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Khalifa Sall contre Serigne Bassirou Guèye : la guerre verbale devant le président du tribunal

Jeudi 8 Février 2018

«Je ne répondrai pas à cette question.» Droit dans ses bottes, Khalifa Ababacar Sall a maintenu, face au procureur de la République, la posture qu’il avait opposée la veille au président du tribunal correctionnel quand il s’est agi de savoir si l’ancien percepteur Mamadou Oumar Bocoum lui a remis à plusieurs reprises des sommes d’argent tirées de la caisse d’avance (ou fonds politique) de la ville de Dakar.
 
Cette polémique a été relancée hier par le parquet en début d’audience. «Je ne dérogerai pas à mon attitude, je ne répondrai pas», a insisté le maire de la capitale à Serigne Bassirou Guèye. Ce dernier le relance : «vous avez pourtant l’occasion de vous défendre.» Réplique sèche sur un ton ferme teinté d’une légère nervosité: «je ne répondrai pas à cette question, monsieur le procureur.» Ce dernier ne lâche pas le morceau: «Je constate donc que vous ne vous défendez pas, monsieur Sall.» En dernière instance, Khalifa Sall clôt les échanges par un net: «Tirez-en les conséquences.»
 
Mardi, c’est Mbaye Touré, directeur administratif et financier de la ville de Dakar, qui avait sonné le charge contre Mamadou Oumar Bocoum en révélant, pour la première fois, que l’ex Percepteur municipal avait remis à plusieurs reprises de l’argent à Khalifa Sall, ce qui ne doit pas être de son ressort en regard des textes organisant la gestion et le fonctionnement de la caisse d’avance. La qualification de celle-ci est au cœur des controverses qui animent et, quelques fois, électrisent la salle 4 du palais de justice Lat Dior depuis la reprise du procès, lundi dernier.
 
Wade à Khalifa Sall : «ne change rien…»
 
Caisse d’avance pour le parquet, la partie civile et deux des prévenus que sont Ibrahima Touré, le Receveur percepteur municipal (Rpm), et son prédécesseur, Mamadou Oumar Bocoum, d’une part ; mais fonds politiques, selon Khalifa Sall et ses collaborateurs de la mairie, d’autre part. Dans la défense des arguments devant le président Malick Lamotte, les positions sont inconciliables et ne le seront sans doute pas jusqu’au terme du procès.
 
Dans une démarche loin d’être innocente, le procureur a invité le maire de Dakar à ce qui serait une entente pour «harmoniser nos connaissances» sur le sujet, mais Khalifa Sall lui a opposé une fin de non recevoir en ces termes: «monsieur le procureur, si (au cours de la période d’instruction de l’affaire) vous aviez accepté la demande d’expertise concernant les fonds politiques, nous n’en serions pas là.»
 
Pour étaler sa bonne foi, Khalifa Sall a indiqué au tribunal être allé voir, sitôt élu maire de Dakar en 2009, le président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade. L’objectif de cette démarche consistait à recueillir l’avis du chef de l’Etat à propos de la caisse d’avance.
 
Ce dernier lui a dit: «si vous le changez, vous n’aurez pas d’autre solution (…) comme nous (ndlr : Etat central) nous avons des possibilités.» Après l’élection de Macky Sall en 2012, a ajouté Khalifa Sall, «j’ai connu dix-huit mois éprouvants. Le président m’avait menacé, j’en avais parlé à la radio. Terminer donc mon mandat en prison ne surprendra personne.»
 
Regrettant que les collectivités locales ne soient pas politiquement plus émancipées, et que l’autorité centrale veuille coûte que coûte disposer de son maire à Dakar, Khalifa Sall a réitéré ce qui est à ses yeux une réalité: «Toutes (avec un grand t) les autorités de ce pays savent et connaissent l’existence des fonds politiques à la ville de Dakar.»
 
En réplique, Serigne Bassirou Guèye lui a retourné la question en ces termes: «pour justifier des fonds politiques, a-t-on besoin de produire des pièces fausses?». Réponse: «allez-le demander aux autorités qui ont mis en place ce système.» Selon Khalifa Sall, c’est l’ancien ministre des Finances Abdoulaye Diop qui «a mis en place le dispositif de la caisse d’avance à la ville de Dakar.»   
 
Le rapport oublié de l’IGE Samba Diallo
 
La responsabilité de l’Etat dans la perpétuation de la caisse d’avance de la ville de Dakar est soulignée par les prévenus. Aussi, est-il systématiquement question du rapport de l’Inspection générale d’Etat conduite en 1997 par Samba Diallo dont les conclusions et recommandations semblent avoir été rangé aux oubliettes.
 
«C’est l’Etat, autorité politique, qui a décidé de laisser fonctionner la caisse d’avance. C’est un choix politique qui va à l’encontre de son propre Vérificateur général (ndlr: Samba Diallo)», a indiqué le maire de Dakar. «Si l’Etat veut que ce dispositif s’arrête, il s’arrête.» Pour illustrer cette affirmation, Khalifa Sall révèle que, après la mission de dix huit mois de l’Inspection générale d’Etat à la ville de Dakar entre 2011 et 2015, aboutissant au procès en cours, l’Etat a donné l’ordre à ses agents, notamment le Receveur percepteur municipal, d’arrêter les versements à la caisse d’avance…
 
Pour rappel, le Rpm est un agent nommé par du ministère de l’Economie et des Finances pour représenter l’Etat auprès de la ville de Dakar. C’est lui qui, chaque mois, mettait à la disposition du maire de Dakar le montant arrêté de la caisse d’avance et c’est lui qui en assure le contrôle. Mais pour Mbaye Touré, Daf de la ville, le Rpm n’a jamais assuré la moindre vérification sur la caisse d’avance, encore moins l’Inspection générale des finances (Igf). Une indication, selon lui, du caractère politique des fonds en procès.
 
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