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Emigrés: paroles d’outre-tombe

Lundi 26 Octobre 2020

Partis par providence, à la quête de richesse, loin de la famille, loin des amis.
Anonymes toute notre existence, nous devenons célèbres le jour où l’on nous porte sous terre.
 
Ni les cris des amis ni l’indignation de notre peuple ne sauraient nous ranimer.
Abattus, fauchés, poursuivis et persécutés à mort, notre seul tort, est d’être malheureusement imbus de ces vertus rares de jom et de ngor. 
Et, rien de ce long périple ne fut une séance de sinécure. De la fameuse pirogue de fortune au crasseux camp d’accueil.
 
Devrons-nous plutôt nous réjouir d’avoir bénéficié d’une sépulture? Que sont devenus les restes de ces milliers de frères de même couleur aux tréfonds de la mer, bassement abandonnés comme provisions aux cichlidés et autres poissons?
De l’autre bout de la rive, Sunugal lointain fait de notre mort cette habituell
e occasion d’expression de son émotion opalescente.
 
A côté, le gouvernement se réjouissant quasiment de notre mise à mort, dans son mutisme de circonstance, oublie ses affabulations sur notre « prodigieuse contribution à l’économie nationale » dissimulées par de simulacres statistiques d’envois de devises. Eh oui, si la Teranga est une vertu sénégalaise elle ne saurait tout de même se résumer à sa simple expression géographique, immuable et non migrante.  
 
Ailleurs, on nous tue, au pays on se meurt. 
 
Et dans cette omerta complice où l’être le plus cher, pur innocent dénudé de toute souillure, enfant que l’humanité se doit d’offrir ce qu’elle a de meilleur, se fait trucider, sa gorge gracieusement cédée à ces assoiffés de sang, nous nous élevons en dignité et en décence pour ne point réclamer une once de sidération à nos exécutions répétées.    
 
Bien heureux de constater que nos familles s’honorent encore de notre condition d’émigrés, symbole d’une certaine réussite sociale. La nation, sa jeunesse en détresse, nous élevant éternellement en référence. 
 
De vie à trépas, il n’y a qu’un seul pas ; Mais, un pas alarmant. Bien dommage alors de faire partie de ces gens de Dard dont la mort ne surprend guère parce qu’on les croyait décédés depuis longtemps. 
 
Mamadou NDAO 
Président du Mouvement citoyen « Je participe »
 
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