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L’Afrique sans les…Africains ! (*)

Lundi 23 Octobre 2017

L’Afrique aux africains, tel était l’un des grands leitmotivs des cercles militants du continent. Or le risque d’un espoir déçu se précise avec le dessaisissement de ses peuples, exclus du scénario de son émergence, déclamée urbi et urbi, dont ne semblent devoir bénéficier que les élites locales compradores et leurs relais externes…
 
Il suffit de regarder les développements à travers l’Afrique pour se rendre compte combien les gens ordinaires sont les perdants des tragédies perlées qui s’y passent. Cas des centaines de personnes tuées dans un énième attentat à Mogadiscio, le 14 octobre ; de celles ensevelies, il y a deux mois, dans les inondations en Sierra-Léone ; ou des morts au Togo, au Mali, au Niger, en Côte d'ivoire, en Egypte, au Kenya, en République centrafricaine, et ailleurs dus au terrorisme, aux pandémies émergentes, si ce n'est à des conflits internes, politiques ou ethniques.
 
Dans un silence angoissant, l'afro-optimisme autour du nouveau récit africain est contredit par la réalité quotidienne des peuples africains, laquelle est identique à celle qui avait conduit l’influent magazine libéral, The Economist, à qualifier l’Afrique, en Mai 2000, de continent ‘sans espoir’, avant d’inverser son diagnostic, onze ans plus tard, pour la désigner en région montante.
 
Désormais placée au cœur d'une techtonique des plaques, l’Afrique, vit, sans les maîtriser, les effets combinés des progrès technologiques, de l’internet et de l’asymétrie de forces interlopes ou visibles.
 
Certes, ses atouts sont incontestables : son milliard d’habitants, pour l'essentiel des jeunes, lui donnant un solide dividende démographique ; ses vastes ressources naturelles ; son regain d’intérêt géopolitique provoqué par son inclusion dans la lutte contre le terrorisme et celle pour contenir les fléaux transfrontaliers -flux de drogue, d’argent sale et de maladies transfrontalières. Continent où se trouvent 65 pour cent des terres encore arables au monde, baigné par son immense potentiel solaire, et s’étendant sur 30 millions de km2, il peut légitimement revendiquer le statut de nouvelle frontière du développement.
 
Il avait suffi, au début de ce siècle, qu’une Chine gourmande de ressources naturelles vienne y faire ses emplettes, déclenchant un super-cycle économique, pour que les plus pressés prédisent l’avènement d’un siècle africain. Surtout que des taux de croissance à faire rêver, dans un nombre croissant de ses 54 Etats, embellirent son ciel. Calculettes en mains, les multinationales savent aussi, déjà, qu’en 2050 y vivront 2, 5 milliards d’habitants-consommateurs…
 
Seulement voilà, parler en rose de l’Afrique sans évoquer l’exposition de l'immense majorité de ses peuples à la mal gouvernance, à la prédation des élites, au pouvoir et de leurs acolytes dans la société, c’est entretenir un dangereux mythe.
 
L’Afrique est maintenant aux mains de groupes d’intérêts étatiques et non-étatiques, y compris étrangers, champions dans la patrimonialisation des biens et ressources, dont le seul souci est de s’enrichir. Qu’ils compromettent les souverainetés ne semble guère les déranger !
Il n'est pas surprenant que corruption, collusion, concussion bloquent les perspectives de développement dans la plupart des pays africains. Dans l’un d’eux, on a attribué les blocs d’hydrocarbures nationaux à un gitan, va-nu-pieds, dès l’instant qu’il a eu le réflexe de s’allier au frère du président du coin, avant d’aller, dans ce qui ressemble à une division internationale de la criminalité, les revendre à une respectable multinationale pétro-gazière. Dans tel autre, en Guinée-Conakry, la plus prometteuse mine de fer avait été aliénée à un dealer qui avait vite fait de la coter en bourse, pour se remplir les poches. Qui ignore les tourments du président Sud-africain, Jacob Zuma, pris dans les filets de ses magouilles financières avec les sulfureux frères Gupta, dans une vaste entreprise de corruption ? 
 
Les cas d'école du pillage africain foisonnent comme l'illustrent partout palaces et bolides ne  profitant qu’à une minorité. C'est elle qui récolte les retombées des récents progrès économiques enregistrés çà et là, tandis que, délaissés, les peuples souffrent de l’absence d’infrastructures primaires critiques, notamment sanitaires ou scolaires, en plus d’être les premiers, voire les seuls, à subir les conséquences de la mal ou sous-gouvernance, et des contre-chocs de la mondialisation.
 
Terrorisme, catastrophes naturelles, tensions politiques, corruption, népotisme, ou maladies pandémiques non-contenues, les affectent prioritairement. Leur malheur laisse indifférente la communauté internationale plus émue par les attentats terroristes et ouragans d’ailleurs que de la descente aux enfers des peuples africains.
 
Tant pis, ses membres peuvent-ils penser, dès lors que les facteurs favorables aux tensions africaines, même  poussés de l'extérieur, sont, d'abord, d’origines locales. En plus d'un leadership politique défaillant, éthnicisme, religion et compétition pour le contrôle du pouvoir, sur fond de vénalité, ont, de fait, transformé beaucoup de pays africains en poudrière.
 
L’étincelle vient de ce qui devait être le sésame : une démocratisation politique dont on attendait qu’elle libère les énergies positives autour de la construction nationale. Elle n’a hélas  servi qu’à dévoiler le goût du lucre et de luxe, de l’argent, pour les élites, en particulier les ex-chantres du discours démocratique.
 
En quelques-années, de faux démocrates ont fait pis que les autocrates, rustres et rudes, d’antan. Bénis par la légitimité électorale, adeptes d'une conception démocraticide du pouvoir, «un homme, une voix, une fois», ils ont privatisé beaucoup de pays africains. 
 
Pendant que ces prébendiers et leurs excroissances s’en donnent à coeur-joie, le commun des gens constitue le vivier des dindons de la tropicalisation de la démocratie et de la gouvernance dévoyée.
 
Sans espoir ni argent ni emploi, les populations africaines grossissent ainsi les rangs de ceux qui empruntent les chemins de la migration internationale, se recyclent dans le terrorisme ou la criminalité, à moins d’être un bétail électoral.
 
Qui doit s'étonner qu’elles soient les premières à saisir la nouvelle réalité : criminalisée, inéquitable, presque privatisée, l'Afrique n’est plus aux…Africains !
 
*Adama GAYE, journaliste, consultant.
adamagaye@hotmail.com
 
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1.Posté par cheikh goudiaby le 23/10/2017 12:26
Excellente et solide analyse de la situation du continent africain á l'heure actuelle. Mais il serait bon, dans un deuxième temps, de formuler quelques propositions pour engager la reconquête de la souveraineté de l'Afrique. Bon courage.

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