Dans la longue marche des peuples, il est des hommes et femmes, qui par leurs faits et gestes, porteurs d’historicité, inscrivent à jamais leurs noms en lettres d’or sur les plus belles pages de l’histoire de leur pays.
Par leurs actions se situant dans la perspective d’infléchir le cours de l’histoire, ils finissent par prendre une place de choix au panthéon qui accueille les grandes figures de la nation.
Je pense à ces magistrats courageux qui ont fini de montrer à la face du monde que la justice – notre justice-, objet de critiques en tous genres, peut présenter un autre visage qui la réconcilie avec l’écrasante majorité des sénégalais.
Ces derniers qui ont suivi les péripéties judiciaires de ces derniers mois voire les celles de ces dernières années avec des procès qui ont tenu en haleine les sénégalais, n’hésitent pas à vous citer le nom de quelques juges.
Je cite pêle-mêle ceux et celles dont les noms reviennent fréquemment dans les conversations de salon et qui ont pour noms : Sabassy Faye, Ousmane Racine Thior, Aissatou Ba Diallo, Ousmane Diagne, Souleymane Téliko, Marème Diop Gueye, Ibrahima Hamidou Dème, Alioune Ndao ; la liste est loin d’être exhaustive.
Ces professionnels du droit, cités comme des références à l’instar de leurs aînés, Kéba Mbaye, Isaac Forster, Assane Diouf, Ousmane Camara, Jacques Baudin, Louis Pereira de Carvalho, Mansour Tall ; tous ces hommes et femmes dis-je, méritent la reconnaissance éternelle de la nation sénégalaise.
Oui, ils méritent notre respect au motif que leurs parcours professionnels révèlent des trajectoires qui forcent le respect. Et ce n’est pas tout, le bouche à oreille qui permet de connaître et d’entendre beaucoup de choses, les désigne comme des hommes et femmes de très grande valeur.
En vérité, la justice qui est un pilier fondamental qui assure l’équilibre d’une nation ne doit laisser personne indifférent. Quand elle s’affaisse, aucun pan de la société n’est épargné des conséquences de son effondrement.
Dans beaucoup de pays africains, la justice est à terre ; conséquence, la chienlit s’est installée dans ces régions et pour longtemps encore. Heureusement, chez nous, des juges résistent et se font un point d’honneur de ne jamais trahir le serment pris devant Dieu et devant les hommes.
Ce qui me fait dire que c’est dans les moments de trouble, d’inquiétude généralisée, voire de psychose, que se révèlent les grands hommes. Lesquels, armés de courage et d’une force morale hors d’atteinte de toute faiblesse, ils posent des actes qui par leur portée, balisent la voie à une révolution sociale, culturelle voire politique.
Ces passeurs de vertus, de valeurs morales et éthiques les plus élevées, contribuent grandement à asseoir les bases d’une société fondée sur la justice.
Au fait, toute société qui ne fonctionne pas sur la base de la justice est vouée à terme à la perdition. L’histoire des hommes renseigne que de grandes civilisations ont périclité quand l’injustice a été érigée en système.
En vérité, sans la justice, aucune société humaine ne peut véritablement s’épanouir. Fort des vérités énoncées supra, je ne pouvais manquer de magnifier et de célébrer ces magistrats -courage qui ont su braver pressions et menaces de toutes sortes pour dire le droit. Rien que le droit !
Personne n’ignore que dans des pays comme les nôtres qui restent encore des démocraties mineures, les juges n’ont pas toujours cette indépendance qui leur permet de mener à bien le travail que la société est en droit d’attendre d’eux.
Simple vue de l’esprit ce que je dis-là ou vérité indéniable ? La réponse se trouve dans ce mot terrible qui porte l’estampille du juge Ibrahima Hamidou Dème : « Je démissionne d’une justice qui a démissionné » ! Cette affirmation se passe de commentaires !
Est-il le seul à mettre le doigt sur les dysfonctionnements de notre justice ? Que non ! D’autres, et pas des moindres, n’hésitent pas à pointer du doigt les faiblesses de notre justice.
