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Les vaccins anti covid-19 à l’épreuve du halal et du casher

Jeudi 14 Janvier 2021

Pr Khadiyatoulah Fall
Pr Khadiyatoulah Fall
La disponibilité des vaccins  anticovid 19 est généralement  saluée par  la grande majorité de  l’opinion publique internationale. Des critiques se font néanmoins entendre de la part  de nombreux « vaccinosceptiques ». Ces derniers  mettent en cause l’efficacité des vaccins qu’ils estiment relative, même douteuse, et ils invoquent aussi  les risques d’effets secondaires encore méconnus, en raison du manque d’essais cliniques.
 
Des autorités religieuses également ont pris position. Celle  du Vatican a été claire. Les autorités catholiques ont appelé les fidèles à accepter les campagnes de vaccination. Elles  ont jugé les vaccins moralement éthiques et ont indiqué qu’ils étaient des  contributions majeures pour le bien commun, même s’ils devaient  contenir des ingrédients  tirés de cellules de fœtus avortés. 
 
Israël est reconnu comme un des pays au monde où la cadence de vaccination est la plus dynamique. Les autorités religieuses, là aussi, n’ont pas manqué de poser le débat théologico-éthico sanitaire sur la qualité casher des vaccins. En effet, la gélatine d’origine porcine est un ingrédient qui peut entrer dans l’élaboration de nombreux vaccins alors que, normalement, tout dérivé du porc est interdit de consommation dans la religion juive. Afin de lever toute équivoque, les grandes industries pharmaceutiques, telles Moderna, Astra Zeneca et Pfizer, ont affirmé que leurs vaccins ne contenaient pas d’ingrédients porcins. De plus, les autorités religieuses juives ont apporté des interprétations de la loi qui rendaient les vaccins licites, même s’ils contenaient des dérivés du porc, en autant  que le produit ne soit pas avalé  mais seulement injecté  dans le corps. Mais surtout, ces autorités avancent,  qu’au delà de toutes les  considérations, la primauté doit revenir  à la protection de la santé et de la vie.
 
Les autorités et institutions religieuses musulmanes se sont aussi saisies de la question de la vaccination Covid-19. Des différents débats en contexte musulman, il se dégage deux positions : une « dure» qui refuse toute injection du vaccin, s’il n’est pas prouvé que le remède ne contient pas de dérivés du porc et une autre plus « pragmatique», plus «contextualisée» qui met la préservation de la vie humaine et de la communauté au dessus de tout interdit alimentaire.
 
Et force est de constater que c’est la seconde position qui obtient  de plus en plus l’adhésion des théologiens de l’islam et des autorités des pays musulmans. Les savants d'Indonésie, pays qui compte le plus grand nombre  de musulmans  dans la oumma, ont estimé que le vaccin du groupe chinois Sinovac, est «halal». Le Conseil de la fatwa des Emirats Arabes Unis, dirigé par le très conservateur Abdallah ben Bayya, a émis une "fatwa'' qui autorise l’usage du vaccin, même si celui-ci pouvait contenir  des produits illicites. Le droit musulman permet au croyant de « suspendre » une pratique religieuse pour préserver sa vie.  La nécessité devient la loi et elle pousse les  institutions religieuses à une relecture des normes dominantes, à une ijtihad en contexte qui peut même déboucher sur un  contournement de  celles-ci lorsqu’elles deviennent  des  obstacles au bien-être humain et à la vie.  C’est ainsi le principe de la «darûrâ» qui prime et qui amène un assouplissement, un allégement de la norme islamique. Depuis l’apparition du coronavirus, nos recherches analysent les comportements des sociétés musulmanes face aux normes religieuses dans un contexte de pandémie, alors que les contraintes et les exceptions s’imposent. Ce que nous constatons dans plusieurs pays musulmans, chez plusieurs autorités religieuses et aussi chez plusieurs musulmans pratiquants ou non qui vivent en diaspora occidentale, c’est  une mise en relief d’une mémoire de l’islam marquée historiquement par les accommodements raisonnables et par une grande sensibilité à la  contextualisation.  Il se dégage aussi de nos constats une convergence des trois grandes religions monothéistes sur le souci supérieur de la préservation de la vie humaine.
 
Les vaccins ont été objets de polémiques en Afrique. On a vu la vedette sportive, Didier Drogba, monter au créneau pour dire que l’Afrique n’est pas un laboratoire pour les Occidentaux. Pour le professeur Muyembe, les Congolais ne seront jamais des cobayes. L’Imam Ahmed Kanté a attiré l’attention sur les opacités qui peuvent survenir suite aux rivalités géopolitiques et commerciales des pays producteurs de vaccins. Il a demandé  à l’OMS de respecter sa promesse d’un vaccin bien commun.  Ainsi l’attente forte du vaccin est là mais des inquiétudes existent.
 
Le Président Macky Sall, dans son message à la nation du 31 décembre 2020, avait affirmé que l’acquisition des vaccins se fera «dans le respect de l’éthique». Notre pays se prépare ainsi à la vaccination. Cette démarche doit tenir compte des obstacles  potentiels qui peuvent empêcher l’adhésion des populations ou ralentir le processus : obstacles dans le choix approprié des vaccins, dans les coûts financiers, dans la priorisation transparente et éthico-morale des cibles, dans l’infrastructure logistique, dans la mémoire sociale des campagnes de vaccination au Sénégal, mais aussi dans les croyances culturelles et religieuses. Mentionnons pour terminer que le Président Macky Sall a soutenu, lors de l’ouverture du Conseil présidentiel sur la relance économique en septembre 2020, qu’il était temps que le Sénégal développe une autonomie par la fabrication des médicaments chez nous. Cette industrie  gagnerait à tenir compte aussi, dans un pays majoritairement musulman,  des réflexions, recherches  et actions actuelles sur la pharmaceutique et la médecine halal. Cette extension du domaine du halal trouve aujourd’hui  un grand intérêt  auprès de l’industrie pharmaceutique internationale mais également dans quelques  pays de la oumma.
 
