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Chronique sociale : Les pratiques inciviques dans l’espace universitaire Cheikh Anta Diop de Dakar

Jeudi 18 Octobre 2018

Par Madi Waké Touré (ENTSS Dakar)
 
Comme promis dans ma précédente chronique, j’ai décidé de publier quelques extraits de mon mémoire de fin d’études à l’ENTSS sanctionnant le diplôme supérieur de Conseiller en Travail Social  paru en 2007 et portant sur le thème : « L’analyse des facteurs explicatifs des comportements inciviques dans l’espace universitaire Cheikh Anta DIOP de Dakar . »
 
Cette décision est motivée par le fait que le sujet garde encore toute sa pertinence et son actualité. C’est le Sénégal dans son ensemble qui est malade de son incivisme et cela à tous les niveaux. Ce jugement, personne n’ose le contester de peur de se couvrir de ridicule ! C’est dire donc que l’Université peut difficilement échapper au mal pernicieux qui gangrène la société sénégalaise dans son ensemble.
 
Au fait, c’est notre  rapport aux valeurs de civisme qui posent problème. Ecoutons à ce propos une voix beaucoup plus autorisée que la mienne, celle du Pr. Iba Der Thiam (IDT),  camper le décor: « Si j’ai tenu à ce que soit organisé le séminaire qui s’ouvre aujourd’hui, c’est parce que je suis intimement persuadé que la menace la plus grave qui pèse sur l’avenir de l’école sénégalaise et, à travers elle, sur l’avenir du Sénégal en son entier, est constituée par l’absence d’éducation morale et de sens civique de notre jeunesse. » in « Spécial le PEDAGOGUE » N°31-Avril 1985 .
 
Ces mots qui révèlent nos maux gardent toutes leurs vérités aujourd’hui encore. Des vérités taillées sur du roc et qui doivent faire peur surtout que les choses n’ont fait qu’empirer depuis lors et cela rapporté à l’aune de ce que nous entendons et voyons tous les jours. Des meurtres ! Des accidents de la circulation pour cause d’indiscipline au volant ! Des rapts d’enfants ! Des sacrifices humains ! Des violences conjugales avec morts d’hommes ! Des violences exercées sur les parents ! Alors là : qui n’a pas peur pour sa vie ? Qui n’a pas peur pour ses enfants ? Qui n’a pas peur pour ses biens matériels ? Qui n’a pas peur pour l’avenir de ce pays au regard de la mal gouvernance avec son lot de scandales financiers qui mettent rudement à mal nos finances publiques ?
 
Toutes ces considérations m’amènent à dire qu’il n’y a pas de vie en société si celle-ci n’est pas régie par certaines règles fondamentales parmi lesquelles le civisme. Et le Président Abdou DIOUF qui a présidé le séminaire dont IDT faisait allusion tantôt ne s’y est pas trompé en mettant le doigt sur certains dysfonctionnements qui perturbent gravement le système social et administratif. Suivons-le dans son analyse : « Les symptômes sont nombreux, et ils sont déjà souvent décrits, qui témoignent d’une altération du sens civique et d’une perte des valeurs morales dans notre société sénégalaise : quel chef de service n’a pas eu à se plaindre du manque de conscience professionnelle de tel ou tel de ses agents, quel père de famille n’a eu à déplorer les influences pernicieuses qui s’exercent sur ses enfants ?
 
Ce diagnostic posé par les personnalités sus mentionnées, indique qu’il y a urgence de s’interroger et en permanence sur certaines thématiques fondamentales qui conditionnent et déterminent l’avenir de notre  nation. Au fait, le moteur de l’histoire se trouve, à mon humble avis, dans le développement des idées. Des idées utiles et salvatrices, je veux nommer ! Et dans cette optique, la question de l’école mérite d’être agitée pour le  rôle capital  qu’elle a à jouer en tant que lieu de production de sens mais aussi comme lieu central de la libération de l’esprit ; bref c’est le lieu de la promotion de l’universel.
 
Et comme tel, l’école, que dis-je, l’Université ne peut et ne doit susciter que du respect. Sous ce rapport, je suis totalement en phase avec mon professeur et ami, Pape Baïdaly SOW qui a bien voulu me faire l’amabilité de commenter mon papier sur l’université. Mais au-delà de sa « pique » amicale, je dois dire - et peut-être que là nos appréciations vont converger- que les institutions, toutes les institutions, ne sont estimables et respectables qu’à la seule et unique condition qu’elles assument avec bonheur et efficience les fonctions et responsabilités pour lesquelles elles ont été créées. Si elles doivent constituer un goulot d’étranglement pour la société : à quoi bon les maintenir en vie ?
 
Et pour en revenir à certaines critiques jugées irrévérencieuses, elles traduisent de notre  part le grand intérêt qu’on porte à la question. Ce faisant, on voudrait par la critique-provocation faire bouger un peu les lignes étant entendu que certaines situations sont si graves, si désespérantes, si préoccupantes par rapport à notre avenir présent et immédiat que parfois les mots qui sortent « crient «  la révolte. Et à ce que je sache : bien secouer le cocotier n’est pas vouloir le déraciner !
 
Ces précisions et clarifications apportées, venons-en maintenant à l’engagement pris à l’entame de ce papier : publier quelques extraits de mon mémoire. Nous commençons d’abord par clarifier certains concepts  clés.
 
L’incivisme : c’est le contraire du civisme ; autrement dit, c’est un comportement qui s’écarte des normes de bienséance généralement admises. Quant au civisme, il vient du latin civis qui veut dire le citoyen. Et selon le dictionnaire Larousse : « C’est l’ensemble des vertus, sentiments qui font le bon citoyen. ». N’en restons pas là avec ces définitions un peu sommaires. Allons plus loin avec le Professeur, P. Ngoma-Binda. Dans son livre : « Démocratie, Femme et Société Civile en Afrique », il apporte cet éclairage fort intéressant : « C’est ainsi que le citoyen doit se convaincre qu’une bonne pratique du civisme présuppose qu’il se reconnaisse, dans la société comme un agent social et politique, auprès de qui la société actuellement, l’Histoire et les générations futures ont le droit d’exiger des comptes relativement à la destinée de leur nation.
 
L’histoire attend de nous, citoyens d’Afrique et de façon particulière de tout intellectuel qu’il participe positivement, d’une manière ou d’une autre mais activement, à la marche politique, économique et culturelle de nos nations. C’est dire que la connaissance claire que le citoyen doit avoir de la nécessité du civisme dans le développement de son pays. »

A SUIVRE…
tmadiwaketoure@gmail.com
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