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SENEGAL - Le hadj 2022 face au mensonge de l’Etat et à la gourmandise des privés.

Lundi 16 Mai 2022

Cheikh Oumar Tall, directeur du mensuel d'informations islamiques "Al Yawmou - Le Jour"
Cheikh Oumar Tall, directeur du mensuel d'informations islamiques "Al Yawmou - Le Jour"
Le gouvernement du Sénégal a attribué à l’Arabie Saoudite des mesures sur le transport aérien. Des mesures impopulaires qui relèvent d’un complot orchestré pour booster Air Sénégal International. En effet, l’Arabie Saoudite n’a jamais imposé aux pays participants au hadj 2022 de transporter exclusivement leurs pèlerins par leurs compagnies nationales. C’est un mensonge d’Etat, car tous les pays participants n’ont pas forcément une compagnie aérienne. L’Arabie Saoudite a plutôt demandé à ces pays, à défaut d’avoir une compagnie qui leur est propre, de convoyer à hauteur de 50% leurs pèlerins par ses compagnies aériennes comme FlyNass. Les autres 50% seront convoyés par la compagnie du choix des pays qui n’ont pas de compagnie aérienne.
 
L’Arabie Saoudite n’a demandé à aucun pays de convoyer par force ses pèlerins par sa compagnie nationale. La preuve est qu’en temps de oumra, toutes les compagnies aériennes du monde convoient des pèlerins à la Mecque. L’Arabie Saoudite a seulement dit que quiconque veut effectuer le hajj, n’a qu’à remplir les conditions administratives, sanitaires et médicales suivantes : passeport, visa d’entrée, aptitude médicale, etc., mais elle ne s’est jamais arrogée le droit d’exiger à aucun pays de convoyer 50% de ses pèlerins par FlyNass et les 50% restants par d’autres compagnies. Elle n’a même pas cette habilité. D’ailleurs, nombreux sont les voyagistes privés qui convoient des pèlerins à la Mecque sans aucune compagnie aérienne chez eux. Depuis des années, le Sénégal n’a pas eu de compagnie aérienne. Nos pèlerins voyageaient à bord d’autres compagnies étrangères.
 
C’est plutôt l’Etat du Sénégal qui veut ruser contre les pèlerins pour les obliger à prendre Air Sénégal International. A cet effet, madame le ministre des Affaires étrangères a fait la déclaration suivante :
 
« L’Arabie Saoudite a imposé aux pays de voyager avec leurs compagnies nationales. Rendons grâce à Dieu d’avoir notre propre compagnie. D’ailleurs, le chef de l’Etat a demandé qu’on soutienne Air Sénégal International. Il a même exigé que tous les ministres et corps de l’administration voyagent avec ladite compagnie. Et c’est dans ce cadre que nous avons pris la ferme résolution de faire convoyer nos pèlerins par Air Sénégal ».
 
Mais la triste réalité est que cette compagnie aérienne nationale a révélé ses limites. Elle n’a pas de flotte, elle fait du courtage. Elle loue des avions pour y embarquer les pèlerins. La preuve de son incapacité est qu’elle avait éprouvé toutes les difficultés du monde pour convoyer l’équipe nationale et ses supporters au Cameroun. Pourtant, c’est un voyage entre pays africains. Imaginez que ce soit d’Afrique en Asie pour convoyer 5.800 pèlerins.
 
 L’un des plus chers packages au monde
 
La vérité est que 80% du package sénégalais sont engloutis par le billet d’avion d’Air Sénégal. L’Etat devrait permettre aux pèlerins d’effectuer le pèlerinage avec aisance. Hélas, il fait du hadj un créneau pour satisfaire sa clientèle politique et se faire de l’argent. C’est excessif de fixer le package à 4 millions 200 mille Fcfa. C’est une façon de contraindre les privés à aller au-delà de ce package, soit 5 ou 6 millions de Fcfa. Ce que Pala Mbengue, un voyagiste privé, avait déjà lancé comme ballon de sonde bien avant l’annonce et la sortie du ministre des affaires étrangères.
 
Nous avons affaire à un gouvernement laïc qui fait la promotion du Pmu et de la loterie, mais personne n’en parle, y compris les familles maraboutiques. Dans les cours et tribunaux, le code civil et pénal est copié sur le modèle de la laïcité. Cette dernière légitime la consommation du vin et la pratique de la prostitution. La laïcité est une manifeste mécréance.
 
