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« L’enfer sur terre » : l’insupportable quotidien au Liban

Samedi 21 Août 2021

Quand Ayla est arrivée dans un café de la rue branchée de Mar Mikhael à Beyrouth avec ses deux enfants, ce n’était pas pour leur offrir une boisson ou un dessert mais pour les… coucher dans un espace climatisé.
 
« Depuis deux jours, nous n’avons pas eu une seule minute de courant chez nous. Les enfants n’arrivent plus à dormir », déplore-t-elle, alors que les températures dépassent souvent les 35 ° dans la capitale en ce mois d’août.
 
Près d’elle, sa fille âgée de huit ans dort à poings fermés, recroquevillée sur un petit canapé, tandis que son fils, cinq ans, est allongé sur ses genoux.   
 
Dans un Liban en plein effondrement, les sévères pénuries de carburant se sont récemment encore aggravées, provoquant panique, colère et chaos.
 
Les pannes de courant culminent désormais à plus de 23 heures par jour, et en l’absence de fioul, les générateurs de quartier, qui prennent habituellement le relais, rationnent aussi foyers, commerces, supermarchés et institutions.
 
« Ici, mes enfants peuvent au moins gagner quelques heures de sommeil », affirme Ayla. Vers minuit, la jeune mère est toutefois contrainte de quitter les lieux car le café ferme.  
 
« Ce que nous vivons est hallucinant […] C’est l’enfer sur terre », lance-t-elle. « Nous n’avons plus rien […] Nous ne pouvons même plus dormir ».  
 
Fermetures en série
 
Certains cafés offrent la climatisation mais aussi une connexion internet stable, le réseau étant perturbé par les pénuries d’électricité.
 
La crise, qui dure depuis des mois, a pris un nouveau tournant après l’annonce le 11 août par la Banque centrale d’une levée des subventions sur les carburants, aggravant les pénuries et provoquant une ruée folle sur les stations-service ainsi que de grandes perturbations ou fermetures dans tous les secteurs.
 
Cette nouvelle épreuve vient s’ajouter à une série d’épisodes dramatiques vécus par les Libanais depuis près de deux ans, comme la mise en place de strictes restrictions bancaires qui empêchent les Libanais d’avoir librement accès à leur argent.      
 
Dans le quartier de Gemmayzé, la boulangerie Paul a dû réduire ses heures d’ouverture, en raison du prix extrêmement élevé du mazout encore disponible.
 
« Nous achetons le mazout sur le marché noir à 500 000 livres (425 dollars canadiens) les 20 litres pour faire fonctionner notre générateur », soit plus de cinq fois l’ancien prix subventionné, indique à l’AFP le chef de salle Elie Zwein.  
 
« Nous gardons les réfrigérateurs allumés durant la nuit, mais éteignons tous les autres équipements », ajoute-t-il.  
 
Le groupe a en outre dû fermer trois de ses enseignes sur les huit opérant au Liban.  
D’autres cafés et restaurants à travers le pays ont aussi fermé boutique, faute de pouvoir garder leurs aliments au frais.
 
Dans un salon de coiffure du quartier de Hamra, Ahmad, 20 ans, taille la barbe d’un client à la lumière de son téléphone portable.  
 
« Nous travaillons dans des conditions qui se sont beaucoup dégradées », déplore le jeune barbier. D’autres coiffeurs ont décidé de couper les cheveux sur le trottoir pour avoir de la lumière.    
 
Faute d’essence, dans certaines entreprises, des employés dorment sur place ou ne se rendent plus au bureau, alors que les taxis se font de plus en plus rares ou proposent des courses très onéreuses.  
 
« Humiliant »
 
Pour éviter les heures de queue interminables pour faire le plein d’essence, Abou Karim, un chauffeur de taxi, a laissé son véhicule la nuit devant une station-service, en espérant pouvoir se ravitailler le lendemain. Mais il n’aura rien.
 
« Y a-t-il plus humiliant que ça ? », s’emporte cet homme dont les revenus ont fondu en quelques jours.  
 
« Pendant ce temps-là, les dirigeants ne manquent de rien, ni d’électricité, ni d’essence », s’emporte Abou Karim, se faisant l’écho de nombreux Libanais qui conspuent les dirigeants de tous bords.
 
Plusieurs secteurs vitaux, comme des hôpitaux, ont tiré la sonnette d’alarme ces derniers jours, menaçant de fermer leurs portes faute de courant et de carburant.  
 
La crise que traverse le pays, exacerbée par l’inaction des dirigeants, est l’une des pires au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale.  
 
Environ 80 % de la population vit aujourd’hui sous le seuil de la pauvreté, selon l’ONU.  
Ahmad el-Malla, 30 ans, a décidé de garder son bar ouvert à Gemmayzé, ayant recours au système d’alimentation sans interruption et des sacs de glaçons pour garder ses bouteilles au frais.  
« Je n’ai pas le choix, je ne peux pas fermer […] Si je ne travaille pas, je meurs de faim », lance-t-il. (AFP)
 
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