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A Fass Boye affligé par la mort, on épingle les causes du drame migratoire qui frappe le village

Vendredi 18 Août 2023

En attendant le retour au bercail de ses 37 fils rescapés du drame survenu au large du Cap-Vert qui a fait 63 morts, le village de Fass Boye porte le deuil mais rappelle à tous les conditions de vie d’une jeunesse qui souffre de tout.



Jadis important port de pêche et zone de maraîchage par excellence, le village de pêcheurs de Fass Boye, dans la région de Thiès, qui languissait pourtant dans un anonymat presque total, est passé depuis quelque temps, au-devant de l’actualité, suite à l’annonce de la disparition d’une pirogue partie de ses berges le 10 juillet dernier, avec une centaine de personnes à son bord en partance pour l’Europe.

38 survivants sur 101 personnes
 
Après la longue attente, la triste délivrance. Mercredi, les habitants de la localité se sont réveillés avec la nouvelle macabre : la pirogue a été retrouvée au Cap-Vert, avec seulement 38 survivants sur les 101 personnes qui étaient montées à son bord. Les rescapés sont en ce moment hospitalisés dans ce pays insulaire de l’Atlantique.  L’Eldorado qu’ils étaient partis rechercher s’est transformé en cauchemar.
 
À la grande mosquée de Fass Boye où le chef du village Madiop Boye vient juste d’accomplir le « Tisbar », la deuxième  prière quotidienne musulmane, il a toujours l’oreille scotchée au téléphone. Il est en contact avec ses compatriotes basés au Cap-Vert, pour s’informer de l’évolution de la situation des rescapés.
 
Jeunesse en colère

Aussi essaye-t-il de faire baisser la tension née de la découverte de la pirogue. Des jeunes en colère ont défiguré certaines infrastructures de la localité, n’hésitant pas à affronter les forces de l’ordre. Les vitres du siège de la DER/FJ ont été cassées, le bureau de la coopérative d’épargne et de crédit complètement dévasté. Des actes que le chef du village condamne fermement.
 
Le responsable qui ne manque pas de présenter ses condoléances à l’imam ratib, aux notables, aux populations de Fass Boye, aux Sénégalais en général et au chef de l’État Macky Sall, a déploré le fait que « personne n’était au courant de la préparation de voyage tragique».
 
« Si nous étions informés de la préparation du voyage, nous leur ferions d’autres propositions. Ces jeunes n’avaient que l’intention d’aller voir ailleurs, pour un meilleur avenir », se désole-t-il.
 
« S’ils songent à prendre ces pirogues à l’insu de leurs parents, c’est parce que la pêche ne rapporte presque plus rien ici à Fass Boye. Il n’y a plus de poisson. Nous passons six mois en mer pour ne gagner que 15.000, 20.000, au plus 100.000.F CFA », poursuit-il.
 
La situation est telle que les litiges entre pêcheurs saisonniers séjournant à Fass Boye et propriétaires de pirogues, incapables de payer, sont devenus monnaie courante. 
 
« Le commandant (de la  gendarmerie) s’est rendu finalement compte qu’ils ils ne peuvent même pas payer leur carburant et les autres  dépenses élémentaires », raconte le notable. « Voilà ce à quoi nous sommes confrontés dans la pêche », note-t-il.
 
Une société minière qui a tout accaparé

Le maraîchage, autre activité clé de l’économie de cette bourgade de la commune de Darou Khoudoss, traverse aussi des heures sombres. « L‘agriculture, nous la pratiquons toujours mais les rendements sont devenus faibles, car tout le monde sait que les terres se sont appauvries, poursuit-il. Les jeunes habitent tous chez leurs parents avec leurs épouses et leurs enfants malgré la promiscuité car ils ne parviennent pas à s’offrir un toit, les terres étant devenues la propriété d’une société minière ».
 
« Cette entreprise ne nous cède pas de terres, ni pour faire des champs assez grands, ni pour nous construire des habitats », s’offusque-t-il, relevant que même le chef de village qu’il est, ne peut accéder aux terres. Le service des eaux et forêts le lui interdirait, s’il tentait une quelconque action dans ce sens, soutient-il. « Tout ceci a finalement écœuré les jeunes », argue le chef du village.
 
Il relève que la localité qui a un stock de carottes d’une année  « peut ravitailler presque toutes les régions du Sénégal ». Fass Boye qui produit aussi de la pomme de terre, de l’oignon, de l’oignon vert, se trouve confrontée à un problème d’assiette foncière. Le champ hérité d’un parent, doit être partagé par toute une fratrie. Si bien qu’à la longue les revenus deviennent faibles et le jeune n’y trouve plus son compte, tente d’expliquer le chef du village, qui a été mandaté par tous les notables pour parler en leur nom à la presse.
 
Pour le vieux Boye, les signes de richesse de certains de leurs camarades revenus de l’étranger, motivent les jeunes à tenter l’aventure. «Quand les jeunes voient leurs camarades revenir de l’étranger avec deux ou trois millions, pour acheter des terrains ou commencer leur construction, et que ces derniers les appellent pour les inciter à partir, les pousse à risquer leur vie dans des pirogues ». (IMPACT.SN avec APS)
 
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