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Liban: un universitaire soutenu par le Hezbollah désigné Premier ministre

Jeudi 19 Décembre 2019

Un ex-ministre et universitaire libanais soutenu par le puissant mouvement chiite Hezbollah, Hassan Diab, a été désigné Premier ministre jeudi, au terme de longues tergiversations politiques face au mouvement de contestation inédit qui secoue le pays, au bord du précipice économique et financier.
 
Après une journée de consultations parlementaires, le chef de l'Etat Michel Aoun "a chargé Hassan Diab de former un gouvernement", a indiqué la présidence de la République dans un communiqué.
 
Peu après ces consultations, reportées à deux reprises ce mois, Hassan Diab s'est rendu au palais présidentiel de Baabda, sur les hauteurs de Beyrouth, où il s'est entretenu avec M. Aoun et le président du Parlement, Nabih Berri.
 
Répondant ensuite à la presse, M. Diab s'est proclamé "indépendant", et a assuré aux manifestants que leur "soulèvement" avait porté ses fruits, en remettant la vie politique" du pays "sur la bonne voie".
 
Cet universitaire de 60 ans et ex-ministre de l'Education (2011-2014) a récolté 69 voix lors des consultations parlementaires, en majorité du Hezbollah et de ses alliés, dont le Courant patriotique libre (CPL) fondé par le président Aoun et le parti chiite Amal de M. Berri.
 
En revanche, il n'a pas obtenu le soutien des hauts responsables sunnites, au premier rang desquels le parti (Courant du Futur) du Premier ministre démissionnaire Saad Hariri.
 
Au bord de l'effondrement économique, le Liban vit depuis le 17 octobre au rythme d'un soulèvement populaire inédit contre l'ensemble de la classe dirigeante, accusée de corruption et d'incompétence.
 
Ayant obtenu la démission de M. Hariri et de son gouvernement le 29 octobre, les manifestants réclament inlassablement la formation d'un cabinet de technocrates indépendants du sérail politique au pouvoir depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
 
Un temps pressenti pour être reconduit dans ses fonctions, M. Hariri a dit mercredi qu'il renonçait à sa succession.
 
"J'ai sérieusement oeuvré à répondre à la demande (des manifestants, ndlr) d'un gouvernement de technocrates, que je considérais comme le seul capable de résoudre la grave crise sociale et économique", a commenté M. Hariri.
 
Mais il a expliqué avoir renoncé après que sa proposition eut suscité trop d'opposition chez ses rivaux politiques, selon lui.
 
- Rejet du bloc sunnite –
 
Ingénieur peu connu du grand public, M. Diab a été ministre de l'Education dans un cabinet dominé par le Hezbollah et ses alliés en 2011, après l'effondrement d'une coalition déjà dirigée à l'époque par Saad Hariri.
 
Le système politique de ce pays multiconfessionnel est conçu pour garantir un équilibre entre les différentes communautés religieuses, avec un Premier ministre sunnite en principe soutenu par les principaux dirigeants de sa communauté.
 
Mais ces derniers n'ont donc pas apporté leur soutien à M. Diab. Des hauts responsables du Courant du futur ont précisé qu'ils pourraient ne pas faire partie du prochain gouvernement.
 
De quoi laisser augurer une tâche difficile pour M. Diab, dans un pays abonné aux interminables tractations dans la formation de ses gouvernements.
 
- "Schisme sunnite-chiite" –
 
Selon Imad Salamey, chercheur en sciences politiques à l'Université américano-libanaise (LAU), la nomination de M. Diab laisse supposer que le prochain gouvernement "sera dominé par le Hezbollah" et ses alliés".
 
Cette situation risque de réactiver la faille entre sunnites et chiites au Liban, et de "noyer la révolution dans les discours confessionnels".
 
Sur son site internet, Hassan Diab se présente lui comme "l'un des rares ministres technocrates depuis l'indépendance".
 
Trois jours après le déclenchement de la contestation, M. Diab avait qualifié le mouvement d'"historique", écrivant sur les réseaux sociaux que "le peuple libanais" s'était "uni pour défendre ses droits à une vie libre et digne".
 
Dans les rues et sur les places des principales villes du pays, les Libanais continuent de manifester, bien qu'ils soient moins nombreux par rapport aux premières heures de la contestation.
 
Les tensions sont attisées par l'aggravation de la crise économique et financière, dans ce pays endetté dont environ le tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
 
La communauté internationale a conditionné toute nouvelle aide financière à l'essor d'un cabinet réformateur au Liban. Et un gouvernement dominé par le Hezbollah, cible de nombreuses sanctions par les Etats-Unis qui le considèrent comme une organisation "terroriste", risque de rendre difficile l'accès à cette aide.
 
La Banque mondiale prévoit une récession pour 2019 (au minimum -0,2%). La monnaie locale, la livre libanaise, indexée sur le dollar depuis 1997, a déjà perdu environ 30% de sa valeur sur le marché noir.
 
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