Le développement d’une plateforme dédiée au fret pharmaceutique à l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD) n’est pas seulement souhaitable – il est devenu nécessaire. En tant que professionnel du transport aérien, témoin des failles logistiques et des attentes croissantes du secteur de la santé, je suis convaincu que le moment est venu de positionner l’AIBD comme un hub régional stratégique pour le cargo pharmaceutique.
L’Afrique a besoin d’un corridor logistique sanitaire fiable
Ces dernières années, les crises sanitaires ont révélé l’extrême fragilité de nos chaînes d’approvisionnement médicales. Qu’il s’agisse de vaccins, d’insuline, de dérivés sanguins ou de tests de diagnostic, la dépendance aux importations couplée au manque d’infrastructures spécialisées dans le fret à température contrôlée a souvent mis en péril des cargaisons vitales.
Dans ce contexte, le fret pharmaceutique ne peut plus être traité comme un flux logistique ordinaire. Il exige une gestion différenciée, des équipements adaptés, un personnel formé, une traçabilité fine et une certification reconnue. Or, à ce jour, aucun aéroport d’Afrique de l’Ouest n’offre une plateforme certifiée CEIV Pharma, le standard international de référence pour le transport de produits de santé par voie aérienne.
L’AIBD, un levier de transformation à fort potentiel
Le Sénégal dispose pourtant d’un aéroport international moderne, bien positionné entre les grandes routes aériennes nord-sud et est-ouest, et doté d’ambitions légitimes en matière de hub logistique. Ce potentiel, je le crois, reste sous-exploité tant que le fret à haute valeur ajoutée comme le pharmaceutique n’y est pas pleinement structuré.
Je propose donc de réfléchir sérieusement à la création d’un "AIBD Pharma Hub" : une plateforme dédiée au traitement, à la conservation et à la distribution des produits pharmaceutiques et médicaux, selon les standards internationaux (GDP, CEIV).
Cette initiative aurait un impact à plusieurs niveaux :
• Économique : en diversifiant les sources de revenus de l’aéroport, en attirant de nouveaux opérateurs logistiques, et en créant des emplois qualifiés ;
• Sanitaire : en améliorant la rapidité et la fiabilité de la distribution des médicaments à l’échelle nationale et sous-régionale ;
• Régional : en faisant de Dakar un point d’entrée stratégique pour les flux médicaux à destination de la CEDEAO.
Ce que cela implique concrètement
Un tel projet ne nécessite pas des centaines de millions de dollars. Il requiert d’abord une volonté politique claire, une coordination entre les parties prenantes (aéroport, douanes, santé publique, compagnies aériennes, transitaires), et un investissement initial ciblé :
• Aménagement de zones frigorifiques certifiées (+2 à +8°C et +15 à +25°C)
• Acquisition de conteneurs actifs/passifs et de chariots isothermes
• Mise en place d’un système de traçabilité digital en temps réel
• Formation des agents de fret, des douaniers, et du personnel au sol
• Et surtout : lancement du processus de certification CEIV Pharma avec l’IATA.
Un projet à haute valeur stratégique
L’"AIBD Pharma Hub" ne serait pas un simple entrepôt froid de plus. Il serait un marqueur de transformation pour l’ensemble du système logistique sénégalais. Un signal fort envoyé aux bailleurs, aux laboratoires pharmaceutiques, aux ONG et aux institutions internationales : le Sénégal est prêt à assumer un rôle logistique majeur dans la santé en Afrique.
Ce projet pourrait bénéficier du soutien d’acteurs tels que la BAD, l’UE, l’OMS ou la Banque Mondiale.
Conclusion : osons franchir le cap
Dans un monde post-COVID où les chaînes logistiques deviennent stratégiques, le fret pharmaceutique n’est plus une option mais un pilier. Le Sénégal, par la modernité de l’AIBD et sa position géographique, est en mesure de répondre à ce défi.
Encore faut-il en faire un choix stratégique. En tant qu’acteur du secteur, je plaide pour que cette réflexion devienne projet, et que ce projet devienne réalité.
Abdou Khadre Diouf,
Chef du Service Développement et Prospective à la Direction du Transport Aérien et de la Réglementation à l’ANACIM
Source : Facebook Hello Senegal






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