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France - La journaliste d'investigation Ariane Lavrilleux en garde à vue: les soutiens se multiplient, silence du gouvernement

Mercredi 20 Septembre 2023

"Journaliste arrêtée: démocratie en danger": plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées mercredi à Paris, Marseille et Lyon pour réclamer la "libération immédiate" d'Ariane Lavrilleux, placée en garde à vue après avoir notamment révélé fin 2021 un possible détournement par l'Egypte d'une opération de renseignement française.

 

"Ca fait 37 heures qu'elle est en garde à vue (...), c'est énorme", a déclaré à l'AFP Magali Serre, présidente de Disclose, média qui avait publié son article.

 

"Il y a une volonté de découvrir sa source et de nuire à (...) la liberté d'informer", a-t-elle poursuivi lors du rassemblement convoqué en fin d'après-midi place de la République à Paris par Reporters sans Frontières (RSF), les syndicats de la profession et Disclose.

 

"C'est surtout un message limpide à l'égard de tous les journalistes français, de (la part de) l'Etat, qui leur dit: si vous enquêtez sur des secrets d'Etat, vous risquez de terminer comme Ariane Lavrilleux, en garde à vue".

 

"Nous sommes face à une intimidation comme on n'a jamais vue ces dernières années", a dénoncé Emmanuel Poupard, au nom de l'intersyndicale journalistes.

 

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, présent aux côtés des députés Julien Bayou (EELV) et Raquel Garrido (LFI) a appelé à "constitutionnaliser le droit à la protection des sources". "C'est ce que nous défendrons dans les prochaines semaines".

 

À Marseille où la journaliste est en garde à vue depuis mardi, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées devant l'hôtel de police, a constaté une journaliste de l'AFP. "Ici journaliste au cachot", "Info derrière les barreaux", pouvait-on lire sur des pancartes.

 

"Ariane n'a fait que son métier de journaliste, pour ce travail-là, elle se retrouve en garde à vue, ce qui est absolument intolérable", a lancé Pierre Isnard-Dupuy (collectif Presse papier), tandis que le rédacteur en chef de La Marseillaise, Leo Purguette, a dénoncé une "atteinte très grave au droit d'être informé" pour les citoyens et réclamé "l'arrêt des poursuites à son égard".

 

A Lyon, une trentaine de personnes se sont réunies devant la préfecture pour marquer "leur solidarité", a confié à l'AFP Jean-Pierre Vacher, président du Club de la presse de Lyon.

 

- Secret défense -

Sa garde à vue a également suscité des protestations d'Amnesty International, qui a déploré "une attaque contre les journalistes (...) qui tentent d'exposer les actions opaques des services de renseignement français".

 

Disclose avait affirmé dans un article publié en novembre 2021 que la mission de renseignement française "Sirli", entamée en février 2016 au profit de l'Egypte au nom de la lutte antiterroriste, avait été détournée par l'Etat égyptien qui se servait des informations collectées pour effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de contrebandiers présumés, à la frontière égypto-libyenne.

 

A la suite de cette publication, le ministère français des Armées avait porté plainte pour "violation du secret de la Défense nationale".

 

Une enquête préliminaire avait été ouverte en novembre 2021 avant qu'une juge d'instruction ne soit désignée à l'été 2022.

 

Disclose a précisé mercredi, sur X, que selon ses informations, "les enquêteurs de la DGSI reprochent à journaliste d'avoir signé 5 articles sur les ventes d'armes françaises à l'étranger, publiés dans le média depuis 2019".

 

Outre celui portant sur l'opération "Sirli", Disclose cite des articles portant sur "la vente de 30 avions Rafale à l'Égypte", "les armes livrées à la Russie jusqu'en 2020", "la vente de 150.000 obus à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU)" et "le transfert d'armes illicite des EAU vers la Libye".

 

- "Escalade" -

 

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a refusé mercredi de répondre à une question sur cette affaire, lors du compte-rendu du Conseil des ministres.

Contacté par l'AFP, le ministère de la Culture n'a pas donné suite.

 

"Il y a une forme d'escalade dans les moyens mis en oeuvre (pour obtenir des informations sur les sources des journalistes), qui elle-même est inquiétante", a estimé Paul Coppin, de RSF.

 

A la fois média d'information et ONG, le site d'investigation Disclose a été fondé en 2018 par deux journalistes d'investigation. Son financement repose exclusivement sur les dons, garantissant son indépendance éditoriale, explique Disclose sur son site, où toutes ses enquêtes sont en libre accès. [AFP]

 
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