En réalité, j’évite de cogiter sur ce rapport de la Cour des Comptes qui me rappelle de mauvais souvenirs. Ce cynisme collectif organisé me fend le cœur. J’en ai l’estomac acide. Et je trouve que ces irresponsables ne méritent pas notre colère.
Je pense à tous ces collègues morts de COVID…
Des jeunes, très jeunes, sans époux ni enfants… Des pères et mères de famille… Des femmes enceintes, tombées sur le champ de bataille, emportées - avec leur enfant- par le coronavirus…
Je pense à ces personnels soignants, cas contacts, qui ont perdu des proches, parents, frères, sœurs, conjoints… à qui ils ont filé le virus chopé à l’hôpital. Parfois sans protection adéquate et par amour pour leur travail, par amour pour l’Humain dont ils se sont fait le sacerdoce de sauver la vie quel qu’en soit le prix.
Je me souviens encore d’une infirmière, célibataire, qui, dans les moments de doute lié aux flambées ou chaque fois qu’on nous annonçait le décès d’un collègue covidé, aimait bien détendre l’atmosphère en ces termes : « Man moom nama fi 2e vague bi bàyyi rekk ndax ma mana am jëkkër au moins gis sama doom… Ce serait injuste que je meure sans réaliser ce rêve… ». On en riait, mais c’était profond. Pour vous dire à quel point le sacrifice était énorme !
« Cette infirmière célibataire… »
Pendant que ces Jàmbaar hypothéquaient leur avenir en se tuant à la tâche avec très peu de moyens, d’autres se chargeaient exclusivement de se remplir les poches. De se réveiller le matin, au décours d’une nuit on ne peut plus paisible, et aller calmement encaisser 100 millions de nos francs. Des gens qui n’ont jamais vu un malade de COVID, qui s’en débarrassaient dès le moindre signe suspect; des peureux qui prétendaient être en télétravail pour éviter le moindre contact avec le coronavirus. Ils craignent la mort, un microorganisme, mais ils ne craignent point leur Seigneur. Aucune sensibilité pour ces êtres mortels qui soignent leurs familles malades.
Au début de la pandémie, quand le monde entier se protégeait du virus, dans un pays, nous peinions à nous trouver UN masque FFP2. Pendant des mois, nous avons travaillé avec les banals masques chirurgicaux. Nous nous exposions ainsi et exposions nos familles respectives que nous retrouvions après chaque garde. Les équipements ÉPI, n’en parlons même pas. Nous ne les voyions qu’à la télévision. Ailleurs, où la santé est une priorité, les soignants reconnus et respectés.
« Y a pas d’argent… »
« Xaalis amul », nous disait-on. Il a fallu un jour menacer de tout arrêter, pour qu’on nous donne enfin le matériel nécessaire, en nombre très, très limité. Et jamais nous n’étions totalement équipés. Foo jaar am lu manquer, te « liñ la jox dankay sàkkanal, bariwul », c’est aussi ce qu’on nous disait. Sinon chacun se protégeait à ses frais. Oui oui. Vous avez bien lu. Certains d’entre nous étaient devenus fidèles clients des pharmacies.
Pendant que d’aucuns, tranquillement confinés, se partageaient les centaines de milliards du contribuable et en faisaient même bénéficier aux entreprises étrangères et autres sociétés de jeux de hasard (mon œil), les TRAVAILLEURS de la… #santé, alertaient sur un non paiement de leurs indemnités de motivation : la modique somme de 50 000F CFA.
Li xaalis COVID di bari bari, li séddoo biy yaatu yaatu, ñi doon faj COVID teguñuko bët. Ceux-là qui passaient 16 heures voire 24 heures d’affilée dans un service, courant entre cas suspects et cas confirmés de cette maladie mortelle, et d’autres qui faisaient également des ravages au même moment… Ceux-là qui se déplaçaient, mangeaient et se soignaient à leurs frais, pour pouvoir prendre en charge les patients… Ceux-là qui se cotisaient pour un scanner ou un traitement… Ceux-là qui mourraient d’inquiétude à la recherche de place pour un « cas grave »… Ceux-là qui se voyaient insulter et menacer quand un test COVID post-mortem devait être fait…
Au contraire, da ñu leen ameel xaalis, ñu continuer di liggéey nimu waree, ba mujj fàtte bor bi.
« Soldats partis, les armes à la main »
Je parie que s’il n’y avait pas ce rapport, nous ne nous serions pas souvenu de ces pénibles et tristes épisodes de notre pratique médicale.
Alors, vous qui vous êtes partagés ces fonds, sachez que vous avez bouffé l’argent de vos compatriotes morts sur le terrain, pour leur patrie, pour leurs compatriotes, pour vous et vos proches. Ñi dee, seen xaalis mi ngi ci seen ndodd. Car vous leur disiez que xaalis amul, ñuy muñ, di liggéey, di jël ay risques, ba feebar bi ngeen doon daw ray leen. Ameel ngeen leen bor bu rëy. Te loolu du fii ngeen koy fayee, vous répondrez devant Dieu. Àq boobu, bu ngeen ko àttanee rekk dem leen…
Pensez pieuse à nos morts de COVID-19. Respects et hommages. Vous êtes des soldats partis les armes à la main. Vous avez dignement servi, jusqu’à la mort. Et votre vie aurait pu être sauvée, vous seriez peut-être encore parmi nous, si chaque maillon de la chaîne avait correctement fait son travail…
Reposez en paix.
MFS.