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Bagdad et Téhéran recourent à l'arme économique contre le Kurdistan irakien

Samedi 30 Septembre 2017

L'Irak et l'Iran ont décidé d'utiliser en premier lieu l'arme économique pour riposter au référendum d’indépendance du Kurdistan irakien: Bagdad a fermé l'espace aérien aux vols internationaux et Téhéran annoncé le gel des échanges pétroliers.

Après le "oui" massif (près de 93%) de cette région autonome au scrutin controversé de lundi, l'ensemble des liaisons aériennes avec le Kurdistan irakien ont été interrompues vendredi, sur ordre du pouvoir central de Bagdad, qui réclame d'Erbil l'annulation du vote comme préalable à tout dialogue.

Très critiqué à l'étranger, le référendum organisé par le président kurde Massoud Barzani est en particulier vilipendé par les pays voisins, la Turquie, la Syrie et l'Iran, qui comptent des minorités kurdes et craignent qu'il ne réveille des velléités séparatistes sur leur territoire.

En guise de représailles, Téhéran a ainsi interdit jusqu'à nouvel ordre le transport de produits pétroliers depuis et vers le Kurdistan irakien, ont rapporté samedi les médias d'Etat iraniens.

"Toutes les compagnies de transports et les chauffeurs" ont reçu cet ordre, a rapporté le site de la télévision d'Etat Irib, citant une directive du ministère des Transports.

Cette directive a été prise mercredi, selon une copie publiée vendredi par l'agence de presse Tasnim, "sur la base des récents développements régionaux".

Téhéran est l'un des principaux exportateurs de pétrole raffiné utilisé comme carburant vers le Kurdistan irakien et le volume des échanges dans ce domaine est de cinq milliards de dollars par an, selon Irib. Le Kurdistan est lui un producteur et exportateur de pétrole brut, ressource dont il dépend majoritairement pour son budget.

- 'Réactions violentes' -

Parmi les pays voisins, la Turquie est la plus à même d'asphyxier le Kurdistan par le biais du pétrole, menace qu'a récemment proférée le président Recep Tayyip Erdogan: quelque 550.000 des 600.000 barils/jour produits par Erbil sont exportés via un oléoduc débouchant dans le port turc de Ceyhan sur la Méditerranée (sud).

Mais l'Iran a aussi un rôle à jouer, dans la mesure où les Kurdes doivent impérativement pouvoir exporter leur mazout, faute de quoi leurs "raffineries ne peuvent pas continuer à fonctionner", a affirmé à l'AFP Ruba Husari, experte sur le pétrole irakien. "Dans le sens inverse, les Kurdes doivent importer du diesel, leurs raffineries n'en produisant pas assez", a-t-elle ajouté.

Interrogé par l'AFP, Arriz Abdallah, chef du groupe de l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK de Talal Talabani) au Parlement kurde, a pour sa part exprimé son étonnement face aux "réactions violentes de Bagdad et des pays voisins" alors que le référendum n'a pas été suivi d'effets de la part d'Erbil.

"Toutes les mesures (de rétorsion) prises après le 25 septembre comme le fermeture des aéroports ou le gel des exportations, ce sont les citoyens qui vont en payer le prix", a-t-il avancé.

- 'Sécuriser les frontières' -

Pour accroître encore la pression, l'Iran a par ailleurs annoncé samedi qu'elle effectuerait "dans les prochains jours" des manœuvres avec l'Irak. Elles auront lieu "le long de la frontière commune", a dit à des journalistes le porte-parole des forces armées, Massoud Jazayeri, au terme d'une réunion de commandants iraniens.

"Des décisions nécessaires ont été prises pour sécuriser les frontières et inviter" Bagdad "à prendre position aux points de passage", a-t-il ajouté.

Dans ce climat, de nombreux étrangers se sont empressés de quitter le Kurdistan vendredi, juste avant la suspension sine die des vols internationaux. Les derniers avions vers l'étranger ont quitté dans l'après-midi Erbil et Souleimaniyeh.

Cette interdiction ne concerne pas les vols humanitaires, militaires et diplomatiques, mais des ONG ont affirmé samedi commencé à subir les premiers impacts de la crise, dans un contexte humanitaire déjà difficile.

Sur la scène diplomatique, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a confirmé samedi avoir été invité par le président français Emmanuel Macron à se rendre à Paris le 5 octobre. Mais il a assuré qu'il n'existait "pas de relation entre l'invitation et la crise causée par le référendum inconstitutionnel".

La veille au soir, l'Elysée avait, dans un communiqué, "rappelé l’importance de préserver l’unité et l’intégrité de l’Irak tout en reconnaissant les droits du peuple kurde". "Toute escalade doit être évitée", avait ajouté Paris.
 
 
 
 
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