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Emigration irrégulière : les océans redeviennent des cimetières opérationnels pour des centaines de migrants sénégalais

Mardi 27 Octobre 2020

Face au silence du gouvernement sur le bilan des personnes tuées ou disparues en mer ces derniers jours, des sources diverses font état de plusieurs dizaines de morts chez les candidats à l’émigration clandestine vers l’Espagne ou l’Italie. Un drame sans fin qui frappe de plus en plus des pêcheurs désœuvrés.


Trente neuf personnes sauvées in extremis de la mort après que la pirogue qui les transportait s’est renversée en tentant d’échapper à son arraisonnement par la Marine nationale et la Guardia civil espagnole. C’était à 5 km au large de Dakar dans la nuit du 25 au 26 octobre, annonce un communiqué de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA).
 
Plusieurs dizaines de morts
 
Deux jours auparavant, l’explosion du moteur d’une pirogue pouvant accueillir 200 personnes pourrait avoir provoqué la mort de 140 candidats en partance pour l’Espagne, selon des sources sécuritaires rapportées par le quotidien Enquête. La tragédie est survenue à Mbour, à 80 km de Dakar sur la Petite côte balnéaire. La Dirpa n’a donné aucun bilan en ce qui concerne les morts ou disparus éventuels.
 
Le tableau noir de ce week-end migratoire a également touché Saint-Louis. Selon plusieurs journaux sénégalais de ce lundi, une vingtaine de jeunes gens ont péri en mer suite au chavirement de leur embarcation. Ils seraient tous ressortissants de la proche localité de Pikine.
 
« Ils voulaient rejoindre Barça (Barcelone), ils se retrouvent à « Barsax » (dans l’au-delà), écrit le quotidien Tribune. Secoué par la disparition d’un fils, un homme est décédé sur le coup, rapporte le quotidien L’Observateur.
 
En réaction à ces événements tragiques, le Président Macky Sall a écrit sur son compte Twitter le 25 octobre :
 
« C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris l’explosion, en haute mer, du moteur d’une pirogue qui transportait de jeunes compatriotes. Un drame qui a causé la perte de plus d'une dizaine de jeunes.
 
En cette douloureuse circonstance, je présente, au nom de la Nation et au mien propre, mes condoléances émues aux familles éplorées. Toutes les dispositions seront prises par le Gouvernement pour les aider à surmonter cette dure épreuve. Paix à leur âme. »
 
Ce mardi, le gouvernement sénégalais a publié un communiqué pour rendre compte de ses actions immédiates contre l’émigration clandestine et annoncer l’arrestation de plusieurs personnes liées à ce business.
 
Des pêcheurs de plus en plus candidats aux migrations
 
Si le Sénégal est sous le choc, le Président Macky Sall en a pris pour son grade sur les médias sociaux où beaucoup d’internautes mettent en cause son incapacité à enrayer un phénomène sur lequel il s’est beaucoup prononcé depuis son arrivée au pouvoir en 2012.
 
Pour Boubacar Sèye, président de « Horizon sans frontières » (HSF), une organisation de défense, d’orientation et d’intégration de migrants, ce drame est peu surprenant.
 
« L’arrivée des pêcheurs dans la filière migratoire est l’une des causes fondamentales de la recrudescence des tentatives de départ vers l’Europe. Avec les réformes qui frappent le secteur, les modifications dans les zones exclusives de pêche et la mauvaise gouvernance dans le secteur, les pêcheurs artisanaux n’en peuvent plus. Ils sont comme écrasés par la puissance d’une pêche industrielle qui ne semble plus avoir de limite », s’insurge le Président de HSF.
 
Mbour et Saint-Louis, mais aussi Cayar et Rufisque, sont parmi les plus grandes zones de pêche au Sénégal. Elles concentrent un nombre important de pêcheur. Elles concentrent un très grand nombre de pêcheurs artisanaux. La plupart des tentatives de départ pour les côtes espagnoles partent de ces endroits là.
 
« La pêche artisanale écrasée par la pêche industrielle »
 
« En plus de la paupérisation croissante des populations de pêcheurs, la réalité est que ceux qui veulent rester dans ce pays ne sont plus nombreux. En fait, pour dire simplement les choses, tout le monde souhaite partir. C’est un drame ! Vous y ajoutez les pesanteurs sociales, le chômage endémique, la mauvaise gouvernance accumulée avec tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays, on aboutit à cette situation », clame Boubacar Sèye.
 
Aujourd’hui, « il faut trouver d’autres modalités de sensibilisation auprès des jeunes qui envisagent de partir par tous les moyens. En particulier, il me semble que la création d’un ministère plein en charge des migrations internationales où, à tout le moins, d’un organe rattaché à la présidence de la République, devient incontournable », propose le président de HSF.
 
Les interventions des patrouilleurs de la Marine sénégalaise et les alertes lancées par le dispositif européen de lutte contre l’émigration clandestine ont permis de limiter l’hécatombe. Mais à en croire des rescapés revenus sur la terre ferme, les prochaines tentatives ne sont pas loin.
 
 
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