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THEORIE DE L’ENCERCLEMENT PERMANENT La version Sall en pratique

Dimanche 10 Juillet 2016

Dans la tête et l’esprit du Président de la république, il semble que gouverner soit synonyme de «encercler». Encercler en permanence tout ce qui est susceptible de servir sa politique, par la séduction des couches défavorisées du pays, ou par la neutralisation d’adversaires potentiels transformés en alliés stratégiques. C’est dans les zones rurales du pays que Macky Sall a entamé sa conquête du pouvoir dans un contexte marqué par le rejet massif du régime d’Abdoulaye Wade. Elu à une majorité confortable en mars 2012, il a poursuivi le travail d’encerclement électoral à travers la mise en œuvre d’un certain nombre de programmes socio-économiques au bénéfice de catégories de populations vues sous un double angle : des citoyens qui méritent d’être soutenues par l’effort de solidarité nationale, mais qui n’en restent pas moins des électeurs potentiels.
 
Après un long supplice au terme duquel il quitte le Parti démocratique sénégalais (Pds) le 1er  décembre 2008, Macky Sall crée dans l’Alliance pour la république (Apr) afin d’encadrer ses ambitions politiques dans une démarche stratégique globale. Son objectif semble plus ou moins précis dès le départ : conquérir le pouvoir à partir des (rares) troupes qui font le pari de s’engager à ses côtés contre le Pds d’Abdoulaye et de Karim Wade. Il est moyennement renforcé par quelques bataillons venus d’ailleurs…
En général, les politiciens en disgrâce au sommet du pouvoir sont assujettis à ce qui est communément appelé la «traversée du désert», une période durant laquelle ils s’abstiennent de toute activité politique visible, désertent les médias. Ils font profil bas. C’est à ce jeu du fantôme errant que Macky Sall, «des fois un peu imbu de sa personne», n’aurait pas voulu se livrer. Un (tout) petit peu comme Mao Zedong ou assez nettement comme Léopold Sedar Senghor, il prit d’assaut le monde rural…
 
Le pays d’est en ouest, du nord au sud
Mettre sur pied un parti politique, «c’était l’idée de Macky car il pensait qu’il lui fallait un cadre nouveau capable de porter ses ambitions post-Pds. Et ce cadre-là ne pouvait être qu’un appareil politique en bonne et due forme», souligne Alioune Fall, proche ami autant que conseiller politique de l’ex plus célèbre banni de la république. «Personnellement, j’y étais hostile, révèle-t-il. Mon opinion était qu’il aurait pu mener bataille en indépendant pour éviter les lourdeurs et contraintes inhérentes à la gestion d’un parti politique.»
Une fois évacuée cette question, une autre survint, le besoin ou non de faire une précampagne dans les zones rurales. Elle divisa les responsables de l’Alliance pour la république (APR) impliqués dans la réflexion autour des stratégies politiques envisageables pour un parti qui venait de naître. «Certains dont je faisais partie trouvaient que la tournée à l’intérieur du pays pouvait être éprouvante, coûteuse, sans que le résultat recherché en termes de dividendes politiques pût être garanti. Macky était clairement minoritaire dans le parti. Même ses propres amis n’étaient pas emballés par cette tournée.»

Cette posture de refus poli opposé au «chef» semblait d’autant plus partagée que, généralement, on considéré que le véritable enjeu pour lequel il fallait se battre commandait de s’intéresser aux grands centres urbains, les vrais greniers des suffrages électoraux. Mais l’intransigeance de Macky Sall ramena tout le monde sur une ligne unitaire. «Il jugeait absurde de ne pas donner un niveau de reconnaissance optimal à son projet politique en y associant le maximum de Sénégalais, surtout ceux de l’intérieur du pays», explique Alioune Fall.

