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Guerre en Ukraine - Une annexion de la région de Kherson évoquée, perturbations gazières

Mercredi 11 Mai 2022

La région ukrainienne de Kherson, occupée par les Russes depuis début mars, va demander à être annexée par la Russie, a affirmé mercredi un de ses responsables prorusses, alors que les livraisons de gaz russe à l’Allemagne transitant par l’Ukraine étaient pour la première fois affectées par le conflit.
 
« Il y aura une demande (adressée au président russe) pour intégrer la région de Kherson en tant que sujet à part entière de la Fédération de Russie », a déclaré Kirill Stremooussov, chef adjoint de l’administration de la cité côtière de Kherson, seule ville ukrainienne d’importance dont les Russes aient revendiqué le contrôle total en deux mois et demi de guerre en Ukraine.  
 
« La base juridique […] sera prête avant la fin de l’année », a-t-il affirmé, ajoutant que comme la communauté internationale n’avait pas reconnu le référendum de rattachement de la Crimée à la Russie de 2014, la région de Kherson n’organiserait pas de tel scrutin.
 
Vendredi, un haut responsable parlementaire russe, Andreï Tourtchak, avait déjà affirmé, en visite à Kherson, que la Russie resterait « pour toujours » dans le sud de l’Ukraine.
 
Kyiv accusait depuis plusieurs semaines Moscou de vouloir organiser dans cette région un référendum sur l’indépendance, comme cela a été fait en 2014 en Crimée, après que Moscou eut repris le contrôle de la péninsule. Moscou avait annexé la Crimée dans la foulée.   
 
« Les envahisseurs pourraient aussi bien demander à rejoindre Mars ou Jupiter. L’armée ukrainienne libérera Kherson, quels que soient leurs jeux de mots », a réagi Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne, dans un tweet.
 
Objectif Transdniestrie ?
 
Ces déclarations surviennent alors que la cheffe du renseignement américain Avril Haines a averti mardi que le président russe Vladimir Poutine se préparait « à un conflit prolongé » et visait « des objectifs au-delà du Donbass », en comptant sur un affaiblissement progressif de la détermination occidentale à l’arrêter.
 
Selon elle, la Russie a dans son viseur la Transdniestrie, région séparatiste de Moldavie dont la pointe sud n’est qu’à une soixantaine de kilomètres de la grande ville ukrainienne d’Odessa, sur la mer Noire.
 
Le commandement ukrainien pour le sud souligne d’ailleurs que les troupes russes frappent « sans merci » la région de Mykolaïv, ultime verrou avant Odessa. « Des maisons privées, des installations agricoles ont été endommagées et l’alimentation en électricité de l’une des localités a été interrompue », a-t-il affirmé dans la nuit de mardi à mercredi.
 
Fin avril et début mai, des explosions ont secoué la Transdniestrie, alimentant les craintes d’une extension du conflit. L’Union européenne avait annoncé le 4 mai qu’elle allait « considérablement accroître » son aide militaire à la Moldavie.  
 
Baisse des livraisons gazières
 
Les livraisons de gaz russe à l’Allemagne transitant par l’Ukraine étaient par ailleurs en baisse mercredi, de 25 %, pour la première fois depuis le début du conflit.
 
« En raison de la réduction du transit, les volumes de gaz acheminés vers l’Allemagne via l’Ukraine (par le gazoduc Megal) ont diminué de 25 % par rapport » à mardi, a précisé l’agence gouvernementale allemande chargée de l’énergie. Elle a assuré toutefois que cette baisse était compensée par des flux plus importants en provenance notamment de Norvège et des Pays-Bas.
 
Ukrainiens et Russes se sont rejeté la responsabilité de ces perturbations : OGTSOU avait prévenu mardi soir qu’il fermerait mercredi l’un des robinets livrant du gaz à l’Europe, invoquant un cas de « force majeure » après que les forces russes eurent, selon lui, pénétré dans ses installations de la région de Louhansk, au cœur du Donbass.  
 
