La commémoration du 81e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye offre l’opportunité d’élargir le débat et d’ouvrir le dossier “hautement emblématique des pratiques de gouvernance coloniale, le recours quasi-rituel à la violence”, a déclaré, lundi, à Dakar, l’historien Mamadou Diouf.
“Le 81e anniversaire est une excellente opportunité pour prolonger l’élan amorcé lors de la précédente commémoration, l’ouverture du dossier d’un débat singulier mais hautement emblématique des pratiques de gouvernance coloniale, le recours quasi-rituel à la violence”, a dit l’universitaire, président du comité pour la commémoration du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye.
Selon Mamadou Diouf, cette commémoration permet de revisiter “un débat singulier mais hautement emblématique des pratiques de gouvernance coloniale”, marquées notamment par “le recours quasi-rituel à la violence”.
Il a rappelé que le massacre de Thiaroye fait l’objet d’une “double manœuvre de dissimulation et de reconfiguration”, dans le “contexte paradoxal” de la victoire contre les régimes fascistes, d’une part, et à travers “les entraves persistantes imposées par les autorités coloniales puis par l’État français à toute tentative de recherche de vérité”, d’autre part.
L’État du Sénégal, a-t-il dit, s’est engagé à “détricoter cette double trame”, en renforçant les cycles de commémoration et les recherches associées, dans une perspective désormais régionale et panafricaine.
Cette démarche vise notamment à reconnaître Thiaroye comme “le lieu d’une mémoire exposée alors qu’elle fut longtemps occultée”, rejoignant l’idée de “mémoire cachée” évoquée par les historiens Catherine Coquery-Vidrovitch et Gilles Clément.
Pour Mamadou Diouf, Thiaroye constitue désormais “une mémoire vive”, porteuse d’une conscience panafricaine et d’un engagement en faveur de l’unité, de l’indépendance et de la prospérité du continent.
Si les résultats obtenus à ce jour dans la recherche de la vérité historique sur cet évènement demeurent incomplets, il s’est félicité de l’ouverture de nouvelles pistes de recherche.
Il a appelé à poursuivre les investigations historiques, les initiatives artistiques et littéraires ainsi que les travaux pédagogiques dans les langues nationales, afin de nourrir une mémoire africaine autonome.
Le professeur Diouf a affirmé que les nombreuses zones d’ombre persistantes appellent à une collaboration élargie, dans un cadre régional capable d’alimenter “les entreprises panafricaines” dans les domaines économique, politique, culturel et social.
Il estime que promouvoir des humanités africaines qui manifestent un commentaire africain et assurent une présence africaine sur la scène du monde constitue “une priorité”.
Il a souligné que Thiaroye est désormais reconnu comme “le noyau d’une vaste constellation historique et mémorielle” dépassant largement le Sénégal et couvrant l’Afrique de l’Ouest, le continent tout entier ainsi que l’ancien empire colonial français. Dans cette perspective, il juge pressante l’organisation régulière d’une commémoration régionale.
Les recommandations issues des travaux du comité de commémoration pourraient d’ailleurs servir de base à “un programme audacieux” de recherche et de manifestations panafricaines autour du massacre de 1944.
Il est revenu sur l’engagement historique de trois générations d’intellectuels, d’artistes, de syndicalistes, de politiciens et d’activistes, rappelant leur contribution au “recouvrement des voix étouffées” et à la valorisation de la place des peuples africains dans la civilisation et la démocratie.
Il a aussi rappelé que les tirailleurs sénégalais ont “payé le prix du sang” sur les champs de bataille en Europe, en Afrique et en Asie, tout en subissant ensuite la spoliation et la violence coloniale.
La mission dévolue au comité pour la commémoration du massacre des tirailleurs sénégalais consiste donc à faire le point, lever les entraves et progressivement faire la lumière sur ces sujets, a-t-il conclu. [APS]







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