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Biden élu, Erdogan perd son «ami» Trump

Mardi 10 Novembre 2020

 
Sous Joe Biden, le président turc Recep Tayyip Erdogan ne pourra probablement plus pouvoir peser sur les décisions du locataire de la Maison-Blanche avec un simple coup de fil comme il avait l’habitude de le faire avec son «ami» Donald Trump.
 
Des analystes estiment toutefois que le président élu, une fois intronisé, ne devrait pas chercher à marginaliser la Turquie d’Erdogan, qui joue un rôle croissant dans la région, mais à nouer avec cet allié stratégique de l’Otan des rapports répondant à des nouvelles règles, plus strictes.
 
M. Trump est connu pour sa fascination pour des dirigeants à poigne dans le monde, dont M. Erdogan qu’il présentait comme un ami, mais cela n’a pas épargné aux deux pays de nombreuses crises ces dernières années, marquées par une détérioration de leurs relations après un coup d’Etat manqué en Turquie en 2016.
 
La Turquie a appelé, sans succès, les Etats-Unis à extrader un prédicateur turc, Fethullah Gülen, qui réside en Pennsylvanie et qu’elle accuse d’être le cerveau de ce putsch avorté.
 
Les deux pays sont aussi en désaccord à propos d’une milice kurde qualifiée de «terroriste» par Ankara mais soutenue par Washington dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie.
 
«Tension et appréhension»
 
Mais le lien personnel entre M. Trump et M. Erdogan a contribué à limiter les dégâts.
 
Avec le départ de M. Trump, le président turc «a des raisons d’être inquiet», estime Gönül Tol, experte à Middle East Institute, dans une note d’analyse.
 
«Je ne pense pas que l’administration Biden sera aussi indulgente avec la Turquie à propos de la Syrie et d’autres sujets», abonde Sam Heller, un expert indépendant sur la Syrie.
 
Après s’être abstenu de commenter la victoire de M. Biden depuis qu’elle a été annoncée samedi par les médias américains, M. Erdogan lui a adressé mardi un message de félicitations et dit espérer un renforcement des relations entre Ankara et Washington sous son mandat.
 
«Sous l’administration Biden, les relations entre Washington et Ankara démarreront sans doute avec tension et appréhension», pronostique toutefois Asli Aydintasbas, du centre de recherche Conseil européen des relations internationales (ECFR).
 
Les autorités turques ont déjà donné le ton en réagissant fermement à une vidéo diffusée en août d’une interview de M. Biden dans laquelle il qualifie le chef d’Etat turc «d’autocrate» et souligne la nécessité de «d’enhardir» ses rivaux «pour qu’ils puissent affronter et vaincre Erdogan».
 
Ankara avait dénoncé «l’ignorance pure, l’arrogance et l’hypocrisie» de M. Biden.
 
«Contenir la Turquie»
 
Même sous l’administration Trump, les relations entre les deux pays avaient pâti des ambitions d’Ankara dans l’exploration d’hydrocarbures en Méditerranée orientale dans les eaux revendiquées par la Grèce et Chypre.
 
En septembre, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait ainsi visité la Grèce en signe de soutien à Athènes.
 
«Ankara craint de voir Joe Biden développer des liens encore plus proches avec la Grèce et d’avoir une ligne plus dure contre la Turquie», décrypte Mme Tol.
 
Et lorsqu’un pasteur américain était détenu pour espionnage en Turquie, M. Trump avait menacé de détruire l’économie turque s’il n’était pas libéré, provoquant une crise monétaire en 2018.
 
Contrairement à son futur prédécesseur, M. Biden pourrait en outre user à l’égard d’Ankara «d’un discours mettant en avant la démocratie et les droits de l’homme dans les relations bilatérales», affirme Mme Aydintasbas.
 
Menace de sanctions
 
Ayant une approche moins isolationniste que M. Trump, M. Biden pourrait aussi essayer de museler l’activisme turc à l’étranger, comme en Libye ou dans le conflit au Karabakh dans lequel Ankara a pris fait et cause pour l’Azerbaïdjan face à l’Arménie.
 
«Ankara craint de voir Biden essayer de contenir une Turquie en expansion», résume Mme Aydintasbas.
 
La Turquie se trouve par ailleurs sous la menace de sanctions américaines lourdes pour avoir acheté le système de missiles russes S-400 et l’approche qu’adoptera M. Biden sur ce dossier sera déterminante.
 
«Une administration Biden aura probablement les mêmes inquiétudes que celles de Trump, à savoir qu’imposer des sanctions contre la Turquie risque d’aliéner un allié qui demeure important au sein de l’Otan», souligne toutefois Mme Aydintasbas. (AFP/NXP)
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