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Dette cachée du Sénégal : Le FMI dépose les armes…en attendant son conseil d'administration

Vendredi 29 Août 2025

Après une mission au Sénégal du 19 au 26 août 2025, le Fonds monétaire international (FMI) est dans une position délicate dans le le sulfureux dossier de la dette cachée du pays entre 2019 et mars 2024. D’abord « surpris » par les révélations des autorités sénégalaises du 26 septembre 2024 concernant « les chiffres réels » du déficit budgétaire et de la dette laissés derrière lui par l’ancien régime, ensuite prudent sur leur existence même, le FMI ne semble plus se faire d’illusion. Aujourd’hui, les subterfuges qui ont échappé, semble-t-il, à sa vigilance de gardien des dogmes budgétaires dans notre pays au cours des ultimes années de présidence de Macky Sall sont flagrants.  

 

Les 65,9 % d’endettement en pourcentage du PIB consignés par l’ancien pouvoir sont passés à 76,3 % selon l’audit effectué par l’Inspection générale des finances (IGF) du ministère des Finances et du Budget après le changement de régime d’avril 2024. Ensuite, cet endettement a été relevé à plus de 99 % sur la période 2029-mars 2024 dans le rapport de la Cour des comptes publié en février 2025. Puis, le Sénégal et le FMI s’entendent pour un nouvel audit confié à Mazars. Et les résultats livrés par ce cabinet indépendant sont encore plus catastrophiques : la dette centrale est à 111 % du PIB fin 2023 et à 118,8 % fin 2024, loin devant les conclusions des audits précédents. 

 

Le constat est tout aussi grave pour le déficit budgétaire supposé à 5,5 % du PIB alors qu’il a été établi à 10,4 % par l’IGF et à plus de 12 % par la Cour des comptes. Le FMI peut-il continuer à cultiver sa propre cécité face à des réalités statistiques aussi implacables ?

 

Comment le Sénégal si souvent célébré par les institutions de Bretton Woods pour sa discipline budgétaire en est-il arrivé à ce point critique qu’il a fallu suspendre le programme 2023-2026 pour un montant de 1,8 milliard de dollars (plus de 1000 milliards de francs CFA) dont un versement de 338 milliards de francs CFA finalement annulé en 2024 ? 

 

Dans des propos rapportés par l’agence Bloomberg en octobre 2024, le ministre des Finances et du Budget Cheikh Diba expliquait ainsi le choix du gouvernement de s’en remettre à une nouvelle séquence de sa relation avec le FMI. 

 

« Nous étions conscients des conséquences (de la révélation des écarts constatés sur la dette et le déficit), mais quand nous avons réalisé qu'il y avait ces écarts fondamentaux entre les chiffres communiqués au Fonds, qui formaient la base de notre relation, nous avons compris que nous devions les signaler. » 

 

Dans le communiqué publié le 27 août 2025 par son service de communication, le Fonds monétaire international ne semble pas en avoir fini avec cette dette cachée qu’il entend soumettre à son conseil d’administration sous le vocable de « déclarations erronées ». 

 

N’ayant pas les moyens de travailler sans l’aide directe des administrations et institutions auxquelles l’Etat le recommande en bonne et due forme, le FMI a sans doute raison de jouer la prudence. En particulier dans la caractérisation des situations auxquelles il se retrouve confronté. Mais cela ne saurait le disculper de ses étourderies. 

 

Gendarme de nos agrégats macroéconomiques roulé dans la farine, le FMI se retrouve à devoir tenter de sauver la face. Mais il le fait en essayant de reprendre l’initiative face à un gouvernement qui, ne souhaitant plus dépendre intégralement de sa coopération, tente de s’en sortir avec un Programme de redressement économique et social (PRES). Le tout est donc de savoir ce que seront les marges de manoeuvre de l’Etat sénégalais dans une coopération renouvelée avec une institution financière désormais échaudée par un laxisme qui ne lui coûte qu’un brin de crédibilité alors que le Sénégal est contraint de le payer cher. Des rebondissements en vue au prochain conseil d’administration du Fonds ?

 
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