Depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition dirigée par le parti Pastef, le Sénégal connaît une transformation notable de son espace public. Les réseaux sociaux, longtemps cantonnés à la sphère privée ou au divertissement, sont devenus des outils puissants de mobilisation politique. Mais cette dynamique soulève une question cruciale : les plateformes numériques sont-elles en train de devenir des instruments de pression sur la justice ?
Une mobilisation numérique ciblée
Les militants de Pastef ont démontré une capacité remarquable à orchestrer des campagnes virales contre des figures politiques associées à l’ancien régime. Les cas de Farba Ngom ou de Samba Ndiaye en sont des exemples récents. À travers des publications massives, des hashtags et des appels à l’action, ces campagnes visent à susciter une réaction judiciaire, souvent sous forme d’autosaisine du procureur.
La déclaration de Pape Malick Ndour lors d’un meeting en faveur de Farba Ngom illustre cette tendance. Bien qu’il ait nié tout appel à l’insurrection, ses propos ont été interprétés par certains militants comme une incitation à la violence, dans le but apparent de déclencher une procédure judiciaire.
Une justice sous influence ?
Cette stratégie soulève des inquiétudes quant à l’indépendance de la justice. Lorsque les décisions judiciaires semblent répondre à des pressions numériques plutôt qu’à des faits établis, c’est l’État de droit qui vacille. La justice doit rester imperméable aux fluctuations de l’opinion publique, surtout lorsqu’elle est amplifiée par des dynamiques partisanes.
Un phénomène continental
Le Sénégal n’est pas isolé. En Afrique du Sud, Julius Malema a été poursuivi pour des chants interprétés comme incitatifs à la haine. Au Kenya, une loi contre la subversion a été invalidée par la Cour suprême, jugée trop vague et utilisée pour museler l’opposition. Ces exemples montrent que la manipulation politique par le biais de la justice est une réalité préoccupante en Afrique.
Préserver la démocratie
La démocratie repose sur des piliers fondamentaux : liberté d’expression, pluralisme politique, indépendance de la justice. Si les réseaux sociaux peuvent renforcer la participation citoyenne, ils ne doivent pas devenir des tribunaux populaires ni des outils de coercition. Il est urgent de poser un cadre éthique et juridique clair pour encadrer leur usage dans le débat public.
Cheikh Oumar Dieng







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