Mais Gazprom a réfuté cette notion de « force majeure », et affirmé qu’il était impossible de dérouter les livraisons par un autre point de passage, comme le demandaient les Ukrainiens.  
 
Jusqu’à présent, tant Moscou que Kyiv maintenaient les flux de transit vers l’Allemagne. L’Union européenne s’efforce néanmoins de se préparer à une rupture de ses approvisionnements depuis que la Russie a ordonné le paiement des livraisons en roubles-coupant fin avril les livraisons à la Pologne et la Bulgarie qui refusaient de s’exécuter. L’Allemagne a elle déjà réduit sa dépendance au gaz russe de 55 % à 35 % ces dernières semaines.  
 
« 100 ans » de conséquences
 
Ces perturbations gazières surviennent alors que la Russie poursuit son offensive dans le Donbass, gagnant lentement du terrain.  
 
Les villes jumelles de Severodonetsk et Lyssytchansk, assiégées, semblent notamment pouvoir tomber à tout moment, a constaté l’AFP. Les offensives russes « arrivent par vagues », selon un soldat interrogé sur place, nécessitant des opérations périlleuses d’évacuation des blessés.     
 
Kyiv se félicite en revanche d’avoir fait reculer les forces russes qui tiraient depuis des semaines sur les quartiers nord-est de Kharkiv, deuxième ville du pays, et d’avoir repris quelques petites localités de cette région toute proche de la frontière russe.  
 
« Les occupants sont progressivement repoussés de Kharkiv », a affirmé le président Volodymyr Zelensky dans une vidéo mardi soir, saluant les combattants ukrainiens qui « font preuve d’une force surhumaine pour chasser l’armée d’envahisseurs ».  
 
À Marioupol, si les centaines de combattants ukrainiens qui s’y sont retranchés tiennent toujours l’aciérie Azovstal, ils sont aussi constamment bombardés, selon Kyiv.  
 
Le régiment Azov, qui assure la défense de l’aciérie, a publié les photos de soldats blessés qui se terrent toujours dans cet immense complexe sidérurgique, appelant à nouveau le monde à « agir » pour leur évacuation.  
 
L’Ukraine devra « lutter pendant 100 ans » contre les conséquences de la guerre, a prédit mercredi le chancelier allemand Olaf Scholz. « Ceux qui vivent en Allemagne savent que des bombes tombées pendant la Seconde Guerre mondiale sont encore découvertes aujourd’hui et que les alertes à la bombe continuent », a-t-il ajouté lors d’un point presse à Berlin.
 
Vote sur l’aide militaire américaine
 
Dans ce contexte, la Chambre américaine des représentants a adopté mardi une enveloppe d’aide à Kyiv de près de 40 milliards de dollars, comprenant un volet économique et humanitaire, mais aussi des armes et des munitions.   Il doit être voté dans les prochains jours au Sénat, avant d’être promulgué par le président américain.
 
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui plaidé à nouveau mercredi pour une adhésion de son pays à l’UE, par visioconférence devant des étudiants de plusieurs établissements d’enseignement supérieur français après que le président français Emmanuel Macron eut averti lundi que cela prendrait « des décennies ».  
 
« C’est comme une table où toute la famille est réunie, et où vous êtes invité, mais on ne vous a pas mis de chaise », a déclaré M. Zelensky. « Et je pense que c’est injuste. L’Ukraine est un pays qui respecte les pays de l’Union européenne, et qui souhaite bénéficier du même respect, ni plus ni moins. »
 
Pour l’instant, l’UE s’efforce de convaincre ses 27 États-membres d’adopter un projet d’embargo sur le pétrole russe, bloqué par Budapest. Un accord est possible « dans la semaine », avait assuré mardi le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune.
 
Si l’économie russe accuse le coup des sanctions occidentales déjà en vigueur, l’économie ukrainienne souffre plus encore. Quelque 30 % des emplois y ont été perdus depuis le début de la guerre, a indiqué mercredi l’Organisation internationale du Travail. Le FMI avait pronostiqué mi-avril une chute du PIB ukrainien de 35 % en 2022, contre -8,5 % pour le PIB russe. (AFP)
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