S’il ne dépendait que de l’Etat du Sénégal, il n’y aurait plus de pèlerinage à la Mecque, synonyme selon certains cercles tapis dans l’ombre, de sortie massive de devise. Cause principale du déficit de notre balance commerciale. Au contraire, le hadj est une source de renflouement des caisses de l’Etat. Cet énorme package est de nature à décourager les candidats au pèlerinage. De plus, le séjour en terre saoudienne est seulement de 20 jours. Au-delà, c’est le voyagiste privé ou l’Etat qui supporte les frais supplémentaires du logement. Frais qui amoindrissent le bénéfice. En principe, le séjour devrait durer un mois pour permettre aux pèlerins de découvrir Makka et Médine et de faire tous leurs actes de dévotion et ziars sans aucune pression.
 
Urgence de libéraliser le hadj sénégalais
 
Qu’on le veuille ou non, ce sont les musulmans, estimé à 95% de la population, qui alimentent les caisses de l’Etat à hauteur de 95% des recettes du budget national. De ce fait, les musulmans méritent que le hadj soit subventionné comme le fait le gouvernement nigérian et la Côte d’Ivoire qui, depuis des décennies, ne demande à ses pèlerins que 2 millions de Fcfa, y compris le transport et logement dans des hôtels 5 étoiles proches des lieux saints, à la Mecque comme à Médine. Que les musulmans sénégalais réclament la correction de cette injustice.

Mais l’Etat du Sénégal passe son temps à mentir sur le compte de l’Arabie Saoudite qui n’a pas pris les mesures impopulaires dont on parle sur le transport aérien. Elle n’a imposé à aucun pays de convoyer ses pèlerins par sa compagnie nationale. Le Sénégal dit avoir libéralisé le hadj, alors qu’il libéralise tout le processus qui commence par le transport. Libéralisation et monopole ne vont pas de pair. Les pèlerins ont donc la liberté de se faire convoyer par les compagnies aériennes de leur choix, ce qui va créer une concurrence saine entre elles, comme Turkish Airlines, Emirati, Ethiopian Airlines, Air Maroc etc. S’il y a concurrence de prix, il y aura forcément baisse des prix.
 
L’autre facteur qui explique la cherté du package est la mystification du logement. Qu’ils soient du privé ou du public, les convoyeurs passent leur temps à parler de logement dans des hôtels 5 étoiles autour de la Kaaba et de la mosquée du prophète (Psl). Les pèlerins qui réclament ce type de logement doivent rester modestes et savoir que le pèlerinage n’est pas du confort. On peut loger dans des hôtels luxueux et décents dans la banlieue de Makka et de Médine à des prix abordables, ce qui réduirait sensiblement le package. Les convoyeurs privés et publics doivent encourager les pèlerins à loger dans la banlieue et à prendre les véhicules taxis ou bus de transport en commun tous les jours pour rallier les lieux de culte à la Kaaba ou à la mosquée du prophète (psl) comme font beaucoup de pèlerins africains, asiatiques et même européens.
 
Pas de monopole du transport aérien
 
Les autorités veulent donner le marché du transport à Air Sénégal International. Rien que le quota des 2 mille pèlerins que le gouvernement s’est octroyé est l’équivalent de 5 vols. C’est déjà un énorme marché. Si le gouvernement veut aider cette compagnie, c’est son choix et son droit le plus absolu, mais il devrait aussi voir l’intérêt des pèlerins. Cet intérêt réside dans la possibilité pour les pèlerins de choisir, parmi les compagnies aériennes, celle de leur choix. Nous vous rapportons, à cet effet, le témoignage d’un Nigérien et d’un Guinéen de Conakry qui voient l’inopportunité de cette mesure impopulaire que l’Etat du Sénégal colle à l’Arabie Saoudite. Le pèlerin nigérien confie :
 
« Le Niger n’a pas de compagnie aérienne. Les pèlerins voyagent avec différentes compagnies comme Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines etc. Nous n’avons pas les moyens d’avoir une compagnie aérienne. Cette mesure consistant à convoyer les pèlerins par une compagnie nationale est impossible au Niger, au Mali, au Burkina Faso, au Bénin, au Togo etc. Si l’Etat du Sénégal veut aider Sénégal Airlines, c’est tout à fait normal, mais il faut qu’il subventionne le hadj comme le Nigeria. D’ailleurs, à l’occasion de la oumra 2022, un pèlerin nigérien m’a fait la confidence que l’Etat nigérian a remis à tous les pèlerins un chèque de 1.000 dollars dès l’achat du billet d’avion. Il faut donc que les pèlerins sénégalais réclament plus d’assistance et de liberté de choix pour les compagnies de transport aérien ».
 
