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Avant la bataille, Daech s'enterre et truffe Mossoul d'explosifs

Mercredi 12 Octobre 2016

ERBIL/BAGDAD (Reuters) - Pendant que l'armée irakienne et ses alliés se préparent pour la grande offensive en vue de reprendre Mossoul à l'Etat islamique, les djihadistes s'apprêtent à se défendre, truffant la ville de bombes, enrôlant femmes et enfants pour les informer, indiquent des responsables irakiens et américains.
 
La grande ville du Nord tombée en juin 2014 est la plus grosse agglomération prise par l'Etat islamique. Sa reconquête affaiblirait considérablement le mouvement, ce qui explique l'activité intense qui semble régner dans le chef-lieu de la province de Ninive.

Selon des habitants de Mossoul contactés par téléphone et sur les réseaux sociaux, les djihadistes ont truffé d'explosifs les cinq ponts de la ville, préparé des voitures piégées, rassemblé leurs kamikazes et renforcé la surveillance de la ville, qui compterait encore 1,5 million d'habitants. Des trous sont percés dans la chaussée au marteau-piqueur pour y placer des explosifs.
 
La bataille devrait être lancée ce mois-ci par l'armée irakienne et les milices chiites et sunnites qui lui prêtent mains fortes, avec l'appui aérien de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis et à laquelle participe la France.

Selon l'ancien ministre des Finances et des Affaires étrangères Hoshiyar Zebari et le colonel John Dorrian, porte-parole de la coalition internationale, Daech est littéralement en train de s'enterrer avec hommes et matériel.

"Ils s'enterrent pour combattre pour Mossoul", déclare Hoshiyar Zebari, qui a accès aux renseignements concernant les mouvements de l'EI à Mossoul. "Ils sont plus prudents et ont rasé leur barbe pour se fondre dans la population. Ils déplacent constamment leur quartier général."

"On voit un combattant dans un endroit, puis apparaître dans un autre", confirme le porte-parole de la coalition.
 
ÂGÉS DE HUIT ANS À PEINE
Les combattants de l'EI ont également érigé des murs de terre et de béton pour bloquer les points d'entrée dans la ville et ont construit une tranchée de deux mètres sur deux qui doit être remplie de pétrole enflammé, ce qui, en dégageant de la fumée noire, obscurcira le ciel et rendra les frappes aériennes plus difficiles, explique encore John Dorrian.

Cette politique de la terre brûlée risque de faire un très grand nombre de victimes civiles, estiment les organisations humanitaires. Environ 200.000 personnes devraient fuir au cours des deux premières semaines de combats, estime Lise Grande, coordinatrice de la mission d'assistance de l'Onu pour l'Irak.
 
Pendant ce temps, l'Etat islamique, qui a déjà perdu les villes irakiennes de Falloudja et de Ramadi, renforce son emprise sur la population de Mossoul. Le groupe fondamentaliste sunnite a menacé d'exécuter quiconque évoque la "libération" de Mossoul, selon des habitants et des représentants des milices sunnites qui se sont entretenus avec des proches sur place.

Selon un habitant, des enfants, âgés pour certains de huit ans à peine, parfois armés de pistolets et de couteaux, ont été déployés dans toute la ville pour surveiller la population et faire leur rapport à l'EI. Ces enfants recrutent ensuite d'autres enfants pour faire le même travail.
 
"ILS SONT AUX ABOIS"
"Cela brise le cœur de voir les enfants de Mossoul devenir des terroristes en herbe. J'ai enseigné à mon fils de sept ans tout ce qu'il faut savoir sur l'autisme pour qu'il fasse semblant d'être malade mentalement et évite d'être recruté par Daech", dit cet habitant via WhatsApp.

"Ils sont aux abois et ils pourraient même forcer les enfants à combattre une fois que les troupes gouvernementales seront aux portes de Mossoul", ajoute-t-il.

Toute personne qui voudrait s'échapper risque d'être repérée par les djihadistes postés sur les toits des immeubles en bordure de la ville et équipés de jumelles de vision nocturne.
 
Un début de résistance semble s'organiser, affirme Hoshiyar Zebari, qui est également membre du Parti démocratique du Kurdistan. Certains habitants, au péril de leur vie, ont tracé à la bombe de peinture des signes spécifiques sur les maisons des combattants de l'EI.

De leur côté, les djihadistes ont commencé à enrôler leurs épouses pour des descentes surprise dans les maisons de façon à ce que les habitantes de Mossoul puissent être fouillées.

"Ils sont aux abois. Ils ont l'air d'avoir peur. C'est la première fois qu'il utilisent leurs femmes pour fouiller des maisons", dit un habitant de Mossoul sur les réseaux sociaux.
 
ÉVITER UN CONFLIT COMMUNAUTAIRE
Tous les habitants racontent que Daech utilise des grues pour faire descendre les combattants chargés de plastiquer les ponts de la ville. "Les ponts sont piégés la nuit pour éviter les frappes aériennes", précise un habitant.

Certains dirigeants et combattants de l'EI sont en train de quitter Mossoul pour se diriger vers Tal Afar, située à 70 km à l'ouest et également sous contrôle de l'EI. Certains vont même plus loin vers la Syrie, expliquent les autorités américaines.

Une question demeure: celle de la composition des forces qui s'apprêtent à attaquer Mossoul, indique-t-on côté irakien. Le but prioritaire est de maintenir les milices chiites soutenues par l'Iran hors de Mossoul pour éviter un conflit communautaire avec les sunnites, majoritaires dans la ville.
 
En revanche, les milices chiites seront autorisées à diriger les opérations visant à rependre Haouidja, localité voisine contrôlée elle aussi par l'EI, indiquent les autorités.

La reprise de Mossoul signera-t-elle la fin des djihadistes de l'EI? Les Irakiens restent prudents. "Ils pourraient entrer dans la clandestinité et perpétrer des actes terroristes", estime Zebari. "Mais pas en tant que mouvement organisé."
 
 
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