« Le racisme, ce n’est pas la France », a-t-il ajouté, en assurant que « la République ne fait aucune différence entre la couleur de la peau, les origines ou bien les croyances ». [AFP]







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