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Que cache l'anthropomorphisation péjorative du SARS-CoV-2 ? (par imam Ahmad Kanté)

Mardi 31 Mars 2020

SARS-CoV-2, c'est le nom scientifique du virus qui cause la maladie appelée COVID-19. Jusque là, rien de particulier, c'est la démarche habituelle en la matière. Du côté de l'anthropologie musulmane, c'est même une marque de la singulière dignité de l'homme que de recevoir de Dieu la capacité de nommer. Or, on ne sait pas par quelle "prouesse", ce virus est en train de subir ce que j'appelle une "anthropomorphisation péjorative." 
 
Par "anthropomorphisation péjorative", j'entends le fait d'attribuer au virus en cause une intention et des comportements humains négatifs.
 
En effet, dès que le président Macron a utilisé le terme de guerre et d'ennemi, les qualificatifs négatifs ont commencé à fuser de partout et de tout le monde : on ne veut plus l'appeler de son nom de baptême, mais il est devenu l'ennemi à abattre, le putain de virus, la saleté, etc. C'est l'ennemi mondial numéro 1 qui a même fait oublier le terrorisme "islamique" et le changement climatique.
 
Au moment où se vulgarisent de plus en plus les thèses sur l'égalité biocentrique voire écocentrique, selon lesquelles l'humain n'est qu'un élément parmi d'autres de la nature, on se met brusquement à verser sans retenue dans "l'anthropomorphisation péjorative" de ce virus. Lors même qu'il est à la limite de la vie car selon les biologistes, c'est juste une molécule protéique qui a absolument besoin d'une entité vivante pour pouvoir se répliquer.
 
Donc, dans le contexte anxiogène du COVID-19, le décideur public lambda, pris de vitesse par les ravages imputés à raison ou à tort au virus en cause, fait l'option de la fuite en avant : un ennemi viral hors du commun a traversé par "surprise" nos frontières, mettons-nous tous en ordre de bataille !
 
Cette posture a l'avantage d'occulter, pour un temps en tous cas, la question de l'impréparation, des hésitations, des lenteurs et des tâtonnements pour lesquels ce décideur public doit rendre compte.
 
Et dans ce pêle-mêle de la lutte contre le COVID-19, où on entend tout et son contraire, on en est arrivé rapidement à rabaisser l'humain, même pas au niveau d'un animal, mais d'une molécule protéïque. On lui confère de notre propre chef ou par folie, allons savoir, des intentions de faire s'effondrer le monde. Cette maladie est en train de nous faire perdre la raison au sens littéral de l'expression car, on ne se pose pas la question : quel monde sommes-nous en train de bâtir et lequel avons-nous détruit... 
 
Il paraît qu'un ministre d'un pays européen s'est suicidé, angoissé à l’extrême de ne pouvoir trouver des solutions efficaces aux conséquences financières du COVID-19 !
 
Il n'est pas difficile de voir que SARS-CoV-2 ne sait même pas qu'il a autant fait peur à des décideurs publics ! Mais tout le monde conviendra que c'est plutôt une ambiance anxiogène qui pousse à une peur mortelle de l'effondrement d'un système financier pris pour être bien huilé et résilient à toutes sortes de chocs.
 
Mais voilà qu'on prête à ce virus, pour être plus précis, à cette molécule proteïque, une intention : celle de vouloir arbitrairement nuire au genre humain et surtout à l'économie libérale qui finissait de s'imposer dans le monde.
 
Il faut quand même se dire qu'en faisant l'option de "l'anthropomorphisation péjorative" du SARS-CoV-2, un but peut-être inconscient est recherché : déclarer l'humain et son mode de vie dit moderne et bâti sur le progrès (que rien ne peut ni ne doit arrêter), innocent de tout ce qui arrive, et la molécule protéïque coupable de tout ! SARS-CoV-2 est un méchant virus qui en veut à l'humain de façon délibérée. 
 
Voilà la nouvelle trouvaille de l'humain de l'époque "anhthropocène" : il refuse comme l'y convie le Coran, de reconnaître sa responsabilité dans la corruption de la nature et de l'humaine nature. Cette molécule protéïque est le bouc émissaire tout trouvé ou l'exutoire qui permet de ne pas voir en quoi les modes de production et de consommation dénaturent la nature et la rendent inhabitable pour l'humain comme pour les autres êtres vivants.
 
Dans le contexte du règne de la quantité, du combien, de la tyrannie du marché, du souci des moyens (comment) et pas des fins (pourquoi), de transhumanisme, les espèces cherchent à s'accrocher à la vie comme elles peuvent ou disparaissent car ne trouvant plus, à cause des méfaits de l'homme corrupteur "moufsid", les conditions propices à leur existence. 
 
Un jour, on nous expliquera comment une molécule proteïque qui vivait sa vie de molécule dans la nature, y occupait sa place et y jouait son rôle a brusquement considéré qu'il s'ennuyait dans le milieu animal et qu'il était temps qu'il fréquente humains !
 
C'était juste pour vous raconter une partie de histoire de la fabrique de l'ennemi viral, et comment nous voulons faire la guerre à tout sauf à nos passions de croissance et de jouissance que j'ai rédigé ces lignes corona-méditatives. 
 
Comble de "l'anthropomorphisation péjorative" du SARS-CoV-2, il se dit qu'on peut tuer le virus ! Peut-être à l'échelle d'une cellule, mais il est toujours quelque part dans la nature prête à s'accrocher à une entité vivante qui lui permet de faire ce qu'un virus sait faire le plus naturellement du monde : se répliquer.
 
C'est le rapport dit moderne à l'Environnement, à l'Economie, à la Santé et à nous-mêmes que le COVID-19 doit nous pousser à interroger si nous lui survivons. Nous l'espérons et nous prions pour.
 
Wa Salam
Imam Ahmad Kanté
Mosquée Point E
Dakar
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