Monsieur Khadiyatoulah Fall, professeur titulaire, Chaire CERII et Centre d’Excellence CELAT, Université du Québec à Chicoutimi
Monsieur Saad Mansour Samir, assistant de recherche, CERII
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1.Posté par Me François JURAIN le 15/01/2021 09:57
Plusieurs réflexions à la lecture de cet exposé.
1°)à ma connaissance, il n'y a pas un seul pays au monde où le vaccin est obligatoire: donc, chacun fait comme il veut en fonction de ses propres croyances, religieuses ou autres. L'important, c'est que le clan des vaccinosceptiques, ne cherchent pas, par de fausses informations et des messages anxiogènes, à intimider le reste de la population. On peut simplement constater que, depuis PASTEUR, des milliards et des milliards d'individus ont éé sauvés grace aux vaccins de tous ordres contre les maladies les plus diverses ou variées; A contrario, on peut également soutenir que des millions et des millions de vies ont été perdues, par manque ou absence de vaccins, mais également par respect de croyances souvent fausses et mal fondées, je veux bien sur parler des croyances des vaccinosceptiques.
2°)Alors, vouloir créer un vaccin halla-compatible ou autre, oui, pourquoi pas? A condition que ceux qui ne sont pas musulmans puissent avoir, à leur disposition, un vaccin qui ne soit pas hallal! dans le cas du covid, cela me parait bien compliqué, car il n'a déjà pas été simple de trouver un vaccin contre ce virus venu de chine, (le troisième en moins d'une décénie), les chercheurs ont dû travailler dans l'urgence, ce qui ne s'est jamais vu dans toute l'histoire de l'hmanité, si en plus on leur demande d'être religieu-compatible, cela risque de compliquer -et retarder- bien des choses! je préfère la doctrine musulmane tolerante, en tout cas celle qui est en vigueur au sénégal, et qui admet que, en cas de necessité, il peut y avoir certaines exceptions.
3°) Monsieur Didier DROGBA est certainement un excellent footballeur, un garçon sympathique, mais cela ne l'autorise pas à dire, urbi et orbi, des imbécilités lesquelles, compte tenu de sa notoriété, seront inmanquablement reprises par les medias du monde entier, et il aurait dû, à mon sens, placer le débat sur un autre terrain.
Pour que les africains aient été considétés comme des cobaye, il eut fallut que ce (ou ces) vaccins soient d'abord utilisés en exclusiités dans les pays africains, testés sur les populations africaines, attendre unc ertain temps pour compter les morts et les vivants, puis ensuite, en fonction, distribuer le vaccin dans le monde entier.
Or, dans le cas d'espèce, c'est exactement l'inverse qui s'est produit! le vaccin, depuis le début de cette année, est distribué dans tous les pays occidentaux , et pour l'Afrique, malheureusement, on en voit pas encore la couleur. Je pense que Monsieur DROGBA aurait dû placer son combat, si combat il y a, sur ce terrain là, clamer haut et fort que l'Afrique est un continent comme les autres et qu'il n'y a pas de raison que ce continent soit oublié.
4°) je suis certain que le Président Macky SALL fait ce qu'il peut, pour obtenir un vaccin, le plus rapidement possible, et que malheureusement, l'Afrique va avancer désordonnée sur ce terrain là. Ceci dit, l'europe n'a pas à donner de leçons, et je pense que tout le monde s'est rué sur les vaccins, essayant de montrer un jeu collectif, mais par derrière, chacun jouant "perso"; Le seul problème, dans la démarche du Président Macky SALL, c'est que ne pouvant avoir accès aux vaccins de "tête de gondole", seule la chine, dans un intérêt commercial bien compris, livrera des vaccins au sénégal, sous entendu "en échange de"... et cela accroîtra encore un peu plus, l'hégémonie de la chine sur le pays, qui ne l'est déjà que trop. Ceci dit, même si j'élève souvent de fortes critiques contre le Président Macky SALL sur d'autres points, en particulier la mauvaise gouvernance, que peut il faire d'autre? Il a parfaite conscience que, si la maladie continue de se propager d'une façon exponentielle au pays, la catastrophe est à notre porte, qui se souciera d'une l'Afrique totalement infectée, alors même que le reste du monde sera sorti d'affaire? il a donc raison d'organiser une campagne de vaccination dans les meilleurs délais, pour cela, il convient de trouver le produit, voir les conditions de vente, et ensuite faire marcher les seringues! Mais cela ne peut se faire en 48 heures, il faut connaitre les exigences des chinois, les négocier, et cela est difficile lorsque l'on est pas en position de force . Ceci dit, si l'Afrique se jette dans les bras des chinois, il faut bien reconnaitre que c'est la résultante du désintérêt du reste du monde pour ce continent.
Enfin, relocaliser une industrie pharmaceutique en afrique, et en particulier au sénégal? oui, c'est une bonne idée, pourquoi pas? sauf que cela aurait pu se faire depuis soixante ans, mais que cela ne s'est pas fait, à cause d'un autre virus encore plus ravageur que la COVID, et contre lequel malheureusement, il n'y a pas de vaccin, et qui s'appelle la corruption.
Me François JURAIN

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