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LFR2 : A propos des 650 millions accordés aux ayants droits pour charge de téléphone (Ousmane Sonko)

Mercredi 20 Novembre 2019

«D’une part, j’ai rappelé au ministre que la création de cette « allocation forfaitaire mensuelle » est incompréhensible pour un gouvernement dont l’argument a été jusqu’ici la maitrise de la masse salariale. Elle pose ainsi un premier problème d’équité et de justice. Comment un gouvernement qui refuse d’ouvrir toute discussion avec les syndicats sur la question de la rémunération, peut octroyer une nouvelle indemnité à une catégorie d’agents n’exerçant, pour l’essentiel, que des fonctions politiques, et en zappant ceux-là qui effectuent des tâches opérationnelles pour un service public de qualité ?
 
D’autre part, j’ai fait noter que cette allocation forfaitaire mensuelle pour charges de téléphonie pose un problème d’équité et de justice au regard de son traitement fiscal illégal consacré par la lettre du ministre Abdoulaye Daouda DIALLO n°7888 MFB/DGID du 14 octobre 2019 portant traitement fiscal de l’allocation mensuelle forfaitaire pour charges de téléphonie mobile à certains agents de l’Etat. Dans cette lettre adressée au Directeur général du Budget, il précise que cette allocation est exonérée de l’impôt sur les traitements et salaires.
 
Dans sa réponse, monsieur le ministre a invoqué les dispositions de l’article 167. 4 : « sont exonérées de l’impôt les indemnités et primes spéciales destinées à assurer le remboursement de frais forfaitaires, dans les limites fixées par le ministre chargé des Finances ».
 
Cette réponse est erronée. Monsieur le ministre, inspecteur des impôts de profession, sait pertinemment que son argument ne tient pas. Et mieux que quiconque, il comprend parfaitement que cette allocation constitue, à n’en pas douter, à une augmentation de salaire au profit des bénéficiaires ainsi que le démontrent les décrets n°2019-1310 et n°2019-1311 du 14 août 2019 qui l’ont instituée.
 
A ce titre, conformément aux dispositions combinées des articles 164, 165, 166 et 167 de la Loi n°2012-31 du 31 décembre 2012, modifiée portant Code général des Impôts, cette « allocation forfaitaire mensuelle pour charges de téléphonie mobile » est un revenu imposable.
 
En exonérant cette allocation par une simple lettre administrative, le ministre des Finances et du Budget s’est non seulement rendu coupable de violation de la constitution (article 67) et de la loi (CGI), mais il a consacré une rupture fondamentale du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt. La violation de la Constitution consiste dans le fait qu’il appartient à la loi votée par la seule Assemblée Nationale de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
 
Sous ce rapport, il est évident qu’il n’appartient pas au Ministre des Finances et du Budget, ni même au Président de la République, de dire par un acte réglementaire ce qui est imposable ou ce qui est exonéré. C’est pour cette raison certainement que le ministre, mal à l’aise après mon interpellation, a cherché à se réfugier dans les dispositions de l’article 167-4° du Code général des impôts. Mais cette démarche met à nu sa mauvaise foi. Car s’il est clair que l’allocation en question est exonérée par la loi, comme l’a soutenue le ministre Abdoulaye Daouda Diallo, à quoi bon prendre un arrêté pour définir son régime d’imposition ?

L’article 167-°4 du Code général des impôts invoqué par le Ministre dispose : « sont exonérées de l’impôt les indemnités et primes spéciales destinées à assurer le remboursement de frais forfaitaires, dans les limites fixées par le ministre chargé des Finances. ».

C’est en conséquence de cette disposition que le Ministre de l’Economie et Finances a pris l’arrêté n°012914 MEF/DGID du 31 juillet 2013 portant évaluation des avantages en nature compris dans la base de l’impôt sur le revenu pour, en son article 1er, fixer forfaitairement le montant à 10.500 FCFA pour l’eau, 30.200 FCFA pour l’électricité et 67.500 FCFA pour le téléphone, entre autres…
 
Ce même arrêté précise, en son article 3, que « Toute indemnité en argent représentative d’avantages en nature doit être intégralement comprises dans la base de l’impôt sur le revenu, la présente évaluation (article 1er) ne pouvant être retenue en ce cas ». Ironie du sort, cet arrêté porte, pour le compte du ministre de l’Économie et des Finances, la signature de monsieur Abdoulaye Daouda DIALLO, alors ministre délégué au Budget. Triste !

Ces allocations pour charge de téléphonie ont toujours été ainsi conçues par la doctrine fiscale. C’est en foi de cette claire lecture de la loi et de la doctrine que d’importants redressements fiscaux, assortis de pénalités et majorations, sont régulièrement opérés par les services de la DGID à l’encontre des entreprises privées qui ont omis d’imposer ces allocations de téléphonie pour des montants largement inférieurs à ceux octroyés à quelques agents de l’État et à la clientèle politique.
 
2020 est annoncée par le gouvernement comme l’année d’une traque fiscale massive pour porter le taux de pression fiscale à 17,7%. Avec vos pratiques monsieur le ministre, vous aggravez l’injustice fiscale en protégeant les hauts revenus politiques et administratifs (ministres, députés, DG, hauts fonctionnaires, HCCT et CESE…) pour ne faire supporter le fardeau qu’aux petits salariés et quelques entreprises.
 
Le problème, monsieur le ministre, c’est que votre département est coutumier de tels forfaits et je vous avais déjà interpellé sur des cas similaires lors du vote de la première LFR au mois de juin 2019.
 
Monsieur le ministre Abdoulaye Daouda DIALLO a manifesté sa volonté de discuter de ces questions avec moi et j’y souscris entièrement. Seulement, la tribune de l’assemblée ne s’y prête guère avec un temps d’intervention de 3 à 5 minutes maximum par député, doublé d’un refus systématique de la majorité pour un second tour de parole.
 
Comme toujours, je me mets à la disposition des médias pour un débat public qui nous permettrait, sur ces questions comme sur d’autres, tels que la dette, la gestion des ressources naturelles, l’investissement, les grands chantiers… d’édifier les citoyens sénégalais sur la nébuleuse gouvernance actuelle du Sénégal.»
A suivre
 
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