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Justice pour Elimane Touré

Mardi 28 Février 2017

Par Cheikh Tidiane Dièye
Elimane Touré est ce jeune compatriote de 42 ans, transitaire de profession, père et soutien de famille, convoqué à la police dans des conditions visiblement illégales et retenu contre son gré. Il ignorait qu'il avait le droit de ne pas suivre ceux qui sont venus le chercher au nom de la loi ? Il fait partie des millions de Sénégalais qui ignorent tout de leurs droits et voient leur dignité bafouer tous les jours. Il est parti de chez lui alors qu'il ne souffrait d'aucune maladie.
 
D'après sa famille, il serait transféré de la police de Yeumbeul au commissariat du port dans un taxi qui serait, disent-ils, payé par celui qui a porté plainte contre lui. Quelques heures après, Elimane fut déclaré mort par pendaison. Il se serait suicidé dans la cellule où il était gardé à vue, en utilisant un bout de tissu qui, de toute évidence, n'avait rien à faire dans une cellule de garde à vue.
 
Ce décès est nébuleux. Les arguments avancés par la police sont douteux et je les mets en doute jusqu'à preuve du contraire. Elimane n'avait aucun problème avec la police ni la justice. Il aurait eu un problème avec un autre sénégalais dans une affaire privé. Ce dernier aurait alors utilisé, semble t-il, ses réseaux et relations directs, peut-être aussi ses moyens, pour lui donner une correction.
 
Combien de fois entend-on des Sénégalais qui se croient tout permis dire à d'autres " Dina La Tedj Lou" (je te ferai enfermé), comme si chacun pouvait avoir son "policier", son "procureur" ou son "juge" qu'il peut utiliser à chaque fois que de besoin pour régler des comptes privés. Du temps du colon, l'administration publique a été l'instrument de la domination, de toutes les humiliations, des vengeances et des brimades au service d'une minorité. Elle l'est encore à bien des égards.
 
J'ai eu froid dans le dos en écoutant sur RFM ce matin Monsieur El Hadji Alé Seck, oncle d'Elimane, donner le récit des faits ayant conduit à la mort de ce dernier. J'ai été bouleversé et heurté par la banalisation de la vie d'Elimane par ceux qui étaient censés la protéger. Comme Elimane, des dizaines de Sénégalais et Sénégalaises meurent aussi dans des conditions tout à fait inacceptables, faisant l'objet, dans de rares cas, d'autopsies rapides aux conclusions hâtives et approximatives, et d'enterrement à la va-vite comme s'il fallait se débarrasser à tout prix d'un corps encombrant.
 
Que valent donc nos vies? S'il est vrai que nous pouvons tous, à tous moment, et à des degrés divers, être victimes de tels abus, il est vrai que ce sont certaines catégories de nos compatriotes démunis, ayant de peu de moyens économiques et réseaux de relations dans les sphères de l'Etat, ignorant leurs droits car n'ayant pas fait de grandes études ou vivant dans les quartiers et villages « délaissés »qui en subissent ces traitements dégradants.

Elimane ne reviendra pas. On l'a perdu à tout jamais. Et cela me choque au plus haut point.
Nous devons nous mobiliser, crier tous en ensemble, en chœur, pour réclamer justice pour Elimane Touré. Plus jamais ça. Cela suffit.

L'enquête ouverte par le procureur de la République est salutaire et je le félicite pour s'être autosaisi. Il faut qu'il aille jusqu'au bout et situer toutes les responsabilités, y compris du coté des agents de la police qui auraient posé ces actes et ceux qui les ont autorisés, facilités et rendu possibles, ainsi que du coté de ceux qui auraient réalisé les actes médicaux ayant conclu à la mort par suicide, si le contraire venait à être prouvé.
 
Un suicide par pendaison dans une cellule de garde à vue avec un bout de tissu est une hypothèse invraisemblable. Ma raison ne l'accepte à pas a priori. Il faudra me le prouver de manière irréfutable.
 
Les autorités de la police gagneraient à se saisir du dossier de la manière la plus diligente pour tirer cette affaire au clair en facilitant l'enquête de toutes les façons possibles. La police est l'une des administrations les plus proches de la population. Elle doit nettoyer jusque dans ses interstices et extirper la gangrène qui la ronge et les brebis galeuses qui ternissent son image et sapent son autorité.
 
Notre police ne doit pas nous tuer. Elle est la pour nous protéger de ceux qui cherchent à nous nuire. Elle ne doit pas utiliser notre ignorance des lois contre nous. Elimane ne serait pas parti de chez lui s'il connaissait ses droits.
 
Nul n'est censé ignorer la loi, disent-ils à l'endroit du peuple. Mais qui a appris à ce peuple à lire et comprendre ces lois? C'est pourtant cela, la première des formes d'émergence
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