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FATOU BENSOUDA : « Avec Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, il n’y avait rien de personnel »

Dimanche 23 Mai 2021

Fatou Bensouda au cours de sa conférence de presse à Dakar samedi 22 mai 2021.
Fatou Bensouda au cours de sa conférence de presse à Dakar samedi 22 mai 2021.
Longtemps critiquée pour son « obsession » à faire condamner l’ex président ivoirien Laurent Gbagbo et son ancien ministre de la Jeunesse Charles Blé Goubé, la Gambienne Fatou Bensouda, présidente sortante de la Cour pénale internationale (CPI), s’en est défendue ce mercredi devant la presse nationale et étrangère à Dakar.
 
« Je ne faisais que mon travail en tant que procureure dans (cette) affaire. Il n’y avait rien de personnel. Il s’agissait de mon travail, un sacerdoce à remplir. On a eu beaucoup de difficultés à présenter les preuves et quand on a terminé, les juges les ont jugés insuffisantes », a souligné la magistrate gambienne en visite à Dakar.
 
« Je suis procureur. Si je considère que la loi n’a pas été bien dite, je saisis la chambre la plus élevée sur la base des aspects juridiques. (…) En tant que procureure de la CPI, (j’ai) (la) responsabilité (…) de laisser une jurisprudence » pour l’avenir, a-t-elle précisé.

« Sans regret » par rapport à ses décisions et jugements souvent considérés comme « faibles » eu égard à la gravité des accusations qui pesaient sur ses deux « clients » ivoiriens, Fatou Bensouda a fait état de la « complexité » des dossiers et admis son échec. « Je respecte (la) décision (des deux juges sur trois) » qui ont rejeté ses réquisitoires pour « manque de preuves ».
 
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été définitivement acquittés de toutes charges en avril dernier par les juges de la CPI.
 
« L’affaire Uhuru Kenyatta »
 
Sur un autre dossier lourd concernant le Kenya, Fatou Bensouda a dénoncé des manipulations qui auraient compromis la tenue effective du procès contre l’actuel président.
 
« Dans les défis (que nous rencontrons), le plus dur est relatif aux témoins parce que nous avons la responsabilité de (les) sécuriser. On a vu dans l’exemple du Kenya que des témoins ont été retrouvés et détournés contre la Cour, ce qui a entrainé l’abandon de ce dossier en faveur du président Uhuru Kenyatta accusé de crimes contre l’humanité après l’élection présidentielle de 2007 qui avait fait 1300 morts.»
 
Sur un autre plan, Fatou Bensouda a rejeté une étiquette qui colle à la Cour pénale internationale, celle d’une juridiction qui ne s’intéresserait qu’aux pogroms africains. « Je précise que d’autres pays comme la Colombie, la Palestine, le Venezuela, les Philippines, la Tunisie, l’Afghanistan, Georgi, Ukraine, sont concernés », a-t-elle rappelé.
 
A cet effet, elle a brossé en quelques mots la démarche de la CPI sur tous les dossiers ouverts. « Tout est fait dans la négociation, car on n’a pas de pouvoir d’oppression. On négocie toujours avec le pays pour les mandats. Si on ouvre une enquête, on va voir avec qui travailler dans le pays concerné. (…) Parfois on n’a point besoin d’assistance, on vient mener nos enquêtes normalement. Le travail est très difficile. »
 
La responsabilité des Etats
 
A ce niveau, elle a rappelé que les recours à la CPI peuvent toujours être évités si les Etats prennent à temps et avec sérieux leurs responsabilités face à des allégations de crimes contre l’humanité qui surviendraient sur leurs propres territoires.
 
Alors que son mandat prend fin le 14 juin 2021 après un mandat unique de neuf ans, Fatou Bensouda estime avoir rehaussé la stature de la Cour pénale internationale à travers le monde.
 
« Je pense que le niveau où j’ai trouvé la CPI est aujourd’hui beaucoup plus élevé et je remercie tout le monde, les Etats-parties, l’Afrique et surtout le Sénégal pour le soutien pendant mon mandat. (…)  Je pense que j’ai fait un bilan assez positif au regard de tout le travail accompli. Il y a eu vraiment des succès, des défis et des challenges. »

Ce vendredi, Fatou Bensouda a été reçue en audience par le président Macky Sall qui l’a élevée au rang de Commandeur dans l’Ordre national du Lion.

Pour lui succéder, c’est le Britannique Karim Khan, 50 ans, qui a été choisi par les Etats-parties le 2 février dernier à l’issue d’un scrutin à bulletins secrets tenu en marge de la session annuelle à New York. Khan est un spécialiste des questions relatives aux droits de l’Homme.

 
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