Le pèlerin guinéen lui emboîte le pas et dit :
 
« Si cette mesure que l’on prétend venir de l’Arabie Saoudite est avérée, alors elle est injuste, car beaucoup de pays africains n’ont pas de compagnie aérienne. C’est le cas des deux Guinées, du Mali et de la Siéra Léone qui voyagent tous avec les compagnies aériennes étrangères établies dans leurs pays ».
 
Une hausse injustifiée
 
Malgré la crise sanitaire due au coronavirus, les prix des hôtels saoudiens, que ce soit à la Mecque ou à Médine, n’ont pas augmenté. Ils sont presque restés aux mêmes prix que ceux pratiqués avant la pandémie. Tout récemment, lors de la oumra de 2022, beaucoup de pèlerins venant de l’Europe et de beaucoup pays africains ont payé, pour un séjour de 10 jours, 1.500 – 1.700 euros, l’équivalent d’un million 800 mille Fcfa, comprenant le transport aérien et le séjour, même dans des hôtels 5 étoiles. Malgré la crise sanitaire, les prix des hôtels n’ont pas augmenté. Donc le hadj 2022 devrait être fixé au maximum à 3 millions de Fcfa, transport aérien et logement dans les hôtels.

Malheureusement, le gouvernement sénégalais a élevé haut la barre en fixant le prix de la mission nationale à 4 millions 200 milles Fcfa, ce qui a ouvert une porte aux privés véreux qui ont demandé à leurs pèlerins de payer au moins 5 millions 800 milles Fcfa. Tout cela est causé par la mesure impopulaire qui a consisté à imposer aux pèlerins Sénégal Airlines qui, à la place d’un million 300 milles, a demandé un million 800 mille. Tout le monde sait que si le prix du billet d’avion est élevé, il y aura répercussion sur le package.
 
Le pèlerinage de 2022 sera tellement cher que certains Sénégalais ne pourront pas y aller. Les hôtels de la Mecque et de Médine n’ont pas augmenté leurs prix, donc les prix pratiqués au Sénégal devraient être revus à la baisse. Une politique de sensibilisation devrait être menée pour inciter dorénavant les pèlerins sénégalais à loger dans les hôtels de la banlieue, particulièrement à Azizia, Sara Sittine, Guishla, Sara Mansour, Jabel Kaba ou dans les hôtels de Misfala aux environs de la Kaba où on peut trouver des hôtels abordables de 2, 3 ou 4 étoiles tels que Palestine Hotel, Al Fajer Al Badia Hotel avec des prix très abordables.
 
D’ailleurs, c’est effectivement à Azizia que se déroule le pèlerinage, car c’est une zone proche de Diamra, de Mouzdalifa et de Arafat. Il est donc temps de démystifier les hôtels 5 étoiles qui sont aux abords immédiats de la mosquée du prophète (psl) et de la Kaaba tels que Hilton Hotel, Sheraton Hotel, Tower Clock Makka (la Grande Montre), Zam-Zam Hotel, Swiss Hotel etc. Cette politique de démystification des hôtels 5 étoiles fera baisser les prix des packages du Sénégal.
 
Nécessité d’appel d’offres du transport aérien
 
Enfin, l’Etat devrait lancer un appel d’offre pour choisir le plus offrant entre les compagnies aériennes établies au Sénégal et Air Sénégal. C’est l’intérêt général que les autorités sénégalaises devraient choisir, non l’intérêt particulier d’un groupe. Nous sommes dans un régime de libéralisme économique. Donc il ne doit pas y avoir de monopole ou de marché de gré à gré. Or, il se trouve que cette année, le convoyage des pèlerins se fera par Air Sénégal. Mais si c’était un appel d’offre, ce serait abordable et bénéfique pour les pèlerins.
 
 Cheikh Oumar TALL
 Directeur de publication du mensuel « Le Jour – Al Yawmou ».
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