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INJUSTICE, RADICALISME ET TERRORISME : Le temps des solutions durables

Mardi 25 Octobre 2016

La pierre angulaire de toute réflexion sur le terrorisme ne peut se limiter à un schéma explicatif ou à des études contestables à tout point de vue. L'analyse que nous proposons ci-dessous s'articule autour de trois points: une  réflexion sur les relations possibles entre injustice, radicalisme et terrorisme; une évaluation de nos méthodes de lutte contre le terrorisme; une esquisse de solutions à valeur ajoutée pouvant réduire les effets néfastes du radicalisme violent s'il devait exister sous nos cieux. 
 
Par Ismaila NDIAYE (*)
 
Analyse trilogique des relations entre injustice, radicalisme et terrorisme
L’analyse de certaines données sociales liées aux auteurs d’actes qualifiés terroristes, ou concernant l’environnement socio-économique des zones où se développe une rébellion armée, autorise à établir une corrélation “apparente” entre pauvreté et violence. Par exemple, l’Etat de Borno, foyer du groupe « djihadiste » ([[1]]url:#_ftn1 ) Boko Haram, présenterait le tableau descriptif suivant : ¾ de la population vivent sous le seuil de pauvreté, seuls 2 % des enfants de moins de 15 mois y sont vaccinés. L’accès à l’éducation se révèle également très limité: 83 % des jeunes sont illettrés ; 48,5 % des enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas. L’ensemble de ces éléments factuels facilite la perméabilité aux propagandes accompagnées de violence ([[2]]url:#_ftn2 ).
Cette cartographie ressemble aussi à celle du nord Mali qui a une longue histoire de vulnérabilité chronique liée à une insécurité alimentaire à répétition (2005, 2010 et 2012-2013) qui a fragilisé l’ensemble des communautés maliennes, plus particulièrement dans le nord. Dès lors, il est évident que la pauvreté, si elle n’est pas la seule cause du terrorisme, y contribue pour une grande part. Il s’agirait d’une pauvreté pas seulement matérielle, mais aussi morale et intellectuelle.

Tout compte fait, c’est un cocktail de paramètres divers entraînant vers le désespoir et le ressentiment d'exclusion qui peut donner naissance à des actions dites terroristes si elles ont un soubassement religieux. Il conviendrait donc de changer de paradigme, pour ne plus être dans une logique de radicalisme religieux, mais plutôt d'une"religion-isation "du radicalisme.
Cependant, nous notons que cet avis ne fait pas l’unanimité, au regard de cas d’acteurs qui ne sont ni pauvres, ni illettrés.

Quel que soit l'argument, une réduction de la pauvreté et un niveau supérieur d'éducation permettraient de réduire les actions de violence notées ça et là.
 
Quelle évaluation des méthodes de lutte anti-terroriste ?
Les stratégies de lutte anti-terroriste mises en œuvre dans nos pays ne sortent pas d’un mimétisme dont les effets restent insignifiants car basés sur des résultats d'études dont la fiabilité pose un grand problème.

La logique du tout sécuritaire, de la répression préventive, des échanges d’informations  entre services de renseignement inter Etats qui présentent souvent des insuffisances si on considère le risque de manipulation par certains acteurs qui seraient animés par un souci d'abattre des concurrents idéologiques, restent sans grands résultats[[3]]url:#_ftn3 .

Ce qui doit amener nos pays, tenant compte de leurs particularités, réalités et sensibilités à produire leurs propres mécanismes de lutte contre le terrorisme, car dans ce domaine, il n’existe pas de mode d’emploi universel.
 
Des pistes de réflexion pour juguler le radicalisme
Si on restreint le terrorisme aux résultats d’un radicalisme "religion-isé", il serait important d’entreprendre une déradicalisation des groupes d’individus exposés revendiquant  une filiation doctrinale religieuse.

Un des moyens les plus efficaces de se prémunir du terrorisme serait d’agir pour une meilleure vulgarisation de la connaissance religieuse afin d’éviter l’instrumentalisation de principes religieux à des fins terroristes. Mais il ne faudrait-il pas aussi oublier de lutter contre les terreaux fertiles que constituent les difficiles conditions de vie des populations en améliorant leur bien être.
Pour y parvenir il faut: mener des études contradictoires et profondes sur les causes réelles du phénomène et ne pas se limiter à des études de confirmation de fausses appréhensions ; repérer les discours sectaires et exclusionnistes afin de les corriger. Tout musellement ne ferait qu’alimenter la victimisation et son corollaire de marginalisation ; travailler pour plus d’équité sociale avec un effort porté sur la correction des inégalités grâce à de vraies réformes en matière  de bonne gouvernance ; mettre en place un vrai dispositif de dialogue social, religieux, et inter- culturel, la logique de la culture universelle étant utopique et tyrannique ; enfin, bien impliquer les populations pour une meilleure combinaison et coordination des réponses sans perdre de vue les aspects géopolitiques et psychologiques.
 
La question du terrorisme étant tellement sérieuse, vu sont lot important de victimes civiles et innocentes, il faudrait la prendre avec tout le sérieux qu’elle requière. Si nous voulons affaiblir le terrorisme, il nous faudrait avoir l’humilité d’accepter sa complexité et les difficultés de le combattre qui ne sont pas sans poser des défis éthiques. Le terrorisme devant être combattu par tous, faisons-en l’affaire de tous.
 
(*) Analyste-chercheur sur les questions islamiques et contemporaines
ismandiaye777@yahoo.fr
 
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