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TRAQUE DES BIENS MAL ACQUIS : Ce que nous révèle Monsieur Paganon !

Vendredi 29 Avril 2016

Ce que nous révèle Monsieur Paganon !


a vraie fausse querelle suscitée par les propos de Jean-Félix Paganon, ambassadeur de France au Sénégal depuis mars 2013, concernant le procès de Karim Wade et le verdict attendu de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), est significative à plus d’un titre. Elle nous révèle ce que sont, fondamentalement, les rapports de l’Etat du Sénégal avec la France, ancienne puissance coloniale devenu grand partenaire de notre pays. Elle nous renvoie également la vraie image de nos élites politiques, pouvoir et opposition confondus, quant au contenu particulier qu’elles donnent aux principes d’indépendance et de souveraineté nationale.
 
On peut et on doit reprocher à monsieur Paganon cette indélicatesse qui a consisté à déblatérer sur l’issue d’une affaire politiquement sensible, pendante devant la justice sénégalaise, objet de beaucoup de passions et d’intoxications. Or, un diplomate accrédité selon des conventions internationales bien établies ne peut revendiquer une posture meilleure que la discrétion.
Si donc le Haut représentant de la République Française insiste pour clamer que Karim Wade a peu de chance d’échapper à une condamnation ferme, il veut exprimer en public, afin que nul n’en ignore, le soutien de son pays aux autorités sénégalaises dans la traque des biens mal acquis. Ce soutien ne concernerait pas seulement cette affaire-ci, il marquerait l’exaspération de Paris face aux perturbations cycliques orchestrées par Abdoulaye Wade – lui seul – depuis plusieurs mois, comme dans un spectacle intermittent, au risque de créer un jour les conditions d’une déstabilisation durable du pays.
 
Notre diplomatie est faible
Il n’empêche : un Etat jaloux de ses institutions et de sa crédibilité comme totalité souveraine, aurait dû remettre à sa place monsieur Paganon ! Notre ministère des Affaires étrangères avait l’obligation politique de convoquer formellement le diplomate français pour, d’une part, lui demander des explications et, d’autre part, lui rappeler le devoir de réserve que lui imposent ses fonctions. Sa faiblesse ne le lui a pas permis. On imagine mal l’ambassadeur du Sénégal en France faire dans la presse parisienne ou régionale le procès des échappées nocturnes en scooter du président François Hollande chez sa Julie Gayet !
Pire encore du côté sénégalais, le Premier ministre, devant les députés jeudi, parle de cette affaire comme le ferait un Sénégalais lambda, sans grande hauteur ni finesse, répliquant à Me Abdoulaye Wade en recourant à des arguments mondains en déphase avec ses hautes responsabilités. On était en droit d’attendre de lui, chef du gouvernement, qu’il réaffirme à la figure du diplomate gaulois au moins deux principes caractéristiques de la (notre) démocratie : la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice sénégalaise. Il a préféré se défiler sur des broutilles.
 
On aboutit alors à un autre drame : le gouvernement sénégalais, face à la condamnation quasi unanime des propos de Jean-Félix Paganon dans l’opinion publique, se range du côté d’une France qui s’ingère de manière délibérée dans nos affaires intérieures. C’est inacceptable, mais cela parait logique du moment que l’on a à faire à un guichet automatique étranger qui nous gratifie généreusement d’aides budgétaires permettant de boucler quelques fins de mois. On n’attaque pas, on n’égratigne même pas son bienfaiteur ! Le gouvernement sénégalais se serait-il tu si, par exemple, l’ambassadeur de Gambie au Sénégal avait exprimé des inquiétudes relatifs aux errements de l’instruction du dossier Karim Wade et Cie ?
 
 Stalino-bonapartiste
Abdoulaye Wade ? On est obligé d’en revenir à son vrai visage. C’est un frondeur endurci qui a du pouvoir et du peuple des définitions qui lui sont propres. Il est un stalino-bonapartiste qui ne s’ignore pas, sans foi ni loi, établissant avec les hommes, femmes et jeunes qui font sa cour des rapports de suzerain à sujets. Depuis 40 ans, il ne cesse d’en faire la démonstration ! Les modalités scandaleuses de la désignation du futur «candidat» du Parti démocratique sénégalais (PDS) à la présidentielle de 2017 ne sont que le dernier avatar de sa culture éprouvée des dérives.
C’est pour cela que tous ceux qui ont eu le flair de le mettre en face de ses contradictions politiques ont raison, des observateurs de la vie politique au Premier ministre. Me Wade a bien proposé que des juges venus de France suppléent à leurs collègues du Sénégal dans le procès de son fils ! En 2011, c’est lui-même, le panafricaniste revendiqué, qui a accepté de voyager dans les valises de Nicolas Sarkozy et d’Alain Juppé jusqu’à Benghazi afin de donner corps aux bombardements de l’Otan et de la France sur la Libye parce qu’on voulait se débarrasser d’un Mouammar Kadhafi turbulent et gênant.
 
Aujourd’hui, Abdoulaye Wade, le panafricaniste revendiqué devenu sur le tard maître en sciences esclavagistes et pratiques anthropophagiques, porte une part de responsabilité dans la dégénérescence profonde d’une entité libyenne qui, sans avoir jamais été une démocratie, n’en constituait pas moins un pôle de stabilité et de sécurité entre le Nord de l’Afrique et le Sud de la Méditerranée.
Cette affaire Paganon est un drame pour notre pays. Elle nous rappelle que le versant noir de nos liens antiques avec la France a conservé cette fraîcheur suffocante qui fait d’une frange de nos élites politiques et intellectuelles dirigeantes des patriotes mous. Des patriotes sur lesquels il peut être aléatoire de miser pour construire ce pays.  
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