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Demandes de liberté provisoire rejetées: «On dirait que le terrorisme est un fonds de commerce d’être humains… » (Me Ousmane Sèye)

Jeudi 15 Février 2018

Ibrahima Ly, Oumar Keïta et Assane Kamara ont vu leurs demandes de liberté provisoire rejetées par le tribunal après le refus du parquet. Pour Me Ousmane Sèye, la lutte contre le terrorisme est devenue un business d’êtres humains contre la présomption d’innocence.


Les premières escarmouches des procès en «terrorisme» intentés à une trentaine de personnes ont  connu leurs premières escarmouches hier au palais de justice Lat-Dior. Mes Ousmane Sèye, Assane Dioma Ndiaye et Borso Pouye ont plaidé pour la mise en liberté provisoire des prévenus Oumar Keïta, Ibrahima Ly et Assane Kamara avec plusieurs arguments déposés sur la table du tribunal.
 
Concernant Ibrahima Ly, son conseil Me Assane Dioma Ndiaye a soutenu qu’il y a eu «erreur» sur la personne. «Le juge d’instruction n’a pu articuler aucun fait à son encontre. En l’absence de charge, il ne saurait être renvoyé devant votre juridiction », a-t-il expliqué à l’attention du président Kane. « Réexaminez le dossier de renvoi, vous n’y verrez rien contre lui.»
 
En revanche, le procureur s’est dit surpris d’entendre une telle requête. «A la limite, monsieur le président, on vous demande d’apprécier d’ores et déjà les charges qui pèsent sur Oumar Keïta. L’ordonnance de renvoi est assez précise sur chaque accusé», s’est opposé le ministère public. Me Hillal, avocate de Keïta, s’en est émue: «ce n’est pas le cas avec notre client.»
 
Offensif, Me Assane Dioma Ndiaye réplique au procureur en s’adressant au tribunal: «vous ne pouvez pas juger cet homme car vous n’avez pas de charge contre lui. Est-ce que l’accusation de terrorisme permet des dérogations aux droits fondamentaux ? Il ne faut pas inventer des règles au gré des situations…»
 
Dénoncé par sa mère, détenu depuis 2 ans, entendu une seule fois…
C’est sur ces entrefaites que la trentaine de prévenus est renvoyée dans le box sous surveillance des éléments masqués de l’administration pénitentiaire et des gendarmes. Oumar Keïta, Ibrahima Ly et Assane Kamara sont priés de rester face au tribunal.
 
Pour ce dernier, Me Ousmane Sèye est monté au créneau pour sensibiliser les juges et demander la liberté provisoire pour le jeune homme. «Ce garçon est détenu depuis le 3 février 2016, soit deux ans de détention, et n’a été entendu qu’une seule fois par le juge d’instruction. Il n’y a rien dans son dossier à part la déposition de sa mère», souligne Me Sèye.
 
Pour rappel, Hassan Kamara, étudiant à Edmonton (Canada) a bénéficié d’un non lieu pour l’un des chefs d’accusation portés contre sa personne: «apologie du terrorisme». Pour l’autre chef d’accusation, «financement du terrorisme», l’avocat trouve paradoxal que son client ait été refoulé de Tunisie par manque de subsides.
 
«Il n’avait pas assez d’argent sur lui, mais on nous dit qu’il finance le terrorisme», se plaint-il avec ironie. A l’adresse du procureur, il ajoute: «vous avez inventé le truc du financement pour le maintenir en prison (mais n’oubliez pas que) nous sommes en procédure pénale où la présomption d’innocence est très forte.»
 
«Assimilé à un terroriste parce qu’il dirige la prière… »
Puis, sans désarmer, Me Sèye lâche une autre salve contre le parquet: «On dirait que le terrorisme est un fonds de commerce (pour vous), mais ici c’est des êtres humains. (…) Ce garçon, regardons-le comme notre fils. Je le défends car je le connais, il était souvent avec mes fils au Canada», révèle-t-il à l’audience. «Ce garçon, on l’a assimilé à un terroriste car il prie, il dirige des prières à Liberté 6 et à Edmonton, parce qu’il lit le Coran, qu’il prononce le nom d’Allah…»
 
Sorti de sa chambre d’hôpital, Me Ciré Clédor Ly s’est fait un devoir, a-t-il dit, d’exposer au tribunal «les moyens qui innocentent un jeune, une victime.» Assane Kamara «est un étudiant contre lequel vous ne voyez pas un seul élément de dangerosité, c’est la personne anonyme parfaite. Inspire-t-il la peur ? J’ai mal car c’est mon fils, car sa mère (qui l’a dénoncé) n’a rien compris. Monsieur le président, permettez à ce garçon de rentrer chez lui et de comparaître libre…» Le procureur s’y est opposé.
 
Au final, Ibrahima Ly, Assane Kamara et Oumar Keïta ont vu leurs demandes de liberté provisoire rejetées par le tribunal pour absence de garanties de représentation.
 
 
 
 
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