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Tu te souviendras du Joola !

Mardi 1 Octobre 2019

 
Ce jour, 26 septembre, il a fallu que j’écrive la date du jour au bas d’un texte pour que je me rappelle que cette date est celle du naufrage du Joola. Et je pense à mon humble avis que je ne suis pas le seul à avoir succombé à l’oubli de ce jour tragique. S’il y a une chose que les différents régimes ont réussi depuis cette tragédie sans précédent, c’est d’être parvenu à effacer le souvenir de cette plaie béante dans l’Histoire de ce pays dans le cœur et l’esprit des citoyens. Pas une autorité présente au Cimetière de Mbao, le Président de la République trouvant toujours le prétexte d’être absent du pays au moment de la commémoration annuelle !
 
Alors me sentant envahi par un sentiment de lâcheté, je me suis replongé dans les archives, les documentaires vidéos, les témoignages des parents de victimes. Mon cœur s’est fendu en entendant ces cris de détresses des passagers coincés dans la coque, ces jeunes garçons emportés par leur passion du foot, ces étudiants pleins de projets dans la tête, ces stagiaires de l’ENA et du Centre de Formation Judicaire prêts à servir enfin leur pays, ces commerçantes, militaires, hommes, femmes, vieux, bébés, partis à la quête d’un lendemain meilleur, tout ce microcosme de notre société englouti en quelques minutes ! J’ai entendu Mme. DIALLO, l’épouse du maire de Dalifort, pleurer de ce que leurs trois garçons sont toujours coincés dans le bateau. 17 ans et toujours pas de deuil pour des milliers de famille. Monsieur le Président, êtes-vous insensible à ce point ?
 
 J’ai lu le rapport de la Commission d’enquête et là, chose effarante, je découvre que l’Armée, à travers la Marine Nationale, tant chantée pour sa discipline et son organisation, a été l’une des principales responsables de ce crime en faisant preuve d’autant de légèretés, d’amateurisme voire d’irresponsabilité. La Marine Marchande avait tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises oh mon Dieu et les autorités n’ont pas réagi ! Ce bateau n’aurait jamais dû prendre la mer ! Pire les secours des autorités sénégalaises sont arrivés sur les lieux 18 heures après le naufrage alors que le dernier survivant a été extrait du bateau vers 14 heures.
 
L’année 2002, l’aube d’un nouveau millénaire, d’une nouvelle ère pour le pays, l’alternance, Dakar sera comme Paris ! Nos braves lions du foot avaient conquis le monde en Asie, le slogan c’était le Sénégal qui gagne. Plus rien ne pouvait nous arrêter…hélas comme une piqûre de rappel de la Providence, quelques semaines seulement après le retour triomphal des lions, ce drame est venu nous remémorer nos tares congénitales, nous mettre devant un miroir pour apprécier cette horreur dont nous sommes tous responsables n’en déplaise à Wade qui parle d’une somme de responsabilités individuelles. Alors dans une entreprise peut-être forcée d’expiation nationale, rongés sans doute par un sentiment de culpabilité, nous avons invoqué le changement des comportements, l’avènement d’un NTS nouveau type de sénégalais avant Y’en a Marre…hélas notre nature est revenue au galop assez vite…depuis combien de nouveaux « petit Joola » sur nos routes, dans nos stades, nos maisons et encore sur nos eaux. Les drames récents de Bitenty et des îles Madeleine, comme un symbole !
 
Le temps dispose certes de cette capacité à la fois géniale et pernicieuse de réussir à tout couvrir par son linceul infini : les chagrins, les peines, les joies…mais de grâce que l’Etat ne compte pas sur cet attribut pour tenter de reléguer ce gouffre purulent de notre destinée, ce triste record, dans les profondeurs de notre amnésie collective bien sénégalaise. Que ce jour du 26 septembre soit férié ou pas, il doit à jamais nous mettre devant nos responsabilités. Instituez une journée du civisme, une stèle commémorative, renflouez le bateau, faîtes tout pour que cette date, ne serait-ce que le temps d’une journée, soit une catharsis perpétuelle pour nous, nos enfants et leurs petits enfants !
babsmania@gmail.com
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