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MAROC- FRANCE - Emmanuel Macron récolte chez Mohamed VI les fruits d’un basculement diplomatique inédit

Mercredi 30 Octobre 2024

En visite de trois jours au Maroc, le président Macron s’est fait l’avocat d’un nouveau partenariat stratégique entre les deux pays. Cette vision nouvelle, née de l’acceptation par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, permet aux grandes entreprises françaises de retrouver un second souffle dans leurs investissements en terre chérifienne.

Fructueuse ! La visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc les 28, 29 et 30 octobre 2024 l’a été en tout point de vue, autant pour Rabat que pour Paris. Peut-être même davantage pour la France. Entre les deux pays, au moins 40 accords et contrats d’une valeur d’environ 10 milliards d’euros, selon l’Élysée, ont été signés dans des domaines aussi stratégiques que l’hydraulique, l’énergie, les télécommunications, le secteur ferroviaire, les mines, etc. La composition de la délégation du président français, plus de 120 personnalités dont 9 ministres, une quarantaine de patrons de grandes entreprises (Orange, Thalès, LVMH, Alstom, TotalEnergies, Engie, Veolia, etc.) et des amis et courtisans du monde des affaires, des arts, de la culture, du sport, laissait présager que l’économie-business serait au centre d’une visite d’Etat de tous les fastes. Il en a été ainsi en fin de compte. 

 

Verrouillage

 

Mais pour arriver à cette embellie qui vient détrôner une situation conflictuelle sourde et pesante de part et d’autre des deux rives de la Méditerranée, il aura fallu un basculement d’ampleur. Celui du 30 juillet 2024 qui voit Emmanuel Macron épouser publiquement la posture intransigeante du Royaume chérifien sur le Sahara occidental. Dans la lettre au souverain Mohamed VI opportunément rendue publique le jour du 25e anniversaire de son accession au trône, il écrit que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Des mots qui légitiment de fait le plan d’autonomie que le Maroc tente de faire accepter depuis 2007 par la communauté internationale et par l’ONU comme « la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée ». Un verrouillage diplomatique et sécuritaire destiné à rendre Rabat maître de tout règlement du conflit de l’ex Sahara espagnol.

 

Le virage à 180 degrés de la diplomatie française balaie une position jusque là en équilibre précaire dont l’objectif était de ne déplaire ni à Rabat ni à Alger, soutien principal et fondamental du Front Polisario, mouvement irrédentiste en lutte pour l’indépendance du Sahara occidental. Vu du palais des hauteurs d’El Mouradia, la résidence officielle du président algérien, ce partis-pris manifeste de Paris pour « le voisin ennemi » est une décision « irréfléchie » équivalent à une déclaration de guerre…politique aux conséquences incalculables sur les relations entre les deux pays. Saïd Moussi, alors ambassadeur en France est prestement rappelé au bercail et ne risque pas d’y retourner de sitôt. 

 

Mais Emmanuel Macron n’en a cure. En prenant fait et cause pour une certaine dynamique entrevue ou espérée dans le plan d’autonomie marocain, il s’insurge en même temps contre ce que les diplomates français considèrent comme de l’immobilisme du coté de l’Algérie. Il a mesuré les risques et avantages du grand écart né de son coup de théâtre diplomatique de juillet dernier. Pour lui, le pragmatisme et le bon sens commandent de soutenir Rabat dans une guerre d’usure avec Alger dont personne ne voit l’échéance. 

 

Fuite en avant et business

 

Les tensions permanentes sur l’axe Paris-Alger, les passes d’armes sans fin sur des sujets mémoriels que les historiens des deux pays n’arrivent pas à solder depuis plusieurs décennies le confortent dans l’idée de donner une chance à cette fuite en avant calculée. Qui plus est, l’opinion française ne semble plus indifférente à la surenchère extrême-droitière qui influence les dossiers actuels et historiques qui brouillent les relations entre les deux pays. Elle semble même de plus en plus sensible aux thèses qui fleurissent à propos des dimensions « positives » d’une colonisation violente de 130 ans. Pour Emmanuel Macron, le Maroc de Mohamed VI, assis sur une démocratie parlementaire stable et étroitement surveillée par le Makhzen et un roi même physiquement affaibli, parait plus fiable que l’incontrôlable Algérie du ‘’vieux’’ Abdelmadjid Tebboune. Plus fiable mais aussi et surtout, peut-être, plus lucratif pour les grandes entreprises françaises. 

 

Selon plusieurs observateurs, les pressions du monde de l’économie et des finances sur le président français, en particulier celles du bloc des 40 grandes entreprises cotées en bourse (CAC40), ont fortement contribué à balayer les scrupules de l’Élysée à franchir le Rubicon qu’était le maintien d’un équilibre politique entre Rabat et Alger. Pour Paris, cette équidistance était une garantie potentielle de jouer un rôle dans la gestion géostratégique de la crise du Sahara occidental. Mais en attendant, les concurrents directs ou indirects d’entreprises françaises s’implantent de plus en plus au Maroc, même si la France reste un des premiers investisseurs dans le royaume devant les Emirats arabes unis, l’Espagne ou les Etats-Unis. Et la Chine s’installe peu à peu, en espérant profiter des accords de libre échange que le pays entretient avec l’Union européenne et les Etats-Unis. Pour Emmanuel Macron, la bonne santé des industriels français vaut désormais plus cher que les considérations géopolitiques sur lesquelles il manque d’emprise. Vive le business avec les sujets de Sa Majesté le Roi !

 

Précédent espagnol

 

Voisine encore plus immédiate du Maroc, l’Espagne semble avoir montré la voie du réalisme. En mars 2022, son premier ministre Pedro Sanchez est allé à Canossa en reconnaissant la souveraineté du Maroc sur la partie du Sahara occidental occupée par les armées marocaines et en acceptant la proposition d’autonomie faite par Rabat à l’ONU et aux indépendantistes sahraouis. La lettre d’Emmanuel Macron à Mohamed VI semble avoir été suggérée par le courrier confidentiel que le chef du gouvernement espagnol avait fait parvenir au souverain chérifien pour marquer son changement de cap.  

 

Devant le parlement marocain, Emmanuel Macron a invité Mohamed VI à écrire « ensemble (…) un nouveau livre pour répondre aux défis du 21e siècle » à travers un partenariat renouvelé qui offre « plus de résultats » aux deux pays. C’est l’axe Paris-Alger qui va être impacté par la confirmation de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental désormais assumée par la France. 

 

Mais pour l’Organisation des Nations unies (ONU) et selon le droit international, le Sahara occidental dont 80 % est au mains du Royaume du Maroc reste un territoire « non autonome », c’est-à-dire sous administration coloniale. 

 

 

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