C’est l’ambassadeur d’Angola au Sénégal Adao Pinto qui a lancé la première salve en revendiquant que l’Afrique puisse « repenser la nature » de ses partenariats avec l’Europe à travers « des relations économiques non plus verticales mais horizontales et équilibrées. »
Le diplomate angolais était l’un des invités du panel des « Vendredis de Sup de Co » du 5 décembre 2025 exceptionnellement consacré aux 25 ans de coopération entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE). Cette rencontre s’est tenue quelques jours seulement après le sommet UA-UE de Luanda.
L’ambassadeur Adao Pinto dont le pays assure la présidence en exercice de l’Union africaine depuis février 2025 a surtout invoqué, pour les pays du continent, la nécessité de favoriser les chaines de valeurs économiques qui promeuvent les produits des terroirs africains. Cette orientation serait une des solutions qui ferait que l’Afrique devienne « actrice de son propre destin », a-t-il indiqué en citant Cheikh Niang, le ministre sénégalais de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères. C’est aux dirigeants africains de « s’en approprier » pour en faire une réalité.
« Actrice de son propre destin »
« Nous voulons aller plus loin », a semblé lui rétorquer Jean-Marc Pisani, Haut représentant de l’Union européenne au Sénégal. Autant pour les chaines de valeurs que pour la paix, la sécurité, le changement climatique, le commerce, etc., l’UE veut impulser ses relations avec l’Afrique en poussant les pays du continent à tirer davantage profit d’un partenariat vu comme « une ambition partagée ».
« Aujourd’hui, a poursuivi Pisani, aucun continent ne peut agir seul. L’Europe est le premier partenaire commercial de l’Afrique qui bénéficie de préférences tarifaires » dans le cadre des échanges commerciaux. Et grâce au projet « Global Gateway », les retombées de ce « partenariat à plusieurs étages » peuvent concerner les gouvernements, le secteur prive, la société civile, la jeunesse , en particulier en termes d’accès a l’emploi, de mobilité estudiantine ou professionnelle.
« A Luanda, la voix des jeunes et celle des organisations de la société civile ont compté dans la déclaration commune adressée aux chefs d’Etat », a rappelé l’ambassadeur Pisani.
Le Global Gateway, réplique européenne à la Route de la soie chinoise, a été lancé en fin 2021 sur initiative de la Commission européenne. Son ambition affichée est de soutenir les pays partenaires de l’UE dont ceux d’Afrique. Les secteurs visés sont numérique, l’énergie, l’environnement, la santé, l’éducation, les transports, etc. Sur les 300 milliards d’euros prévus comme fonds mobilisables entre 2021 et 2027, la moitié serait destinée aux pays africains.
« Nous voulons aller plus loin »
« Quand l’Afrique et l’Europe agissent ensemble, elles peuvent faire bouger les lignes », a insisté Jean-Marc Pisani. Aujourd’hui, environ 600 millions d’Africains vivent sans électricité alors que le continent devient 60 % du potentiel solaire mondial, a rappelé l’ambassadeur de l’Union européenne au Sénégal.
Sous cet angle, a-t-il dit, « l’Afrique a raison d’exiger des investissements utiles dans le respect total de ses choix. Et l’Europe partage ses objectifs. »
Au regard de la complexité des relations internationales marquées par des concurrences fortes encore exacerbées par la vision trumpienne au pouvoir aux Etats-Unis, Amadou Diop, ancien ambassadeur du Sénégal auprès de l’UE à Bruxelles, a exhorté dirigeants européens et africains à « s’inscrire dans une approche positive pour négocier un partenariat plus équilibré et non plus soumis » au diktat des donateurs. « Au contraire, l’évolution du monde dicte à tous une adaptation constante aux mutations en cours. »
Adaptation permanente aux mutations
Auparavant, l’ambassadeur Diop a dressé un historique exhaustif de la coopération entre l’Europe et l’Afrique depuis le premier Sommet UA-UE du 3 avril 2000 au Caire, en Egypte qui a laissé en héritage trois piliers : le financement du développement, le dialogue politique et la coopération au développement. « C’est un cadre particulier où l’Afrique, partenaire le plus proche de l’Europe, a bénéficié des priorités de ce partenariat stratégique », a reconnu le diplomate. Aujourd’hui, face aux limites contraintes que posent de nouveaux enjeux, il faut additionner les forces, a-t-il recommandé.
A ce propos, Abdoulaye Keïta, directeur Europe, Amérique et Océanie au ministère sénégalais de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, a souligné que l’ambition de Dakar est d’arriver à conclure avec Bruxelles une « déclaration politique pour la rénovation du dialogue entre le Sénégal et l’Union européenne. » « Nous y travaillons avec l’ambassadeur Pisani », a-t-il affirmé, rappelant que cette déclaration repose sur la « Vision 2050 » portée par les autorités sénégalaises.
Pour le PDG de Sup de Co, Abdoul Aziz Sy, et les étudiants présents en masse dans la grande salle de la Chambre de commerce de Dakar, c’était « l’opportunité de dresser le bilan du partenariat UE-UA pour la jeunesse sénégalaise et africaine, partie intégrante de la jeunesse mondiale. »






FRANCE