A cet égard, les mots du néo-aspirant au palais de la république face aux récalcitrants étaient sans appel. «Ce n’est pas en restant à Dakar que l’on va intéresser l’électeur de Fongolimbi ou d’Orkadiéré à notre vision d’un Sénégal nouveau. Si nous ne pouvons pas faire cette tournée nationale, il vaut mieux arrêter tout et tout de suite», rapporte le conseiller politique cité plus haut. Pragmatisme ? C’est le sens dans lequel raisonne un autre collaborateur du futur président. Dans une tribune parue dans le journal «Le Quotidien» (jeudi 3 mars 2016), Idrissa Diabira, naguère coordonnateur du programme « Yoonu Yokkuté» écrit : «L’histoire politique de Macky Sall est marquée par cette quête (de l’action politique efficace). Il abandonnera les vieilles lunes de la gauche maoïste pour cette raison d’efficacité politique. Et en 1983, malgré l’appel au boycott, lui choisissait de voter aux élections et d’être parmi l’opposition utile d’alors.»
Minoritaire dans l’approche, il fit son tour du Sénégal certes, mais certains sont restés non convaincus par sa pertinence et son utilité en dépit du lien qui a été établi entre cette initiative et la consécration suprême de mars 2012. Le scepticisme était de rigueur.
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Des niches électorales entretenues
 
Le président de la république fait sans doute son «travail» en investissant de l’argent public dans tous les domaines, notamment social et religieux. Mais à l‘instar de tout homme politique «normal», il en attend des gains.
 
Assistance sociale
Avec le programme national des bourses de sécurité familiale lancé en 2013 pour toucher 50 000 familles avec 5 milliards de francs Cfa, il concernerait entre 250 000 et 300 000 ménages sur la période 2016-2017 grâce à une enveloppe qui tournerait entre 25 et 30 milliards de francs CFA. Le procédé consiste à allouer à chaque famille une enveloppe annuelle de 100 000 francs CFA à raison de 25 000 francs par trimestre.
Selon des chiffres de l’Agence de la Couverture maladie universelle, environ 2,4 millions de personnes devraient être prises en charge par les mutuelles de santé d’ici à 2017.

Au début du second semestre de l’année 2015, une enveloppe de 11 milliards de francs CFA était disponible pour l’agence nationale pour la Couverture maladie universelle (CMU) pour mettre en œuvre la politique de gratuité des soins pour les enfants de 0 à 5 ans, les personnes âgées, les césariennes ainsi que pour les subventions pour l’hémodialyse.
 
Baisse du loyer
Cette «fibre sociale», Macky Sall l’a mise en œuvre en janvier 2014 en faisant voter par l’assemblée nationale une loi portant baisse du loyer. En dépit d’un manque évident de suivi et d’encadrement du processus de mise en œuvre, l’initiative a été unanimement saluée eu égard à la spéculation permanente qui anime le secteur depuis plusieurs années et qui touche les couches défavorisées de la population. 
 
Foyers religieux (et monde rural)
La rénovation et la modernisation des foyers religieux entrent également dans la stratégie de séduction permanente érigée en politique par le chef de l’Etat. Ainsi, Tivaouane, capitale de la Tidjania sénégalaise, dispose depuis décembre dernier d’une panoplie d’infrastructures nouvelles dans le cadre d’un «Programme spécial d’urgence» dont le coût est estimé à près de 115 milliards de francs Cfa à long terme.

A Touba, bastion du Mouridisme, les yeux sont rivés sur le futur tronçon Thiès-Touba que le pouvoir a malicieusement dénommé «Autoroute Ila Touba», une infrastructure de 113 km négociée grâce à un prêt concessionnel chinois d’environ 416 milliards de francs CFA. Beaucoup d’économistes et d’observateurs ont vu dans ce projet jugée «politicien» une volonté déterminée du chef de l’Etat de mettre dans son escarcelle électorale le vote du maximum d’électeurs mourides.
En visite à Ndiassane en décembre 2015, le Président de la république soulignait que le programme de modernisation des cités religieuses concerne tous les foyers mais devra être exécuté dans la durée, au-delà d’une année.

