Alors que les universités publiques du Sénégal sont confrontées à des défis majeurs (retards de bourses, manque de logements étudiants, amphithéâtres insuffisants), le ministère de l’Enseignement supérieur semble s’engager dans une autre direction. Celle de la communication ostentatoire, aux accents de grand spectacle, là où la sobriété et l’efficacité seraient attendues.
Ce mardi 15 juillet 2025, il a reçu les médias au Terrou-Bi autour d’un "déjeuner de presse" consacré à l’Agenda national de Transformation de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ANTESRI 2050). À peine digéré ce lancement en grande pompe, les ANESRI s’ouvriront le 17 juillet au CICAD de Diamniadio, dans un format qui laisse présager encore plus de frais somptuaires, dans un contexte où les ressources publiques sont sous tension.
Mais ce qui irrite le plus, c’est la prétention à l’innovation dans un secteur qui a déjà connu de profondes réflexions, souvent portées par des experts reconnus, dans et hors du Gouvernement. Mary Teuw Niane, Mbaye Thiam, Olivier Sagna, Abdoulaye Diagne, pour ne citer qu’eux, ont tous contribué et été témoins, à divers niveaux, à des diagnostics clairs et à des recommandations structurées sur l’enseignement supérieur sénégalais. À quoi bon refaire les mêmes constats, à coups de forums et d’effets d’annonce, si ce n’est pour entretenir une illusion de rupture ?
Pis encore : le choix des lieux. Le ministère et les universités ne manquent pas d’espaces capables d’abriter ces rencontres. Des structures comme l’EBAD, l’IFAN, ou même l’UCAD 2 disposent de salles tout à fait adaptées voire adaptables, à de telles discussions. Pourquoi alors préférer des hôtels hors de prix et le CICAD, quand nos propres institutions académiques peuvent accueillir ces moments d’échange à moindre coût et avec plus de symbolique ?
Il est temps de dire les choses clairement : l’université sénégalaise n’a pas besoin d’un programme-spectacle, mais d’un plan d’action concret, sobre et ancré dans l’existant. La priorité n’est pas la mise en scène, mais la mise en œuvre.
Et ce n’est pas en négligeant les savoirs déjà produits ni en ignorant les expertises locales que l’on construira l’université de demain
D'autant plus que le ministère lui-même reconnaît, par ses propres actions, la capacité d’accueil des installations universitaires. Le 27 mai 2025, le ministre n’a-t-il pas présidé un séminaire stratégique à l'UCAD sur les usages pacifiques des technologies nucléaires, en présence de l'ambassadeur de Corée et de plusieurs autorités académiques ? Cet événement, de portée internationale, a démontré la capacité de l'université à accueillir des manifestations de haut niveau. Le 8 mai 2025, ne s’est-il pas tenu à l’UCAD 2 une importante réunion avec les responsables des établissements privés d'enseignement supérieur, en présence de l'ensemble des acteurs du secteur et des services centraux du ministère ? Ces exemples récents prouvent que nos universités sont en mesure, symboliquement et techniquement, de mener le débat sur leur propre avenir. L'Etat a tout intérêt à en faire des lieux d'expression, au lieu de les contourner.
Ce que la communauté universitaire attend, ce ne sont pas des slogans, mais des actes. Du « Jub - Jubal – Jubbanti ». Il ne s'agit pas de remettre en cause le besoin de réforme, qui est réel et urgent, mais de s'interroger sur les méthodes. Car la transformation ne viendra pas d'un nouvel agenda tous les cinq ans, mais d'un engagement clair à mettre en œuvre ce qui a déjà été convenu, avec les ressources disponibles. Une véritable rupture avec le passé exige que nous sortions du cycle des annonces et des événements coûteux pour aller vers la sobriété, l'efficacité et la cohérence. « Jub - Jubal – Jubbanti ».
Cela implique de mobiliser l'expertise locale, de s'appuyer sur les structures existantes et de donner du sens à la dépense publique, en particulier dans un contexte de contraintes budgétaires.
Les universités sénégalaises ne demandent pas un spectacle, mais une stratégie. Il ne s'agit pas d'un grand lancement, mais d'une politique ferme, continue et inclusive. Ce que les étudiants, les enseignants et les administrateurs demandent, ce ne sont pas des conférences, des déjeuners , des dîners dans des hôtels de luxe, mais des mesures concrètes : des bourses payées à temps, des logements décents, des salles de classe disponibles, des programmes utiles et des carrières sûres.
Certes beaucoup de bonnes initiatives ont été prises par le ministère depuis l’arrivée de Dr Diouf, mais Il est temps d’investir plus dans l’action que dans la rhétorique. Il est important de comprendre cela, car il n'y a plus beaucoup de marge de manœuvre. Il ne s'agit plus d'être visible. Il s'agit d'être utile. C'est ainsi que j'interprète la dernière sortie du Premier ministre Ousmane Sonko.
Doudou Ndiaye







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