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La France et sa communauté musulmane, pourquoi la greffe ne prend pas ?

Lundi 21 Octobre 2019

L’intégration de la communauté musulmane en France est de plus en plus complexe pour ne pas dire impossible. Aujourd’hui, en effet, le musulman est mal vu dans l’Hexagone, où il est par moments accusé d’avoir acclimaté ou transposé ses us et coutumes, souvent jugés antinomiques aux ‘’valeurs de la République.’’
 
Or, si on réinterroge un peu l’histoire, on se rendra compte que les rapports entre ces deux civilisations étaient au beau fixe à telle enseigne que la France, ou l’Europe de façon générale, encourageait une émigration des populations d’origine nord africaines, à majorité musulmanes.
 
La grande question est comment on est arrivé à ce stade caractérisé par ce refus manifeste de l’étranger musulman, jusqu’à ce que d’aucuns développent la théorie du ‘’grand remplacement.’’
 
Une idée aussi saugrenue que transgressive des lois de la mondialisation. Laquelle n’a pas fini de faire disparaitre les frontières terrestres et les barrières ethnico-culturelles, imposant une généralisation des relations internationales, économiques, politiques et culturelles…
 
Réfléchir ainsi pour laisser à la gare des enfants de la même Marianne, c’est prendre le contre-pied de la marche du monde.
 
Déjà dans les années 60, l’Europe dopée par son industrialisation fulgurante avait un besoin soutenu d’une main d’œuvre pour faire tourner ses industries. Ainsi, des zones comme l’Afrique du Nord, majoritairement musulmane, caractérisée par une faible capacité d’absorption de ses bras valides représentait aux yeux du vieux continent un grenier. C’est ainsi qu’une massive mais simultanée arrivée de migrants sera encouragée.
 
Et le paradoxe aujourd’hui est que c’est avec la même ardeur ou plus que cette même Europe se montre déterminée à limiter cet « envahissement. »
 
Rappelons qu’à cette époque l’Occident avait une vision manifestement utilitaire et mercantile de l’immigration maghrébine d’abord, sub-saharienne ensuite.
 
Ce stade a prévalu pendant des années. C’est seulement à partir des années 1990, et depuis çà n’a pas varié, qu’on note des changements de comportement aussi bien du côté européen que du côté des migrants (surtout musulmans qui nous intéressent dans cette analyse).
 
D’abord chez les premiers qui avaient jusque-là un regard strictement utilitaire et mercantilisant du migrant. ‘’On a fait venir des bras mais ce sont des hommes qui sont venus’’. Cette boutade très célèbre à l’époque résume de fort belle manière la mutation qui venait de s’opérer. Autrement dit, ces migrants sont venus avec une industrie culturelle bien constituée, qu’ils vont acclimater en terre d’Europe.
 
L’on se rappelle de la célèbre expression ‘’…le bruit et l’odeur’’ de l’ancien président Français Jacques Chirac prononcé dans ce contexte en 1991, pour un ‘’opportunisme électoraliste’’ selon certains, venant de quelqu’un dont l’amour pour l’Afrique et les Africains ne souffrait d’aucune contestation.
 
Aussi, dans ces évolutions, on peut noter que les musulmans vivant dans l’Hexagone ne sont plus caractérisés par une passivité comme c’était le cas dans les décennies précédentes.
 
De plus en plus, l’on observe une minorité (composée de Français de souche, ou issus de l’immigration) plus exigeante qui réclame une certaine visibilité dans la société, à travers le port du voile, ou autres manifestations confessionnelles que Marianne n’avait pas prévues.
 
Et cette volonté affichée de cette minorité visible et active n’est pas du goût de certains Français qui voient en cela une agression culturellement parlant de la France, …de sa civilisation judéo-chrétienne.
 
Imaginez un peu un africain, mouride de surcroit, bien sapé dans son Baye Lahat avec son Mahtoum dans les métros à Paris ou au musée du Quai-Branly !
 
De prime abord, on pense que c’est foncièrement encombrant pour l’élu du Front national Julien Oudoul, qui s’en est violemment pris à l’accompagnatrice musulmane lors d’une Assemblée régionale. Par qui le débat sur le voile ou les signes islamiques a refait surface dans la presse la française ces derniers jours.
 
Tous ces facteurs ont considérablement contribué à la complexification dela rencontre de ces deux civilisations.
 
Préférons la rencontre de civilisations à l’expression huntingtonnienne de choc des civilisations. Un choc est toujours négatif.
 
Comme disait en substance Amadou Hampathé Ba, ce qui fait la beauté d’un tapis c’est la variété de ses couleurs. Une sagesse africaine qui résume fort bien que nous devons accepter la diversité comme une source de richesse et d’échange et non comme une source de conflit, de divergence et de confrontation.
 
Serigne Mbaye Dramé
Journaliste, Agence de presse sénégalaise
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