Des alliés siphonnés !
Dès son arrivée au pouvoir en mars 2012, Macky Sall se fixe des objectifs précis : consolider à sa manière la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), élargir le périmètre de sa base politique au-delà des dits alliés en massifiant les adhésions à son  propre parti, affaiblir ses adversaires potentiels à la prochaine élection présidentielle…

Comme (presque) prévu, Idrissa Seck a repris sa «liberté» en septembre 2013 après quelques soubresauts médiatiques, de même que Ibrahima Fall (Taxaw Tem), Cheikh Bamba Dièye (FSD/BJ), mais les «ténors» sont restés et certains se sont même trouvé des complicités avec le président de la république. Moustapha Niasse (AFP), avec la présidence de l’assemblée nationale et quelques strapontins pour ses amis, est allé à Canossa et son parti (AFP) réduit en deux morceaux. Ousmane Tanor Dieng, conseiller très officieux du président, a obtenu au moins deux postes ministériels pour ses proches (Aminata Mbengue Ndiaye et Serigne Mbaye Thiam), mais il expose le Parti socialiste à des turbulences qui menacent nettement sa cohésion et son unité. Amath Dansokho, trublion un temps, s’est totalement assagi, de même que le Parti de l’indépendance et du travail (PIT) s’est quasiment dissolu dans l’alliance. Quant à la Ligue démocratique (LD), même si son secrétaire général Mamadou Ndoye Mendoza est à peine plus critique, elle donne l’impression de ne pouvoir franchir une ligne rouge qui serait synonyme d’excommunication… Du reste, tous ces partis ont appelé à voter «Oui» au référendum du 20 mars 2016.

Pour Macky Sall, il y a un impératif à atteindre : retenir le  maximum d’alliés le plus longtemps possible dans la coalition. Le meilleur moyen, selon lui, de les neutraliser et de rendre incohérentes devant l’opinion leurs velléités à présenter des candidats à la prochaine élection présidentielle.
 
La diaspora
Le vote des Sénégalais de l’extérieur n’est pas essentiellement décisif mais il est loin d’être négligeable. «En 2012, la Diaspora a été le tombeau électoral d’Abdoulaye Wade», expliquait le politologue Babacar Justin Ndiaye. Erigée en sorte de «15e région» du Sénégal, la Diaspora fait l’objet d’une «attention particulière» de la part du chef de l’Etat. Deux institutions font office d’encadrement de cette population électorale évaluée à ….. : la direction des Sénégalais de l’extérieur, bras administratif et social, et le Fonds d’appui à l’investissement des Sénégalais de l’extérieur
La victoire du «Oui» au référendum du 20 mars 2016 a été écrasante (documenter avec résultats).
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«Encercler le pouvoir de Wade»
Il semble qu’il y eut une idée fondamentale dans l’approche voulue par Sall : le souci d’encercler l’«ennemi» désigné. Abdoulaye Wade et le Pds pouvaient en effet compter sur une machine électorale aguerrie par plusieurs batailles politiques d’envergure nationale et locale. Une  puissance sous-tendue par un clientélisme forcené basé sur la généralisation des prébendes aux chefferies locales, qu’elles soient politiques, traditionnelles ou religieuses, considérées comme porteuses de suffrages.

«Dans sa théorie des choses, Macky n’a jamais explicitement fait allusion à la méthode de l’encerclement des villes à partir des campagnes» à laquelle Mao a eu recours contre la mouvance nationaliste chinoise. «Mais nous avions compris qu’il s’agissait de cela en fait. Pour lui, il ne fallait point faire du copier-coller, il importait surtout de capitaliser sur différentes initiatives pertinentes de mobilisation populaire, d’ici ou d’ailleurs, en les projetant dans le contexte sénégalais.»

Au Sénégal comme presque partout en Afrique, les pouvoirs centraux, détenteurs des ressources et moyens, influencent très fortement les comportements des électeurs dans les zones rurales en amont et en aval des élections. Dans un tel contexte, l’opposition est souvent impuissante, en particulier dans la surveillance des scrutins. Il fallait donc apporter un début de réponse à cette faiblesse. «Par exemple, Macky Sall avait tenu à ce que le parti eût des mandataires électoraux partout où nous passions. Et ils étaient choisis sur place», souligne notre interlocuteur. Qui ajoute : «la conviction de notre leader était que personne ne peut modifier les résultats du scrutin en amont, d’où l’importance capitale d’avoir des représentants dans tous les bureaux de vote en zones rurales.»

