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Prison et confiscation de "biens mal acquis" pour Rifaat al-Assad, l'oncle du président syrien

Mercredi 17 Juin 2020

Rifaat al-Assad, l'oncle du dirigeant syrien Bachar al-Assad, a été condamné mercredi à Paris à quatre ans de prison pour s'être bâti frauduleusement dans l'Hexagone un vaste patrimoine estimé à 90 millions d'euros, dont la justice française a ordonné la confiscation.
 
Le tribunal correctionnel de Paris a sanctionné "des faits d'une exceptionnelle gravité" sans toutefois délivrer de mandat d'arrêt contre cet homme de 82 ans, résident britannique à la tête d'un empire immobilier en Europe, absent du procès pour raisons médicales.
 
Ses avocats ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel, dénonçant un jugement "qui ne s'appuie sur aucun élément objectif".
 
Compte tenu de son âge et de son état de santé, il apparaît peu probable que Rifaat al-Assad aille un jour en prison.
 
Frère cadet de l'ancien président Hafez al-Assad, celui qui se présente aujourd'hui comme un opposant à son neveu Bachar al-Assad est notamment reconnu coupable de blanchiment en bande organisée de détournement de fonds publics syriens, entre 1996 et 2016.
 
Parmi les biens confisqués par la justice figurent deux hôtels particuliers dans les beaux quartiers parisiens, de nombreux appartements, un château, des haras dans le Val-d'Oise... Une propriété a aussi été saisie à Londres.
 
Ancien pilier du régime de Damas, Rifaat al-Assad fut le chef des forces d'élite de la sécurité intérieure qui avaient notamment réprimé dans le sang une insurrection en 1982. Il en garde un surnom, "le boucher de Hama".
 
Contraint à l'exil en 1984 après un coup d'Etat manqué contre son frère Hafez al-Assad, il s'était installé en Suisse puis en France avec sa famille et 200 fidèles.
 
Lui qui n'avait aucune fortune familiale en Syrie a alors bâti un empire immobilier évalué aujourd'hui à 800 millions d'euros, principalement en Espagne mais aussi en France et Grande-Bretagne, qui a tardivement éveillé les soupçons.
 
Toute la question du procès était de savoir avec quel argent Rifaat al-Assad a acquis ses biens français.
 
Aux yeux du tribunal, il s'agissait d'argent illicite. "Des éléments concordants accréditent l'existence de détournements de fonds publics aux dépens de l'Etat syrien et au profit exclusif de Rifaat al-Assad", notamment l'"analyse d'éléments bancaires", a résumé la présidente.
 
Les motivations du jugement n'étaient pas disponibles dans l'immédiat. Mais pour l'accusation, cet argent provient de fonds que Hafez al-Assad avait accepté de débloquer en échange de son exil.
 
- "Fin de l'impunité" -
 
De son côté, Rifaat al-Assad assure qu'il doit sa richesse à la générosité d'Abdallah, prince héritier puis roi saoudien, qui l'aurait financé entre les années 1980 jusqu'à sa mort en 2015.
 
Ses avocats avaient notamment produit un chèque de 10 millions de dollars signé par Abdallah en 1984, la preuve de trois virements tardifs, entre 2008 et 2010, et plusieurs attestations d'un soutien financier saoudien.
 
"Il n'y a pas au dossier un centime de fonds provenant de Syrie" et "tous les flux identifiés ont une origine licite", ont-ils réaffirmé mercredi.
 
Rifaat al-Assad, qui possédait des comptes offshore en Suisse et à Gibraltar et dont les biens sont détenus par des sociétés nichées un temps dans des paradis fiscaux, est également condamné pour blanchiment de fraude fiscale aggravée.
 
Le tribunal a souligné le "rôle central" de cet homme "autoritaire" dans la gestion du patrimoine familial et la "sophistication" des montages fiscaux mis en place.
 
Par ailleurs condamné pour le travail dissimulé d'employés de maison, il a été en revanche relaxé sur des faits couvrant la période 1984-1996, pour des questions juridiques.
 
L'association Sherpa, à l'origine de cette procédure, a obtenu 30.000 euros de dommages et intérêts. Son avocat Vincent Brengarth a salué "la fin de l'impunité pour le clan Assad".
 
Rifaat al-Assad, décoré de la Légion d'honneur en France en 1986, est menacé d'un procès en Espagne pour des soupçons bien plus vastes de "biens mal acquis", et poursuivi en Suisse pour des crimes de guerre commis dans les années 1980.
 
Il s'agit de la deuxième affaire de "biens mal acquis" jugée en France, après les procès du vice-président de Guinée équatoriale Teodorin Obiang, condamné en son absence en février à trois ans avec sursis, 30 millions d'euros d'amende et la confiscation de tous ses biens saisis. (AFP)
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