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L'OMC plonge dans l'inconnu après l'échec des négociations sur la pêche et l'agriculture

Samedi 2 Mars 2024

La réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce s'est soldée vendredi par un constat d'échec sur les dossiers majeurs de la pêche et de l'agriculture et un sauvetage en demi-teinte du moratoire électronique, plongeant l'organisation dans l'inconnu.

 

"Malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à nous mettre d'accord sur certains textes qui revêtent une grande importance pour bon nombre de nos membres", a reconnu le ministre d'Etat émirati au Commerce extérieur, Thani al-Zeyoudi, qui a présidé cette semaine à Abou Dhabi la 13e Conférence ministérielle (CM13) de l'OMC.

 

"Je terminerai par une citation que j'attribue à Winston Churchill, qui a dit, et je cite, +le succès n'est pas définitif. L'échec n'est pas fatal. C'est le courage de continuer qui compte+", a déclaré pour sa part la directrice générale de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala.

 

Mais elle a affirmé voir "le verre à moitié plein", citant notamment l'accession à l'OMC des Comores et le Timor-Oriental ou encore la finalisation, en marge de la rencontre, d'un accord sur les services.

 

Les résultats de la ministérielle ont mis en évidence les profondes divisions entre les 164 membres de l'OMC, "dans un contexte international marqué par une incertitude plus grande que jamais", a-t-elle relevé, pointant du doigt les tensions géopolitiques, les inquiétudes économiques et les élections dans de nombreux pays.

 

Les accords sont aussi difficiles à trouver car les décisions sont prises par consensus. "La beauté de l'OMC réside dans le fait que chaque membre dispose d'une voix égale, mais cela a aussi un coût", a souligné Mme Okonjo-Iweala.

 

L'OMC est déjà déstabilisée depuis fin 2019 par la paralysie du mécanisme qui permet de régler les différends entre ses membres, bloqué par les Etats-Unis. Les pays ont réaffirmé à Abou Dhabi leur objectif de parvenir à rétablir le système cette année.

 

"Peut-être que l'OMC avait besoin d'une bonne crise et peut-être que celle-ci nous fera prendre conscience que nous ne pouvons pas continuer ainsi", a affirmé une haute responsable européenne, qui craint que le commerce soit "de plus en plus caractérisé par des relations de pouvoir".

 

"Même si le commerce électronique est sauvé, on peut parler de crise à l'OMC", a renchéri une source proche des discussions.

 

- "Un bon ami" -

 

Après cinq jours de discussions, les négociations sur l'agriculture et sur subventions à la pêche favorisant la surpêche et la surcapacité ont fait chou blanc.

 

"L'agriculture est une fois de plus le sujet qui fait ou défait une conférence ministérielle", avait prévenu le commissaire européen à l'Agriculture Janusz Wojciechowski sur le réseau X.

 

Les négociations agricoles ont buté sur les revendications agricoles de l'Inde, acteur incontournable des négociations à chaque ministérielle.

 

Sur la pêche les pays ne sont notamment pas parvenus à se mettre d'accord sur la période de transition accordée aux pays en développement, les pays estimant que l'Inde demandait un trop grand nombre d'années.

 

"Plusieurs Etats ont exprimé des positions radicales en faveur de leurs seuls intérêts et n'ont pas permis d'avancer vers un compromis satisfaisant", a réagi le ministre français de la Transition écologique, Christophe Béchu, dans un communiqué.

 

L'Inde a en revanche accepté in extremis de ne pas apposer son veto à l'extension du moratoire douanier sur les transmissions électroniques, mais pour deux ans au maximum. Le ministre du Commerce indien, Piyush Goyal, a expliqué que son pays avait décidé de lever son objection "par respect" pour M. al-Zeyoudi, le qualifiant de "bon ami".

 

- L'OMC s'enlise dans "la boue" -

 

"Si l'on peut parler de crise, c'est que le consensus, qui a été le ciment de cette organisation, est devenue la boue dans laquelle elle s'enlise", a réagi Richard Ouellet, de l'Université Laval au Canada, présent à Abou Dhabi.

 

Pour John Denton, secrétaire général de la Chambre de commerce internationale, "la faiblesse inattendue du paquet global de résultats devrait cependant servir de signal d'alarme".

 

Comme à chaque ministérielle, la pression était forte pour que l'OMC affiche des résultats. Cette année les attentes étaient particulièrement élevées face au possible retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a tout fait pour torpiller l'organisation durant son premier mandat.

 

La précédente réunion en 2022 à Genève s'était achevée par un certain succès, avec des accords sur l'interdiction des subventions à la pêche illégale et sur les brevets des vaccins anti-Covid. Un "miracle" que Mme Okonjo-Iweala avait appelé à reproduire.

 

Alors que son mandat s'achève l'an prochain, reste à savoir si elle sera encore présente à la prochaine ministérielle qui doit se tenir au Cameroun à une date encore indéterminée. [AFP]

 
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