Dans la stratégie d’encerclement du régime de Me Wade, les dégâts engendrés par des politiques agricoles désordonnées constituaient également une «source de rattrapage» face à la longueur d’avance dont disposait le pouvoir au titre de la fameuse «prime au sortant». A cet égard, la tournée nationale du chef de l’APR visait à «capitaliser sur les frustrations des paysans» pour mettre le candidat Wade en minorité dans son bastion supposé du monde rural. «Macky voulait assurer une suprématie dans les campagnes et concurrencer le pouvoir dans les centres urbains.»
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MAME LESS CAMARA
 
«Macky Sall s’inspire d’Abdou Diouf et de Lula»
Manifestement, l’exemple de Lula a beaucoup inspiré le Président Macky Sall. C’est-à-dire, essayer de faire en sorte de faire bénéficier de l’économie, non pas à la classe assez privilégiée, même si en majorité ses composantes sont assez mal payées, la classe des salariés, particulièrement celle des fonctionnaires qui sur-ponctionnent le budget national, si on considère le nombre et celui du monde rural, par exemple. Donc, à son arrivée au pouvoir, il s’est trouvé face à une action prioritaire pour son Gouvernement, une politique de mise en place d’infrastructures, mais, il était sûr qu’il aurait du mal en cinq ans – c’est ce qu’il avait promis, faire des actions significatives comparées au bilan laissé par Abdoulaye Wade.
 
L’autre voie était celle de la réforme institutionnelle. Abdou Diouf a peu construit, pas d’universités, à peine deux ou trois lycées et pas de nouvelles infrastructures culturelles. Mais, il a été un formidable réformateur. Le Sénat, le nouveau Code électoral qui l’a perdu d’ailleurs, sont de lui. Donc, il a beaucoup réformé. D’ailleurs, il est frappant de voir comment Macky Sall qui n’a pas pu définir une politique de réforme institutionnelle se met sur les pas de Diouf. Le Président Diouf a créé la Cour de répression de l’enrichissement illicite, Macky Sall l’a ressuscité, il a organisé les Etats généraux de l’enseignement, Macky les a aussi réorganisé, évidemment en les bâclant et en en réduisant l’ampleur. La levée des couleurs et même ce séminaire gouvernemental, c’est Diouf qui a été le premier à l’avoir organisé. Donc, Macky reprend Diouf en matière de réforme institutionnelle. Mais, l’originalité de Macky est la réforme sociale, de permettre aux 80% des Sénégalais qui n’accèdent pas à des soins médicaux de qualité, de pouvoir se soigner de façon acceptable. C’est aussi de jeter un œil presque de compassion sur tous ces Sénégalais qui ont des revenus que l’on n’ose même pas évoquer.
 
Les bourses familiales, c’est 100.000  francs Cfa par an, mais c’est un input intéressant pour des gens, qui, très souvent n’ont par année que les revenus de leurs récoltes qui sont des revenus aléatoires. La prise en charge des enfants de zéro à cinq ans, la gratuité de la césarienne, entre autres, poussent à dire que Macky Sall essaie de se frayer un chemin à travers la réforme sociale. Il a tenté de baisser le coût du loyer, des denrées, mais c’est le doigt pointé vers la direction que veut emprunter le Président Macky Sall. Maintenant, est-ce qu’il a le budget et les appuis financiers nécessaires pour cela, est-ce qu’il a la volonté d’accompagnement de la classe bourgeoise ? Mais, il me semble qu’entre la réforme institutionnelle dont Diouf s’est fait le champion et la construction d’infrastructures que Wade a porté à un niveau important, de son côté, Macky Sall essaie d’emprunter sa voie.
 
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