Maître Mame Adama Gueye (MAG), avocat à la fois brillant et chevronné, dans une télévision de la place, a asséné des vérités irréfutables. Des vérités, largement partagées par l’écrasante majorité des sénégalais. Ecoutons MAG : « C’est l’attitude d’une masse critique qui fait que la justice doit être considérée comme indépendante ou pas. On a des magistrats qui sont indépendants. On a aussi beaucoup de magistrats qui ne sont pas indépendants. Si on regarde la masse critique, elle penche plutôt du côté de ceux qui ne font pas preuve d’indépendance. »
L’homme qui porte cette appréciation sait de quoi il parle. Son discours est loin d’être aérien, sans aucun lien avec la réalité. Au contraire ! Laissons encore la parole à MAG. Ses propos peuvent servir de grille de lecture pour mieux cerner les réalités que nous vivons présentement :
« Le Sénégal n’est pas un état de droit. Est-ce que dans un état de droit, une administration peut refuser d’appliquer une décision de justice ? L’Etat de droit, c’est la rigueur dans le respect de la loi…… (……) C’est tout cela qui explique la crise de confiance entre la justice et les citoyens ».
Ces affirmations qui portent la signature de MAG ne déparent pas avec celui de maître Doudou Ndoye. Invité d’une télévision de la place, cet éminent juriste a martelé lui aussi des vérités incontestables.
Auteur de plusieurs ouvrages de référence en matière juridique, DN est une sommité intellectuelle dont les avis font autorité : « Dans notre constitution, il n’y a qu’une seule personne qui a une existence et un pouvoir, c’est le président de la république. (……) Nous avons une administration politisée qui n’est pas au service de l’intérêt général. L’administration souffre de patrimonialisation ».
Comme nous venons de le voir, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul homme, le président de la république. Et son pouvoir qui est quasi divin, écrase le pouvoir judiciaire.
Tous ces développements montrent la difficulté qu’il y a pour certains juges à faire effectivement preuve d’indépendance.
Indépendance, le mot est lâché ! Elle est fondamentale dans un état de droit ; elle seule, est capable d’assurer la sécurité pour tous. Pour dire vrai, la justice qui est à la croisée des chemins, doit pouvoir trouver la bonne formule, à même de lui permettre d’assurer son indépendance.
Les échéances électorales décisives qui pointent à l’horizon vont placer encore davantage la justice sous les feux de l’actualité. Saura-t-elle répondre à l’exigence de vérité et d’impartialité en mettant tous les candidats au même pied d’égalité ? L’histoire nous dira !
Quoi qu’il en soit, les magistrats sont sommés par l’histoire de prendre leurs responsabilités en n’écoutant que la voix de leur conscience. Au fait, ils sont aujourd’hui juges ! Demain, ils ne le seront plus ! Et c’est alors à l’histoire- la grande histoire- de les juger. Plaise à Dieu que sur les langues de la postérité, on puisse chanter et célébrer vos noms. Que vos fils et petits-fils puissent bomber le torse en revendiquant un héritage qui leur rend si fier.
Et quant aux autres - tous les autres- qui n’auront pas su résister aux tentations et autres pressions, on parlera d’eux en mal et cela jusqu’à la fin des temps. « Ma ko déf, té kéne du ko wax, kéne amul maaxamam ci kow suuf » (C’est moi qui l’ai fait et que personne n’en parle ; aucun individu n’a ce pouvoir sur terre).
Que dire comme mot de la fin ? Je vais convoquer les paroles pleines de sagesse d’un compatriote du nom de Cheikh Ahmed Bamba Diagne, économiste de son état. Au micro d’un célèbre chroniqueur de la place, il tint ce discours qui a fait tilt dans ma conscience : « Le président Macky Sall doit saisir l’occasion de son discours du 31 Décembre pour réconcilier la nation sénégalaise. Il doit cesser d’être un homme politique pour devenir un homme historique ». Cela ne dépend que de lui ! Et pour ce faire, il doit prendre de la hauteur en se réconciliant avec son peuple. !
Ce que les sénégalais vivent dans leur chair et dans leur esprit en terme de souffrance depuis 2021, je ne pense pas qu’ils l’aient vécu sous un autre régime que le vôtre. De fait, il est temps de souffler le calumet de la paix et de la grande réconciliation.
Réconciliez-vous avec votre peuple, Monsieur Le Président, en libérant tous les prisonniers politiques ! Réconciliez-vous avec votre peuple, Monsieur Le Président, en faisant la paix des braves avec tout le monde.
Réconciliez-vous avec votre peuple, Monsieur Le Président en organisant une élection démocratique, transparente, inclusive. Qui alors pour vous tenir rigueur de tout ce qui s’est passé ? Le sénégalais est par nature quelqu’un de généreux !
Très vite, il va oublier et le Sénégal dans toutes ses composantes vous sera reconnaissant d’avoir ramené la paix des cœurs et des esprits
Fait à Pikine le 22 Décembre 2023
Madi Waké TOURÉ, tmadi70@yahoo.fr